[Gary, Romain] Les Racines du ciel
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[Gary, Romain] Les Racines du ciel
Les Racines du ciel
Romain Gary
Gallimard
(16/11/1972)
494 pages
EAN : 9782070362424
Romain Gary
Gallimard
(16/11/1972)
494 pages
EAN : 9782070362424
Résumé de l'éditeur :
La viande ! C'était l'aspiration la plus ancienne, la plus réelle, et la plus universelle de l'humanité. Il pensa à Morel et à ses éléphants et sourit amèrement. Pour l'homme blanc, l'éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l'ivoire et pour l'homme noir, il était uniquement de la viande, la plus abondante quantité de viande qu'un coup heureux de sagaie empoisonnée pût lui procurer. L'idée de la «beauté» de l'éléphant, de la «noblesse» de l'éléphant, c'était une idée d'homme rassasié.
Grand roman humaniste et écologiste, il raconte le drame des éléphants dans la savane africaine.
Mon avis :
C'est un roman marquant, fort de thèmes encore terriblement d'actualité, de personnages hauts en couleurs, un roman-somme sur la condition humaine. Il s'en faut de peu qu'il ne soit un coup de cœur.
Dans ce roman situé au Tchad, qui en 1956 faisait partie de l'Afrique Équatoriale Française (dont les cinq pays seront indépendants quelques années plus tard), Romain Gary centre l'action sur le personnage emblématique de Morel, ancien déporté, qui a pris le maquis en Afrique pour défendre la cause des éléphants. Autour de lui se regroupent, en permanence ou de manière ponctuelle, différents personnages qui ont tous une raison de soutenir sa cause, comme Minna, ex-prostituée berlinoise, Idriss, le maître-pisteur, légende vivante, Forsythe, major anglais, Peer Qvist, naturaliste danois, ou de se servir de lui comme tremplin, comme Waïtari, ancien député tchadien qui milite pour l'indépendance de l'Afrique, ses jeunes compagnons, dont Youssef, chargé de surveiller Morel, ou encore Habib, aventurier arabe… Un photographe américain, Abe Fields, les rejoint aussi pendant la seconde moitié du roman. D'autres personnes les approchent, se renseignent sur Morel, s'intéressent à sa cause ou s'y opposent, mais personne ne reste indifférent à sa croisade : des hommes de religion comme le Père Tassin ou le Père Fargue, des fonctionnaires, comme le gouverneur ou Saint-Denis, des militaires, comme le méhariste Schölscher…
C'est que Morel croit si fort en sa cause, il est si convaincu qu'il est primordial pour l'être humain de protéger la nature, et de faire une place à ces « géants maladroits », que peu d'hommes, même des plus cyniques, peuvent lui résister. Il entraîne la sympathie dans son sillage, comme les ouvriers d'une imprimerie lors d'une de ses expéditions, ou « actions », mais il suscite également des réactions de rejet, parfois tragiques, lorsque par mesure de rétorsion envers ses prises de position, on s'en prend aux éléphants eux-mêmes. Mais Morel continue d'avancer, envers et contre tout, vouant totalement sa vie à la défense des pachydermes, persuadé que l'opinion publique va déjà, ou finira par aller dans son sens. C'est déjà la mise en place de l'écologie d'action, de « coups », de désobéissance civile, comme Greenpeace ou Extinction Rébellion, et j'ai trouvé proprement incroyable que cette prise de conscience ait été si prégnante et forte dans les années 50.
