[Barbéris, Dominique] Une façon d'aimer
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[Barbéris, Dominique] Une façon d'aimer
Titre : Une façon d'aimer
Auteur : Dominique BARBERIS
Parution : 2023 (Gallimard)
Pages : 208
Présentation de l'éditeur :
« Il n’était pas très grand ; des cheveux bruns, peignés en arrière et crantés, le front haut, une chemisette avec des pattes sur l’épaule. Il sourit en fumant. Puis tendit la main à Madeleine : Vous dansez ?
Elle s’excusa : Non, je danse très peu, je ne danse pas bien.
Mais il insista et il la tira vers la piste. »
Quand Madeleine, beauté discrète et mélancolique des années cinquante, quitte sa Bretagne natale pour suivre son mari au Cameroun, elle se trouve plongée dans un monde étranger, violent et magnifique. À Douala, lors d’un bal à la Délégation, elle s’éprend d’Yves Prigent, mi-administrateur, mi-aventurier. Mais la décolonisation est en marche et annonce la fin de partie…
Tendu entre la province d’après-guerre et une Afrique rêvée, Une façon d’aimer évoque la force de nos désirs secrets et la grâce de certaines rencontres. Par petites touches d’une infinie délicatesse, c’est toute l’épaisseur d’une vie de femme qui se dévoile.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Dominique Barbéris, romancière, est notamment l’autrice, aux Éditions Gallimard, des Kangourous, de L’année de l’Éducation sentimentale et, aux Éditions Arléa, d’Un dimanche à Ville-d’Avray.
Avis :
Un portrait jauni sous-titré « Douala, allée des Cocotiers, 1958 » et une allusion sibylline échappée il y a bien longtemps à sa grand-mère - « Parles-en donc à ta tante, de ce genre de bêtise. Elle a failli en faire une, et une grosse. Tu gardes ça pour toi, bien sûr. » - ont longtemps intrigué la narratrice sans que rien ne lui permette jamais de cerner le secret de Madeleine, cette tante toujours si discrète et élégante dont on disait qu’elle ressemblait à Michèle Morgan et que son mari en était fou, au point de mourir de chagrin lorsqu’elle s’éteignit, il y a seulement quelques années. Désormais « passée de l’autre côté du temps », Madeleine a néanmoins laissé quelques vieilles lettres et photographies. Ce sont elles qui permettent aujourd’hui à sa nièce et à sa fille de retracer son histoire oubliée, une histoire où ne serait arrivé qu’un « presque rien » qui a pourtant tout changé, une histoire qui, « d’une certaine manière » a fait d’elle « l’héroïne d’un roman que personne n’écrira. »
Madeleine a vingt-sept ans lorsqu’en 1958, elle se laisse épouser par Guy pour le suivre depuis Nantes jusqu’au Cameroun, où il est négociant en bois. Transplantée de son modeste et paisible milieu provincial dans un pays d’Afrique en pleine effervescence indépendantiste, la jeune femme bientôt maman d’une petite fille découvre le huis clos de la microsociété formée à Douala par les colons français. Alors que dans la touffeur tropicale fermentent doucement inquiétude et incertitude face à l’avenir, instaurant un climat de tension de plus en plus palpable, l’on y trompe angoisse et ennui dans l’apparente insouciance des mêmes sempiternelles soirées, où, entre danse et alcool, se nouent des liaisons faussement secrètes alimentant les conversations de cet entre-soi à qui rien n’échappe. « Avec sa beauté raide, un grand fond de timidité, et cet air provincial décourageant, à la fois sévère et désemparé, avec lequel elle cherchait à donner le change », la discrète et sage Madeleine se retrouve ouvertement courtisée par un certain Yves Prigent, un administrateur dont la réputation d’aventurier parachève la séduction. Que se passe-t-il alors exactement ? Quatre ans après l’installation du couple à Douala, on retrouve Madeleine et Guy de retour à Nantes, silencieux sur leur épisode africain.
