[Bourgeois, Léon] Solidarité
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[Bourgeois, Léon] Solidarité
Solidarité
Léon Bourgeois
Bibebook
48 pages
1896
ISBN: 978-2-8247-1060-0
Léon Bourgeois
Bibebook
48 pages
1896
ISBN: 978-2-8247-1060-0
Présentation de l'éditeur :
Dans Solidarité, publié pour la première fois en 1896, il présente la solidarité comme le principe central de sa doctrine ; une solidarité aussi bien entre les hommes qu'entre les générations. Pour lui, « l'individu isolé n'existe pas ». Les hommes sont interdépendants et ont tous une dette envers la société, qui leur a permis de s'épanouir. Mais puisqu'ils ne disposent pas des mêmes avantages, cette dette ne peut être la même pour tous. Pour Léon Bourgeois et les solidaristes, un « quasi-contrat » est passé à la naissance entre les hommes, dont ils héritent des droits et des devoirs, qui évoluent selon la réussite.
Le texte de 48 pages comporte en outre des annexes, trois discours ou rapports délivrés lors du Congrès d'Education Sociale en 1900.
Mon avis :
J'ai découvert avec un certain intérêt le document constitué par cet essai sur la solidarité comme contrat social, non seulement entre les hommes d'une même génération, mais entre tous les hommes d'une génération, comme héritiers des efforts et réalisations des générations précédentes, et redevables envers les générations futures, pour qui ils doivent conserver les acquis, mais encore améliorer, développer ce qui existe.
Nous sommes en 1896 lorsque Léon Bourgeois écrit ce court essai, dans lequel il s'appuie sur les découvertes scientifiques liées à la solidarité dans la nature, pour démontrer que les hommes ne sont pas isolés, mais qu'ils sont interdépendants et que, si la liberté individuelle compte, l'intérêt du groupe, de la société, doit prévaloir. S'il concède certains principes admis à son époque, comme le droit inaliénable à la propriété privée, ou le principe de non-intervention de l'État dans les affaires individuelles, il défend l'idée selon laquelle les ressources ne sont pas réparties de manière juste entre tous, et que, lorsqu'on ne détient pas le capital, il est extrêmement difficile de s'élever, de gagner des moyens d'existence moins aliénants.
Il devient donc essentiel de définir, comme on le fait en droit, les droits et devoirs de chacun envers la société, de manière à ce que tous puissent accéder de manière juste à la répartition des richesses et des avantages dans la vie sociale. Il montre de quelle manière l'association des forces de chacun concourt à améliorer l'ensemble du fonctionnement du groupe humain, ce dont tous bénéficient. Il faut toutefois réguler la participation de tous, car on ne peut décider de s'abstraire de ce mouvement collectif, du simple fait qu'en tant qu'homme dans la société, nous avons non seulement une dette envers tous les hommes de notre génération, mais encore envers ceux qui nous ont précédé. Nous nous devons de donner le meilleur de nous-même dans ce contrat librement consenti (qui nous préexiste de toute façon).
J'ai été intéressée par le développement de ces idées, par leur écho actuel : ce que nous devons aux générations futures (en termes d'environnement, par exemple, de conditions pacifiques d'existence), et l'évocation des lois de solidarité naturelles, comme ont pu les développer Pablo Servigne et les collapsologues. J'ai été en même temps découragée par le fait que cet idéal de justice et de solidarité, qui semble si évident et fondé sur l'intérêt-même de l'homme, ait encore si peu cours. L'homme a ce potentiel de solidarité mais ne le développe guère, mise peu dessus en termes de progrès pour tous, de moyens d'existence décents pour tous. Bien sûr, aux prémices du XXème siècle, on pouvait encore croire en un idéal de progrès indéfini, sans limites ; ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Un bémol sur cette lecture, outre ma propre difficulté à suivre un discours à dominante économique et politique, qui n'est que de mon fait : je m'attendais à des éléments plus concrets sur les méthodes de répartition. L'auteur, qui a œuvré par exemple pour un système de retraite pour les ouvriers, semble annoncer que ceux qui sont plus vulnérables économiquement devraient être aidés davantage par ceux qui possèdent plus. Il m'a paru rester dans des idées générales, sans proposer d'application directe, de système économique à mettre en place. Sans doute cet essai n'a-t-il été que le point de départ de mesures sociales dont nous bénéficions encore (la Sécurité Sociale en serait un autre exemple), peut-être a-t-il développé certains aspects dans les autres discours en annexe (j'avoue n'avoir pas poussé la curiosité plus loin, la lecture est tout de même assez ardue), toujours est-il que je reste un peu sur ma faim, même s'il fournit de bons arguments pour une façon plus équitable de partager les ressources, et ce d'autant plus que nous serons sans doute appelés à en manquer.
