[Mottley, Leila] Arpenter la nuit
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[Mottley, Leila] Arpenter la nuit
Titre : Arpenter la nuit (Nightcrawling)
Auteur : Leila MOTTLEY
Traduction : Pauline LOQUIN
Parution : 2022 en anglais (Etats-Unis) et en français (Albin Michel)
Pages : 416
Présentation de l'éditeur :
Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa sœur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche.
Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.
Un roman à la beauté brute, porté par la langue à fleur de peau de Leila Mottley.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Leila Mottley est une autrice et poétesse américaine de dix-neuf ans, originaire d’Oakland en Californie. Désignée Oakland Youth Poet Laureate en 2018, elle a été reconnue en 2020 par le New York Times comme l’une des dix jeunes auteurs noirs américains les plus talentueux. Arpenter la nuit, qu’elle a écrit à l’âge de dix-sept ans, a suscité l’enthousiasme d’éditeurs du monde entier. Sa publication apparaît déjà comme un évènement et l’acte de naissance d’une formidable carrière d’écrivain.
Avis :
Depuis la mort de leur père et l’internement de leur mère, Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivent d’expédients, seuls dans leur appartement miteux d’un quartier noir défavorisé d’East Oakland, sur la côte californienne. Pendant que Marcus, caressant le doux rêve de percer dans le rap, s’échine avec quelques comparses sur un projet d’album qui ne verra jamais le jour, la jeune fille cherche désespérément le moyen de payer leur loyer et d’éviter l’expulsion. Faute de trouver le moindre emploi, elle finit par se résoudre à arpenter la nuit et ses trottoirs, et se retrouve rapidement sous la coupe de policiers véreux qui l’exploitent sexuellement en échange d’une vague protection. De passes furtives en soirées gang bang, sa descente aux enfers la mène droit au coeur de la tourmente médiatique et judiciaire qui se déchaîne lorsque le scandale éclate.
Inspiré de faits réels survenus à Oakland en 2015, le récit se nourrit de la proximité de l’auteur avec son personnage, une fille noire du même âge et de la même ville en qui elle se projette avec une profondeur de ressenti et un réalisme impressionnants - lui prêtant beaucoup d’elle-même et jusqu’à une compagne calquée sur la sienne propre -, pour nous plonger dans une narration puissante, intelligente, sublimée par le naturel sobre et direct et par la poésie d’une plume si parfaitement mature et maîtrisée que l’on s’ébahit de ses même pas vingt ans et d’un talent déjà si éclatant.
Sans colère ni amertume, mais avec une lucidité désabusée qui en dit long sur la désespérance afro-américaine dans ces quartiers où la vie semble sans issue, Leila Mottley prête une voix et un visage à toutes ces femmes noires, en butte à des violences sexuelles en plus des persécutions policières habituelles, et qui, oubliées des mouvements comme Black Lives Matter – nés pour la défense de victimes jusqu’ici masculines -, demeurent désespérément invisibles. Loin de la représentation diabolisante et réductrice entretenue par les médias, son meilleur argument est l’empathie qu’elle suscite pour une poignée de personnages très jeunes et attachants, dont la profonde détresse ne vient jamais assombrir la lumineuse tendresse, pour un frère, pour un enfant, pour une amante.
Si, avec ce premier roman confondant de maturité, Leila Mottley n’a pas remporté le prestigieux Booker Prize dont elle était la plus jeune sélectionnée depuis que ce prix littéraire existe, gageons que ce n’est que partie remise et que cette magnifique nouvelle plume fera encore parler d’elle. Coup de coeur. (5/5)
Re: [Mottley, Leila] Arpenter la nuit
Mon avis :
Black lives matter. Mouvement politique plus que jamais d’actualité. Et la vie des femmes ?