Sur la pointe des mots, une infinie mélancolie se mêlant à l’exquise délicatesse de son écriture, Dominique Barbéris explore patiemment l’histoire de la tante Madeleine, et « peut-être, à travers elle, celle de beaucoup de femmes de sa génération, la génération de la guerre : une histoire sage, une vie retirée et discrète traversée d’un bref coup de folie, une romance secrète. Difficile de savoir ce qui arrive à une femme. » « Avec son élégance datée, discrète et raisonnable », « un peu comme si elle portait le fantôme de ce qu’elle était autrefois », Madeleine aura poursuivi en silence sa vie d’épouse irréprochable, laissant à jamais ses désirs, non pas seulement au rayon des souvenirs, mais à celui des possibles perdus. A observer ce couple âgé qu’ils ont fini par devenir, elle résignée sans le dire, lui lui pardonnant, toujours sans mot non plus, parce que l’aimant sans mesure, l’on s’émeut des non-dits et des abysses secrètes cachés par tant de ces vies apparemment sans histoires…
Après une très vraisemblable Bovary contemporaine dans Un dimanche à Ville-d’Avray, Dominique Barbéris nous propose cette fois une subtile Princesse de Clèves, en tous les cas un nouveau personnage de femme tiraillée entre réalité conjugale et désirs sacrifiés, pour un texte délicatement empreint de la nostalgie du temps passé et des possibles évanouis. Très grand coup de coeur pour cette fiction où « toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait fortuite », à ceci près que l’auteur est née au Cameroun en 1958 dans une famille d’origine nantaise. (5/5)
Re: [Barbéris, Dominique] Une façon d'aimer
Mon avis
Dans ce roman la narratrice, à partir d’une photo de la sœur aînée de sa mère, la tante Madeleine, plonge dans ses souvenirs d’enfance. Elle a en mains une photo ou jeune, elle a suivi son Guy, son mari, muté à Douala, en Afrique, là-bas après quelques temps, la vie s’est ralentie, s’est presque arrêtée, on y attend l’inévitable indépendance et la crainte se fait sentir parmi les colons, imposant des soirées à la Délégation ou ce qui compte à Douala fait acte de présence, c’es là que Madeleine y rencontrera Yves Prigent, un séducteur, attiré par la beauté de Madeleine. D’après sa grand-mère, il semblerait que Madeleine a failli faire une bêtise, là-bas aux colonies, cependant je ne révèle rien, pour nous conter cette famille, dont elle ne sait pas grand-chose et rebâtir son histoire, la narratrice s’appuie sur les souvenirs de sa mère et de sa grand-mère, j’imagine que Madeleine a dû subir le décalage, on la ressent mélancolique surtout à cette époque que j’essaye d’imaginer mais aussi qu’elle doit subir la réprobation de Charlie, le boy de la maison, le poids du regard des autres et l’atmosphère de ce pays, tout cela décrit avec une certaine finesse par l’auteure, un très beau et délicat roman. Un très bon moment de lecture, un réel coup de cœur…
lalyre- Grand sage du forum
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Re: [Barbéris, Dominique] Une façon d'aimer
Mon avis
Une photo jaunie, une remarque de sa grand-mère et la narratrice, soixante-dix ans après les faits, creuse pour comprendre quelle a pu être la bêtise que sa tante a évitée. On plonge alors au Cameroun, dans les années cinquante. Madeleine y a suivi Guy son mari. Un couple fusionnel puisqu’il se dit qu’il n’a pas supporté de rester seul à la mort de son épouse. Pourtant, là-bas, il semblerait qu’elle aurait pu se laisser tenter, se laisser séduire …
On découvre les colons, installés en Afrique, qui vivent entre eux, font leur soirée et emploient les locaux chez eux. Madeleine a un boy, il lui parle de ceux qu’il a servis avant qu’elle arrive, elle n’est pas à l’aise. Son mari travaille mais pour elle les journées sont plus longues alors elle se promène, retrouve celui qui lui a parlé lors d’une soirée. Il a la réputation d’être un beau parleur…. Alors, on suit le quotidien de toutes ces personnes. Celle qui raconte imagine, reconstitue le puzzle avec les éléments dont elle dispose. Tout n’est pas dit, certaines choses se comprennent entre les lignes, se glissent dans une atmosphère mélancolique.
C’est une histoire simple, celle d’un mariage et de ces gens qui vont vivre loin à cause du travail. On pourrait presque penser que ce récit va être « classique ». C’est sans compter sur la force de l’écriture de Dominique Barberis. C’est elle qui donne toute sa puissance au texte. Sensibilité, délicatesse, les phrases composent une dentelle sous nos yeux de lecteur charmé par la poésie qui se dégage des mots. C’est un phrasé brodé, à points comptés, qui dévoile par petites touches la vie d’une femme.
Une lecture coup de cœur !
Une photo jaunie, une remarque de sa grand-mère et la narratrice, soixante-dix ans après les faits, creuse pour comprendre quelle a pu être la bêtise que sa tante a évitée. On plonge alors au Cameroun, dans les années cinquante. Madeleine y a suivi Guy son mari. Un couple fusionnel puisqu’il se dit qu’il n’a pas supporté de rester seul à la mort de son épouse. Pourtant, là-bas, il semblerait qu’elle aurait pu se laisser tenter, se laisser séduire …
On découvre les colons, installés en Afrique, qui vivent entre eux, font leur soirée et emploient les locaux chez eux. Madeleine a un boy, il lui parle de ceux qu’il a servis avant qu’elle arrive, elle n’est pas à l’aise. Son mari travaille mais pour elle les journées sont plus longues alors elle se promène, retrouve celui qui lui a parlé lors d’une soirée. Il a la réputation d’être un beau parleur…. Alors, on suit le quotidien de toutes ces personnes. Celle qui raconte imagine, reconstitue le puzzle avec les éléments dont elle dispose. Tout n’est pas dit, certaines choses se comprennent entre les lignes, se glissent dans une atmosphère mélancolique.
C’est une histoire simple, celle d’un mariage et de ces gens qui vont vivre loin à cause du travail. On pourrait presque penser que ce récit va être « classique ». C’est sans compter sur la force de l’écriture de Dominique Barberis. C’est elle qui donne toute sa puissance au texte. Sensibilité, délicatesse, les phrases composent une dentelle sous nos yeux de lecteur charmé par la poésie qui se dégage des mots. C’est un phrasé brodé, à points comptés, qui dévoile par petites touches la vie d’une femme.
Une lecture coup de cœur !
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