J'ai appris aussi que l'auteur était Franc-Maçon, intronisé dans la loge du Grand Orient de France, ce qui m'a quelque peu refroidie : je ne me sens pas en mesure de faire la part des choses entre une vision maçonnique de la société (même si son idéal de justice me paraît recevable) et une vision plus indépendante, pour ne pas dire laïque. Pour autant, je n'ai pas non plus une vision complotiste des Francs-Maçons, mais cela m'a un peu gênée. (3,5/5)
Citations :
(...) c’est faute d’une législation sur la production et la distribution de la richesse que, malgré les conquêtes merveilleuses de la science, le bien-être de l’immense majorité des hommes n’a pas sensiblement augmenté ; bien plus, la transformation du monde par la science a rendu la misère des uns d’autant plus cruelle qu’elle se compare et se mesure à l’extraordinaire accroissement de la fortune des autres. (page 7-
La conception scientifique des choses est loin d'être commune à tous les hommes ; le plus grand nombre l'ignore et l'ignorera longtemps encore ; l'esprit de système, de passion et de parti s'efforcera toujours de le fausser et de l'obscurcir ; en tout cas, l'égoïsme humain veille et ne se laissera pas facilement persuader qu'il y a pour lui un intérêt supérieur s'accordant avec le devoir, et qu'il lui faut pour un bien général dont on peut obtenir une part, abandonner un bien, moindre peut-être, mais certain et immédiatement réalisé. (page 21)
L’obligation de chacun envers tous ne résulte pas d’une décision arbitraire, extérieure aux choses ; elle est simplement la contre-partie des avantages que chacun retire de l’état de société, le prix des services que l’association rend à chacun. (Page 31)
Dettes, et de quelle valeur, le livre et l’outil que l’école et l’atelier lui vont offrir : il ne pourra jamais savoir ce que ces deux objets, qui lui sembleront si maniables et de si peu de poids, ont exigé d’efforts antérieurs ; combien de mains lourdes et maladroites ont tenu, manié, soulevé, pétri et souvent laissé tomber de lassitude et de désespoir cette forme de l’outil avant qu’elle soit devenue l’instrument léger et puissant qui l’aide à vaincre la matière ; combien d’yeux se sont ouverts et longuement fixés sur les choses, combien de lèvres ont balbutié, combien de pensées se sont éveillées, efforcées et tendues, combien de souffrances ont été subies, de sacrifices acceptés, de vies offertes, pour mettre à sa disposition ces caractères d’imprimerie, ces petits morceaux de plomb qui, en quelques heures répandent sur le monde, par millions d’exemplaires, l’innombrable essaim des idées, ces vingt-quatre petites lettres noires où l’homme réduit et représente le système du monde ! (Page 38)
C’est donc envers tous ceux qui viendront après nous, que nous avons reçu des ancêtres charge d’acquitter la dette ; c’est un legs de tout le passé à tout l’avenir. Chaque génération qui passe ne peut vraiment se considérer que comme en étant l’usufruitière, elle n’en est investie qu’à charge de le conserver et de le restituer fidèlement. (Page 39)
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