[Heller, Peter] Peindre, pêcher et laisser mourir
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[Heller, Peter] Peindre, pêcher et laisser mourir
Lu en septembre 2022. Voici mon avis :
Jim Stegner, peintre reconnu a déménagé à Paonia, Colorado, après le brutal décès de sa fille bien-aimée seulement âgée de quinze ans. Il a mis fin à un mariage sans intérêt et vient de rencontrer un modèle. Sofia est une femme qui saura peut-être exorciser ses démons. Avec la peinture, la pêche est une autre de ses passions. S’imprégnant de la beauté des rivières et des montagnes, il tente de désamorcer la rage et la tristesse qu'il porte toujours en lui.
Mais malgré ses intentions sincères de faire profil bas, Jim ne peut s'empêcher de causer des problèmes lorsqu'il assiste à une injustice. Ainsi, lorsqu’il voit un chasseur local maltraiter une petite jument, il perd tout contrôle. Son comportement impulsif et violent déclenche un effet domino qu'il ne peut pas arrêter… Jim devient la cible d’hommes qui ont lancé une sorte de vendetta contre lui.
La complexité des personnages, en particulier Stegner, et sa capacité à intégrer l'art à la violence, la poésie et la nature à une profonde introspection, font de ce roman une lecture absolument émouvante. La frontière entre le bien et le mal n'est pas clairement définie et les actes détestables ont souvent des explications logiques. La narration à la première personne permet aux lecteurs de pénétrer dans les pensées de Jim (qui sont souvent en grande contradiction avec ses actions), et des phrases courtes et fragmentées donnent vie au récit. C'est un personnage à la Hemingway (Jim est physiquement comparé à lui dans le récit) mais avec un côté moins dur. Il se remémore souvent des moments de complicité avec sa fille, se perd dans la beauté de ce qui l’entoure et se récite de la poésie. De cette façon, Heller crée un personnage tridimensionnel très intéressant.
Les splendides paysages du Colorado et du Nouveau-Mexique jouent un rôle important. Heller met un soin particulier à décrire les rivières, les plantes et les arbres, les animaux, la puissance et la délicatesse de la nature. Il écrit:
C'est ainsi que j'ai guéri. Ou cru avoir guéri. Un soir je l’ai emmenée à la rivière. Nous avons quitté l'autoroute et avancé lentement au milieu des vibrations sur la piste au cœur du canyon. Les parois se refermaient au-dessus de nous, le grand bleu du ciel plus profond, profond et foncé, profond comme une rivière. Le rocher le plus haut sur la saillie n’était plus qu’une bande de feu, retenant ce qui restait du soleil couchant… Nous roulions vitres ouvertes et le vent s'est heurté à nous, chargé du froid nocturne, arrachant les dernières feuilles des peupliers au passage. Celles-ci atterrissaient dans la rivière et flottaient avec indolence dans les trous d’eau, poussées par les rides que produisant le vent, séparément ou en tristes flottilles.
Lorsque Jim peint, ses tableaux sont très finement décrits au fur et à mesure de la composition. Egalement des œuvres qui l’ont particulièrement marqué sont présentées avec tous les détails qui pourraient expliquer une partie des intentions projetées sur ses toiles, notamment :
« La Vénus endormie » de Paul Delvaux
« Femme nue dans un fauteuil rouge » de Picasso
Les descriptions poétiques sont des sortes de pauses et apportent la sérénité, pour repartir aussitôt dans des moments intenses de l'intrigue qui maintiennent le lecteur en haleine. Bien que le sujet soit assez sombre, le roman n'est pas désespéré. La rédemption et le pardon sont au cœur de l'histoire, et chaque personnage agit noblement dans sa vision du monde, aussi déformée soit-elle.
Le respect de Heller pour l'art et la littérature comme moyens d'expression et le suspens bien distillé se combinent pour créer une histoire palpitante et très agréable à lire. Difficile à classer, on pourrait parler d’une sorte de road-movie- policier- littérature bucolique et d’introspection. Je recommande vivement ce roman !
J’ai su : qui que je sois, mon âme n’avait pas plus de consistance qu’une feuille déchiquetée, comme celles arrachées aux arbres durant l’inondation. Je n’étais rien, malgré tout ce que j’avais accompli dans ma vie, ça n’était que des lambeaux pas plus lourds que des feuilles, et que tout ce que j’avais pu faire jusque-là, je l’avais fait comme une chose aveugle arrachée par un orage, ou comme un animal aveugle avançant d’odeur en odeur, mais aussi qu’une bonne partie de ma vie, j’avais été abruti et transporté par le courroux et l’enthousiasme d’un pouvoir dans malice, que j’avais fait de mon mieux et j’aimais ma fille.
