[Marias, Javier] Demain dans la bataille pense à moi
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[Marias, Javier] Demain dans la bataille pense à moi
Titre : Demain dans la bataille pense à moi (Mañana en la batalla piensa en mí)
Auteur : Javier MARIAS
Traduction : Alain KERUZORE
Parution : en espagnol en 1994, en français en 1996 (Rivages)
Pages : 362
Présentation de l'éditeur :
Divorcé depuis peu, Víctor, scénariste pour la télévision, et nègre à l'occasion, est invité un soir à dîner chez Marta, mariée, mère d'un enfant. Alors qu'ils sont dans la chambre «à demi vêtus et à demi dévêtus», Marta se sent de plus en plus mal, jusqu'à agoniser et mourir. À trois heures du matin, dans un appartement inconnu à Madrid, que doit faire Víctor ? Se débarrasser du cadavre ? Prévenir le mari ? Réveiller l'enfant endormi ? Víctor choisira de fuir. Avant de se laisser mener par les événements, certains inoffensifs, d'autres périlleux. Sur une trame d'une extrême originalité, Javier Marías réussit une intense variation sur des sujets qui nous touchent tous : la dissimulation, le mensonge, l'ignorance de ce qui nous fait agir, le rejet de ceux que nous avons aimés.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Javier Marías, né à Madrid en 1951, est considéré comme l'écrivain espagnol le plus important de sa génération et comme l'une des figures majeures de la littérature européenne contemporaine. Il est l'auteur d'une vingtaine de romans, d'essais et de recueils de nouvelles, dont Un coeur si blanc (1993), Demain dans la bataille pense à moi (prix Femina étranger 1996), la trilogie Ton visage demain (2004, 2007, 2010) et Berta Isla (2019). Parmi d'autres distinctions internationales, Javier Marías a reçu pour son oeuvre le prix Grinzane Cavour (2000) et le prix Formentor (2013). Il est mort dans sa ville natale en 2022.
Avis :
« Demain, dans la bataille, pense à moi, et que ton épée tombe émoussée ! Désespère et meurs ! [...] et que, sous le poids du remords, ta lance tombe de tes mains ! Désespère et meurs ! » Nous ne sommes pas au théâtre, lorsque les spectres de ses victimes maudissent le Richard III shakespearien, mais dans la vie de Victor, le narrateur, un homme quelconque qui vit dans l’ombre, à écrire des scénarios morts-nés et à servir de nègre à un autre nègre. Un soir, alors qu’un flirt l’a conduit chez une dénommée Marta en l’absence du mari, avant même que la jeune femme ne devienne son amante, celle-ci – aberrant coup de sort ! – est victime d’un malaise et meurt dans ses bras. Que faire, seul avec le très jeune fils de cette presque maîtresse dans cet appartement inconnu ? L’homme choisit la fuite, mais incapable d’effacer aussi facilement sa conscience, trouve le moyen de revenir chez Marta par le biais de la famille. L’on va alors découvrir les incommensurables conséquences, non pas de ce décès dans lequel il n’est pour rien, mais de ces quelques heures d’escamotage qui auront bel et bien tout changé...
Dans un style inimitable qui dévide une première fois le fil de pensée du narrateur, lorsqu’il ignore encore les événements parallèles vécus par le mari en voyage d’affaires Outre-Manche, puis lui en fait remâcher les longues phrases-fleuves avec cette fois la connaissance de cet envers du miroir et de sa responsabilité involontaire sur cette partie des faits, l’auteur déplie son histoire pour nous révéler en ses creux des thématiques récurrentes dans son œuvre : le hasard, la fatalité, ces effets papillon inattendus qui scellent notre destin, parfois à notre insu, et, nous faisant « tomber d’un côté ou de l’autre, très vite, » d’une « frontière ténue », nous exposent sans cesse - « il suffit d’un moment d’inattention » - « aux plus grands bouleversements », ceux que nous réservent « le revers du temps, son dos noir » - expression dont il fera le titre d’un autre roman.
Bien plus observateur que réel acteur de son histoire, Victor, déjà invisible par profession, s‘efface encore lorsqu’il prend la fuite, puis, revenu constater les traces laissées par l’événement qui le taraude, mesure à quel point la vie s’est entre temps jouée de leur ignorance et de leur cécité à tous, les réagençant comme d’insignifiants atomes interagissant à leur insu, en une longue chaîne d’effets non maîtrisables. « Des gens meurent à cause de nous et nous ne le savons pas. » Ce narrateur qui avait déjà tellement conscience de n’être personne, en plus d’être convaincu de l’inéluctable effacement de tout être et de toute chose à mesure du passage du temps et des générations, réalise aussi comme le destin de chacun ne tient jamais qu’à un aléatoire enchevêtrement de fils. Alors, puisque « tant de choses arrivent sans que personne ne s’en rende compte ni ne s’en souvienne », que bientôt « tout est oublié ou prescrit », il lui devient facile de conclure qu'il serait vain de s’appesantir sur les remords et les regrets. Laissons les secrets et leurs ombres disparaître d’eux-mêmes à leur tour : face à l’absurdité du monde, tout cela de toute façon ne pèsera guère…
Javier Marias, un des plus grands noms de la littérature contemporaine espagnole, signe ici une création magistrale, où mensonge et dissimulation se dissolvent dans les brumes de la fatalité et du hasard. (4/5)
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