Par le récit regroupé autour de différents points de vue, où l'on avance dans l'action, vers un dénouement que l'on redoute, où l'on en apprend autant sur les personnes qui racontent et commentent que sur l'action de Morel lui-même, Romain Gary réalise une oeuvre d'une grande modernité. On s'aperçoit du fait que tout était déjà là, sous nos yeux : la cause animale et la défense de l'environnement, les grands reporters, mais aussi le sort de l'Afrique, la future décolonisation, la géopolitique africaine et nord-africaine, avec l'expansion de l'Islam, les trafics en tout genre… le récit de ces quelques 500 pages est si vivant, passionnant, que ce roman fait pour moi partie du panthéon de la littérature qui pourrait faire venir à la lecture et l'aimer, en découvrir le pouvoir et l'attrait, ceux qui, par exemple, préfèrent le foisonnement de la vie aux pages écrites – parce que la vie est inscrite en ces pages, dans toute sa splendeur, mais aussi son ridicule, ses contradictions, dans la beauté et la laideur des intentions et des gestes humains. Ce n'est pas rien ! Ajoutons à cela que le roman nous réserve des scènes d'une beauté inouïe, d'une intensité tragique, comme cette terrible période de sécheresse, où les animaux épuisés cherchent l'eau, nous transporte au sein de la vie africaine et nous fait voyager, à travers une langue si évocatrice que nous vivons et ressentons cette histoire plus que nous ne la lisons.
Alors, me direz-vous, pourquoi pas 5/5 et un coup de cœur ? C'est vrai que je me pose la question sur cette minime réserve : peut-être par honnêteté, pour tenir compte du temps que j'ai mis à le lire (qui n'est imputable qu'à mon mode de vie, mais le fait demeure) ; peut-être aussi parce que, alors même que je ne comprends aucunement les accusations de « mal écrire » qui sont ou ont été en vogue à son encontre, j'ai été parfois lassée de lire la même formule répétée à l'envi, la fameuse « défendre une marge humaine », ou encore « les éléphants maladroits et encombrants » - comme si Romain Gary était, d'une manière enfantine, si content de sa belle formule qu'il ne pouvait se passer de la glisser toutes les 10 pages. Enfin, il développe une vision peu réjouissante de l'humanité, et ce n'est guère encourageant, même si malheureusement, l'orientation de l'histoire depuis 1956 lui donne quelque peu raison… On aimerait croire que l'homme peut encore quelque chose pour lui-même !
Citations :
Au-dessus du fleuve, Minna regardait un vautour tournoyer lentement. Chaque soir, il semblait signer ainsi le ciel, comme pour lui permettre de tourner la page. Page 40.
-La montagne est passée à trois mètres de moi, sans me prêter la moindre attention, continua Haas. Elle n'avait pas l'air de se soucier le moins du monde de ma réputation. Elle n'avait qu'une idée en tête, c'était son petit. Elle a enfoncé les barrières, le petit s'est collé à elle comme une puce et ils sont partis en trottant allègrement. Page 68.
Il ressentit un instant de violente déception, comme toujours, devant cette fuite, mais sourit moqueusement à son vieux rêve d'être admis, d'être accepté, de voir enfin des oiseaux qui ne s'envoleraient pas à son approche, des gazelles qui continueraient à brouter tranquillement sur son passage et des troupeaux d'éléphants qui le laisseraient venir près d'eux tranquillement jusqu'à les toucher. Page 178.
Morel refusait de transiger là-dessus. Saboteur de l'efficacité totale et du rendement absolu, iconoclaste de la sueur et du sang érigés en système de vie, il allait faire tout son possible pour que l'homme demeurât à jamais comme un bâton dans ces roues-là. Il défendait une marge où ce qui n'avait ni rendement utilitaire ni efficacité tangible, mais demeurait dans l'âme humaine comme un besoin impérissable, pût se réfugier. Page 182.
Il y avait chez Morel quelque chose de simple, de direct, qui suggérait beaucoup de bon sens et un esprit pratique. Ce n'était qu'une impression, mais Fields avait l'habitude des instantanés. Morel avait l'air assuré de quelqu'un qui s'occupe tranquillement de son boulot. Page 346.
On eût dit qu'ils avaient vraiment la certitude de marcher vers un avenir radieux. Et chemin faisant, ils avaient encore l'insolence d'admirer le paysage. Page 452.
elea2020- Grand sage du forum
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