[Hugo, Victor] Bug-Jargal
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[Hugo, Victor] Bug-Jargal
Bug-Jargal
Victor Hugo
1818
226 pages (éditions Bibebook)
ISBN : 978-2-8247-0135-6
Victor Hugo
1818
226 pages (éditions Bibebook)
ISBN : 978-2-8247-0135-6
Résumé de l'éditeur :
En 1818, l'auteur de ce livre avait seize ans et il paria qu'il écrirait un volume en quinze jours. Il fit Bug-Jargal. C'est un roman d'aventures décrivant les péripéties de Léopold d'Auvernay, jeune officier de l'armée française, qui part pour Saint-Domingue, colonie française à l'époque, pour retrouver sa promise, fille d'un colon français, et l'épouser. Cependant la veille de son mariage les esclaves, menés par le mystérieux Bug-Jargal, se révoltent contre la domination des colons, et sa future épouse se fait enlever par un esclave, de qui Léopold pensait être l'ami. Commence ensuite pour Léopold une course-poursuite à travers l'île pour retrouver sa bien-aimée et pour assouvir sa vengeance...
Mon avis :
Œuvre de jeunesse, comme on le rappelle en général dans les critiques sur ce roman, Bug-Jargal ne m'a pas paru manquer de maîtrise dans la construction du roman, ni dans l'écriture. Victor Hugo s'est inspiré d'un ouvrage historique, Adonis ou le bon nègre, anecdote coloniale de Jean-Baptiste Picquenard, paru en 1798 (source Wikipedia).
La trame du roman est assez classique : c'est celle du récit enchâssé, dans lequel le capitaine Léopold d'Auverney s'acquitte du récit d'une anecdote vécue auprès de ses hommes dans un campement militaire, à la veille d'une bataille. Nous sommes dans les années révolutionnaires, 1794-95, et Léopold est un homme taciturne et mystérieux, qui semble chercher le danger, peut-être même la mort. Il est toujours flanqué de Thadée, son aide de camp, et du dogue Rask, qui boîte de la patte droite. Il est évident que son histoire est tragique, comme il en prévient ses hommes - il a tout perdu, toute sa famille, et il est rongé par la culpabilité.
Le récit nous ramène trois ans en arrière, en 1791, lors de la première révolte des esclaves en Haïti, dans les plantations du Nord du pays. Léopold, neveu d'un riche planteur, est destiné à prendre la suite de son oncle et à épouser sa cousine, Marie, dont il est éperdument amoureux. Mais l'oncle est un maître féroce pour les esclaves de sa plantation, il n'a aucune pitié, et par exemple ne supporte pas qu'un esclave tarde un tant soit peu à répondre à un ordre. Toutefois, cela n'affecte pas le moral des deux amoureux, qui se marient bientôt et filent le parfait amour, jusqu'au jour où un mystérieux rival se manifeste, un esclave noir du nom de Pierrot. Les jeunes gens finissent par sympathiser bon gré mal gré, s'étant par deux ou trois fois sauvé la vie l'un de l'autre.
Lorsque la révolte éclate pour de bon, Léopold, envoyé chercher des renforts au Cap, retrouve la plantation de son oncle incendiée, ce dernier assassiné et Marie disparue. Le vieux fond de jalousie ressurgit, et il en veut à Pierrot, l'ayant vu brièvement emporter Marie dans ses bras. C'est sûr : il ne vivra plus que pour sa vengeance. Malheureusement, il est capturé par les troupes d'esclaves révoltés, menées par le cruel Biassou, et attend l'heure de son exécution. Quelle ne sera pas sa surprise lorsqu'il voit réapparaître Pierrot, sous l'identité du légendaire chef Bug-Jargal, et qu'il apprend le rôle qu'il joue dans sa propre partition. Car tous deux sont liés, jusqu'au dénouement de leur histoire.