Kiara a 17 ans. Elle vit dans un appartement à Oakland, avec son grand frère Marcus. Il tente de percer dans le rap, comme leur oncle l’a fait avant lui. Lui et ses potes mettent toute son énergie dans son projet. Marcus ne pense qu’à ça, sa soeur devrait comprendre qu’il ne peut pas s’occuper du reste, c’est à dire de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : payer le loyer, qui a encore augmenter, remplir le frigo, etc, etc… Oui, l’on a appris aux filles, aux femmes, à prendre soin de leur père, de leur mari, de leurs frères, de leurs fils. Qui leur a dit qu’il fallait aussi qu’elles prennent soin d’elles-mêmes ? Personne. Kiara, qui a tenté à maintes reprises de trouver un travail, se tournera vers ce que l’on nomme « le plus vieux métier du monde ».
Ce n’est qu’une des étapes dans la vie chaotique de Kiara. Oui, elle fera des mauvaises rencontres, et pas forcément celles auxquelles on pense. Police, corrompue, justice, à la ramasse : un très bon avocat sait jouer avec les failles du système, et elles sont particulièrement nombreuses. Ce n’est pas faute, pour Kiara, de se démener, pour son frère, pour les amis de son frère, pour cet enfant qui est quasiment livrée à elle-même, ou pour ce bébé qui a besoin de son père – c’est à dire d’un père qui ne soit pas en prison. Et qui se démène pour elle ? Oui, je sais, je me répète. J’ai eu très souvent l’impression qu’elle était irrémédiablement seule, et j’ai eu souvent l’impression de lire un récit dans lequel l’espoir était absent. Savoir que ce récit est inspiré de faits réels n’est pas non plus la révélation la plus encourageante qui soit.
Bien que nous sommes en Californie, un état que l’on se représente en règle générale comme « ensoleillé », « chaleureux », j’ai trouvé ce récit particulièrement glaçant, comme si, parfois, la narratrice cherchait à tenir à distance ce qui lui arrivait, comme si, parfois, tout cela était « trop », tout en étant en même temps quasiment inévitable. Tragique ? Oui. Et je terminerai par ces mots.
Black lives matter. Mouvement politique plus que jamais d’actualité. Et la vie des femmes ?
Kiara a 17 ans. Elle vit dans un appartement à Oakland, avec son grand frère Marcus. Il tente de percer dans le rap, comme leur oncle l’a fait avant lui. Lui et ses potes mettent toute son énergie dans son projet. Marcus ne pense qu’à ça, sa soeur devrait comprendre qu’il ne peut pas s’occuper du reste, c’est à dire de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : payer le loyer, qui a encore augmenter, remplir le frigo, etc, etc… Oui, l’on a appris aux filles, aux femmes, à prendre soin de leur père, de leur mari, de leurs frères, de leurs fils. Qui leur a dit qu’il fallait aussi qu’elles prennent soin d’elles-mêmes ? Personne. Kiara, qui a tenté à maintes reprises de trouver un travail, se tournera vers ce que l’on nomme « le plus vieux métier du monde ».
Ce n’est qu’une des étapes dans la vie chaotique de Kiara. Oui, elle fera des mauvaises rencontres, et pas forcément celles auxquelles on pense. Police, corrompue, justice, à la ramasse : un très bon avocat sait jouer avec les failles du système, et elles sont particulièrement nombreuses. Ce n’est pas faute, pour Kiara, de se démener, pour son frère, pour les amis de son frère, pour cet enfant qui est quasiment livrée à elle-même, ou pour ce bébé qui a besoin de son père – c’est à dire d’un père qui ne soit pas en prison. Et qui se démène pour elle ? Oui, je sais, je me répète. J’ai eu très souvent l’impression qu’elle était irrémédiablement seule, et j’ai eu souvent l’impression de lire un récit dans lequel l’espoir était absent. Savoir que ce récit est inspiré de faits réels n’est pas non plus la révélation la plus encourageante qui soit.
Bien que nous sommes en Californie, un état que l’on se représente en règle générale comme « ensoleillé », « chaleureux », j’ai trouvé ce récit particulièrement glaçant, comme si, parfois, la narratrice cherchait à tenir à distance ce qui lui arrivait, comme si, parfois, tout cela était « trop », tout en étant en même temps quasiment inévitable. Tragique ? Oui. Et je terminerai par ces mots.
Sharon- Modérateur
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Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
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