Jim Stegner, peintre reconnu a déménagé à Paonia, Colorado, après le brutal décès de sa fille bien-aimée seulement âgée de quinze ans. Il a mis fin à un mariage sans intérêt et vient de rencontrer un modèle. Sofia est une femme qui saura peut-être exorciser ses démons. Avec la peinture, la pêche est une autre de ses passions. S’imprégnant de la beauté des rivières et des montagnes, il tente de désamorcer la rage et la tristesse qu'il porte toujours en lui.
Mais malgré ses intentions sincères de faire profil bas, Jim ne peut s'empêcher de causer des problèmes lorsqu'il assiste à une injustice. Ainsi, lorsqu’il voit un chasseur local maltraiter une petite jument, il perd tout contrôle. Son comportement impulsif et violent déclenche un effet domino qu'il ne peut pas arrêter… Jim devient la cible d’hommes qui ont lancé une sorte de vendetta contre lui.
La complexité des personnages, en particulier Stegner, et sa capacité à intégrer l'art à la violence, la poésie et la nature à une profonde introspection, font de ce roman une lecture absolument émouvante. La frontière entre le bien et le mal n'est pas clairement définie et les actes détestables ont souvent des explications logiques. La narration à la première personne permet aux lecteurs de pénétrer dans les pensées de Jim (qui sont souvent en grande contradiction avec ses actions), et des phrases courtes et fragmentées donnent vie au récit. C'est un personnage à la Hemingway (Jim est physiquement comparé à lui dans le récit) mais avec un côté moins dur. Il se remémore souvent des moments de complicité avec sa fille, se perd dans la beauté de ce qui l’entoure et se récite de la poésie. De cette façon, Heller crée un personnage tridimensionnel très intéressant.
Les splendides paysages du Colorado et du Nouveau-Mexique jouent un rôle important. Heller met un soin particulier à décrire les rivières, les plantes et les arbres, les animaux, la puissance et la délicatesse de la nature. Il écrit:
C'est ainsi que j'ai guéri. Ou cru avoir guéri. Un soir je l’ai emmenée à la rivière. Nous avons quitté l'autoroute et avancé lentement au milieu des vibrations sur la piste au cœur du canyon. Les parois se refermaient au-dessus de nous, le grand bleu du ciel plus profond, profond et foncé, profond comme une rivière. Le rocher le plus haut sur la saillie n’était plus qu’une bande de feu, retenant ce qui restait du soleil couchant… Nous roulions vitres ouvertes et le vent s'est heurté à nous, chargé du froid nocturne, arrachant les dernières feuilles des peupliers au passage. Celles-ci atterrissaient dans la rivière et flottaient avec indolence dans les trous d’eau, poussées par les rides que produisant le vent, séparément ou en tristes flottilles.
Lorsque Jim peint, ses tableaux sont très finement décrits au fur et à mesure de la composition. Egalement des œuvres qui l’ont particulièrement marqué sont présentées avec tous les détails qui pourraient expliquer une partie des intentions projetées sur ses toiles, notamment :
« La Vénus endormie » de Paul Delvaux
« Femme nue dans un fauteuil rouge » de Picasso
Les descriptions poétiques sont des sortes de pauses et apportent la sérénité, pour repartir aussitôt dans des moments intenses de l'intrigue qui maintiennent le lecteur en haleine. Bien que le sujet soit assez sombre, le roman n'est pas désespéré. La rédemption et le pardon sont au cœur de l'histoire, et chaque personnage agit noblement dans sa vision du monde, aussi déformée soit-elle.
Le respect de Heller pour l'art et la littérature comme moyens d'expression et le suspens bien distillé se combinent pour créer une histoire palpitante et très agréable à lire. Difficile à classer, on pourrait parler d’une sorte de road-movie- policier- littérature bucolique et d’introspection. Je recommande vivement ce roman !
J’ai su : qui que je sois, mon âme n’avait pas plus de consistance qu’une feuille déchiquetée, comme celles arrachées aux arbres durant l’inondation. Je n’étais rien, malgré tout ce que j’avais accompli dans ma vie, ça n’était que des lambeaux pas plus lourds que des feuilles, et que tout ce que j’avais pu faire jusque-là, je l’avais fait comme une chose aveugle arrachée par un orage, ou comme un animal aveugle avançant d’odeur en odeur, mais aussi qu’une bonne partie de ma vie, j’avais été abruti et transporté par le courroux et l’enthousiasme d’un pouvoir dans malice, que j’avais fait de mon mieux et j’aimais ma fille.
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