J'ai apprécié ce roman, bien construit, agrémenté de descriptions puissantes de la forêt, des mornes (montagnes), qu'il s'agisse d'un véritable eden sauvage, de plantations en feu ou d'une scène de bataille en pleine nature, la narration reste évocatrice et les valeurs du personnage principal forcent le respect (de même que le dévouement adorable du chien Rask). Les chapitres sont plutôt brefs, construits dans une remarquable économie d'action ; nous y voyons fonctionner le camp des esclaves révoltés, se poser le problème du pouvoir et de la responsabilité. Le ton est un peu trop mélodramatique, et surtout, je n'y ai pas reconnu le grand Hugo, dans son humanité - il ne manque pas d'une ambiguïté gênante dans sa position face à l'esclavage. Je déduirais de son analyse que l'esclavage n'est pas vraiment le problème si les maîtres restent humains dans le traitement de leur personnel noir - à bon maître bon esclave, ce n'est pas encore la date à laquelle on remettra le principe même de l'esclavage en question. Hugo jeune homme aime l'ordre, il n'aime pas qu'on dégrade des biens appartenant aux riches familles d'Haïti, il n'aime pas l'esprit révolutionnaire et n'hésite pas à caricaturer les "Négrophiles", tout en dressant un portrait encore plus terrible des exactions et de la cruauté des chefs noirs, qui profitent de la bêtise et de la crédulité de leurs troupes (je n'invente rien, c'est clairement dit dans le récit).
L'auteur se rachète d'une certaine manière à travers le personnage et les paroles de Bug-Jargal : fils de roi au Congo, lorsque ce dernier conte son enlèvement et déportation en esclavage, c'est bel et bien à un vibrant réquisitoire que nous assistons. En tant que chef, Bug-Jargal ne recherche jamais le meurtre, il fait preuve de magnanimité. On sent aussi qu'à travers l'amitié qui les lie, Léopold dépasse les préjugés de sa classe et le considère véritablement comme un frère. Il est dommage que Victor Hugo ne fasse de lui qu'une exception à la règle, et non l'exemple d'un choix moral possible même lorsqu'on a été maltraité comme lui.
C'est resté une lecture agréable, mais en raison de ces bémols, j'accorde plutôt une note de 4/5, sachant que la prise de conscience n'était pas complète au tout début du XIXème siècle. L'esclavage ne sera d'ailleurs aboli qu'en 1848, et Hugo parlera en 1859, depuis Hauteville House, de fraternité et d'égalité entre Blancs et Noirs - on n'y est pas encore !
Citations :
D’Auverney parlait peu, écoutait rarement, et se montrait sans cesse prêt à agir. Toujours le premier à cheval et le dernier sous la tente, il semblait chercher dans les fatigues corporelles une distraction à ses pensées. Ces pensées, qui avaient gravé leur triste sévérité dans les rides précoces de son front, n’étaient pas de celles dont on se débarrasse en les communiquant, ni de celles qui, dans une conversation frivole, se mêlent volontiers aux idées d’autrui. (Page 10-11)
Ce qu’il y avait d’étrange, reprenait-on, c’était de le voir aussi doux, aussi simple avec ses égaux, qui se faisaient gloire de lui obéir, que fier et hautain vis-à-vis de nos commandeurs. (Page 43)
J’ai vu beaucoup de planteurs défendre les jours de leur esclave ; je n’ignore pas que, pour plusieurs d’entre eux, ce n’était pas sauver la vie d’un homme, mais une somme d’argent ; du moins leur intérêt leur donnait une vertu. (Page 159)
On sépara le jeune lion de son vieux père pour les dompter plus aisément. — On enleva la jeune épouse à son époux pour en tirer plus de profit en les unissant à d’autres. — Les petits enfants cherchèrent la mère qui les avait nourris, le père qui les baignait dans les torrents ; ils ne trouvèrent que des tyrans barbares, et couchèrent parmi les chiens ! (Page 172)
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Hugo, Victor] Bug-Jargal
Tu as oublié de voter Elea !
joëlle- Modérateur
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Re: [Hugo, Victor] Bug-Jargal
joëlle a écrit:Tu as oublié de voter Elea !
Oui, erreur réparée.
elea2020- Grand sage du forum
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