[Coetzee, J.M.] Le Maître de Petersbourg
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[Coetzee, J.M.] Le Maître de Petersbourg
Le Maître de Pétersbourg
J.M. Coetzee
Points - Seuil
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Sophie Mayoux
1994
268 pages
ISBN : 2.02.063892.4
J.M. Coetzee
Points - Seuil
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Sophie Mayoux
1994
268 pages
ISBN : 2.02.063892.4
Résumé de couverture :
Octobre 1869. Sous une fausse identité, Fiodor Dostoïevski revient à Pétersbourg où son beau-fils Pavel vient d'être victime d'un accident fatal. La police le démasque et refuse de lui remettre les papiers de Pavel, mêlé aux activités d'un groupe terroriste. Pavel s'est-il suicidé, a-t-il été tué par la police ou par ses camarades nihilistes ? Dérouté par les interrogatoires policiers, traqué par un indicateur qui pénètre dans son intimité, fasciné et écœuré par sa rencontre avec le fanatique Netchaïev, Dostoïevski découvre alors une Russie malade, rongée par la pauvreté, l'autorité stupide et la violence destructrice.
Un ouvrage profond, subtil, grave, où l'on retrouve le style austère de Coetzee, mais aussi un univers intérieur trouble et émouvant, porté par une intrigue captivante.
L'auteur a reçu le prix Nobel de littérature en 2003.
Mon avis :
Il va m'être difficile de donner mon avis sur ce roman dont j'attendais tant, pour ce qu'il met en scène mon auteur préféré, Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, entré incognito à Saint-Pétersbourg sur les traces de celui qu'il considère comme son fils, Pavel. Il est venu en particulier pour retrouver les papiers personnels et les lettres adressées par lui au jeune homme, et nous ne tarderons pas à apprendre que leur relation n'était pas au beau fixe, que Pavel en voulait beaucoup à son beau-père, et que ce dernier se sentait coupable. Pourra-t-il se rattraper, retrouver l'âme disparue de Pavel en retraçant ses derniers moments ? Pavel lui enverra-t-il un signe de pardon ?
Au fil de déambulations assez décousues dans la ville, en des temps politiques houleux, Fiodor Mikhaïlovitch rencontre des personnages divers, à commencer par sa logeuse, Anna, et la fille de celle-ci, Matriocha. Bien que l'auteur soit marié à Dresde, il entame une liaison avec Anna, et tente également de se rapprocher de Matriocha, qui était très attachée à Pavel. Il en arrive à voir souvent un certain Maximov, fonctionnaire de police (qui ne réapparaît plus par la suite), qui joue au chat et à la souris avec lui, puis il entre dans les fréquentations de l'anarchiste nihiliste Netchaïev, chef d'un réseau terroriste. Il s'avère que tout un chacun à Pétersbourg est susceptible d'avoir tué Pavel et de manipuler Dostoïevski. Mais n'attendons pas une enquête policière, cette histoire sera plutôt métaphysique.
Dostoïevski nous est montré comme un homme vieillissant alors qu'il atteint 49 ans, un père aigri dans l'éternel conflit des pères et des fils, un écrivain hanté et sans le sou, traqué par ses débiteurs (assez abstraits en l'occurrence), prêt à rêver une nouvelle vie, mais moins à agir. Il apparaît assez vite que l'argument est de nous faire entrer dans l'inspiration d'un auteur comme il en est peu, alors qu'il élabore les thèmes qu'il développera dans Les Démons (ou Les Possédés), Netchaïev devenant peu à peu Stavroguine, mâtiné de Pavel. Pourquoi pas ? C'est une belle idée. Mais là où je m'insurge et où j'ai perdu le plaisir de lire, c'est qu'il fait de Dostoïevski un être faible, vil, pour ne pas dire pervers et un peu pédophile, ce qui fait beaucoup. Aucun homme n'est un ange, mais vraiment, a-t-il si mal compris l'auteur qu'il est passé complètement à côté de ses thèmes, ses motifs, ne voyant en lui qu'un sujet intéressant pour le Dr Freud ?
L'idée-clé que je retiendrai malgré tout du roman en ce qui concerne l'œuvre de l'auteur, c'est cette sorte de défi lancé à Dieu, la parabole récurrente du Christ*. Et sur ce, je retournerai aux romans de cet auteur unique, si personnel et universel en même temps ; je note toutefois que par son style, Coetzee nous met en quelque sorte en présence avec le style qu'aurait eu Dostoïevski en parlant dans sa tête, on s'y croirait - si ce n'était que ces pensées sont fort mal interprétées.
- *sur la parabole du Christ:
- J'ai eu il y a quelques années une discussion avec le prêtre de la paroisse de ma ville, lequel m'a cité d'emblée Dostoïevski, et qui plus est L'Idiot, me disant que le roman raconte "ce qu'il arriverait si le Christ revenait sur Terre". Ce n'est pas tout, mais c'est très vrai. L'Idiot, le Prince Mychkine, est par excellence l'innocent pris pour cible et sali par tous, mais qui s'escrime à agir bien, et ne peut même agir autrement.
4/5
Citations :
Ce n’est pas ce qu’on appellerait une femme instruite mais entendra-t-on jamais parler le russe plus mélodieusement ? Sa langue est un oiseau voletant dans sa bouche : plumes douces, doux battement d’ailes. (page 19)
- Ça n’est peut-être, après tout, que la vieille histoire des pères et des fils, celle que nous avons toujours connue, mais plus cruelle, dans cette génération-ci, plus impitoyable. (page 53)
En Russie, on ne peut se permettre d’être une fleur délicate. En Russie, on doit être une bardane ou un pissenlit. (page 82)
- Ils vous laisseront décrire les souffrances muettes des pauvres tant que vous le désirez, ils vous applaudiront de les avoir si bien décrites, mais quant à la vérité vraie, ils ne vous laisseront jamais la publier ! (page 195)
- Les animaux n’ont pas de mal à mourir, dit-il doucement. Nous devrions sans doute écouter la leçon qu’ils nous donnent. C’est peut-être pour cela qu’ils sont avec nous sur la terre – pour nous montrer que vivre et mourir sont moins difficiles que nous le croyons. (page 225)
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