[Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
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[Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Auteur : Jean-Louis Milesi
Éditions : Presses de la Cité (12 Janvier 2023)
ISBN : 978-2258204324
482 pages
Quatrième de couverture
Juillet 1900. Le bourgeois Edward Sheriff Curtis quitte sa famille et son studio de Seattle pour une expédition dans le Nebraska, rêvant de la photographie qui le rendrait mondialement célèbre. Au milieu de nulle part, il est attaqué et dépouillé par des bandits. Étrangement, à cause d'une image échappée de son portefeuille, Curtis a la vie sauve. Encore plus étrange, le bandit qui l'a épargné l'entraîne avec lui dans un long et dangereux périple.
Mon avis
« Une photographie […] C’est redonner naissance. »
Jean-Louis Milesi est un excellent scénariste. Le film d’animation Josep, les collaborations avec Robert Guédiguian (Marius et Jeannette, Marie-Jo et ses deux amours etc), c’est lui. Egalement écrivain, « Au loin, quelques chevaux, deux plumes… » est son deuxième roman.
Dans ce récit, mêlant avec intelligence réalité et fiction, il revient sur l’histoire d’Edward Sheriff Curtis (1868-1952), l’homme qui a photographié des centaines d’indiens en leur donnant vie et leur rendant hommage. Il a montré très tôt que les appareils photos, qui commençaient à être utilisés, l’intéressaient. Il voulait faire de beaux clichés, expressifs, réalistes, et c’est vrai qu’ils sont magnifiques.
Le livre commence avec des indiens en 1862, on fait connaissance avec l’un d’eux. Puis on bascule dans une famille de « blancs » où un jeune garçon se prend d’intérêt pour la photo. Lorsqu’il devient adulte, il est plutôt connu. Un jour, il décide de s’éloigner de sa femme et de ses enfants pour aller faire des clichés d’étourneaux et d’indiens pour la danse du soleil. Les indiens commencent à être parqués dans des réserves, les traditions vont se perdre et en agissant ainsi, il pense laisser une trace de leur histoire. Un petit mois d’absence, ça devrait vite passer… Mais rien ne se déroule comme prévu. Il est dépouillé, blessé et ne doit son salut qu’à un drôle de cow-boy taiseux qui s’occupe de lui. Pas vraiment libre de ses mouvements, il est obligé de le suivre… Une amitié improbable se noue entre ces deux hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Quand on fait preuve d’humanité, on finit toujours par se comprendre.
Le texte est réparti en quatre parties d’inégale longueur, dans lesquels des faits sont présentés. Les dates ne sont pas toujours linéaires et elles sont chaque fois précisées ainsi que le lieu. Le lecteur se repère sans problème.
Quelques événements historiques sont introduits dans l’intrigue. Et d’autres sont inspirés de situations réelles. L’auteur s'est énormément documenté, renseigné, il revient sur certains massacres injustes, sur les filles indiennes arrachées à leur famille, pour devenir de bonnes chrétiennes dans des conditions déplorables. Il imagine que le voyage qu’il décrit a donné naissance à la vocation de Curtis.
Cette lecture a été très agréable. J’aime les indiens, j’aime découvrir de nouveaux opus parlant d’eux. L’écriture est fluide, prenante. Il se passe toujours quelque chose. Le temps passe et le regard de Curtis évolue. Il sent et comprend mieux les choses. On peut alors imaginer que son approche de ces ethnies, qu’il voulait figer dans le temps avec son matériel, n’est plus celle des premiers jours. Il observe, enregistre, agit et devient un autre homme.
Les extraits de poèmes de Mary Gates sont superbes
Même si Jean-Louis Milesi n’a pas écrit une biographie, il fait revivre Edward Sheriff Curtis et nous rappelle ses expositions, sa passion qui ont permis à des tribus malmenées de rester vivantes en photos, des années après.
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Cassiopée- Admin
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Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Au tournant du XXe siècle, ne subsistent plus en Amérique du Nord que quelques dizaines de milliers d’Indiens. Ils étaient plus d’un million cent ans plus tôt. Soucieux de conserver une trace mémorielle de leurs cultures et traditions, un homme, le photographe Edward Sheriff Curtis, se lance alors dans une véritable course contre le temps. Il sillonne l’Amérique vingt-cinq ans durant et devient le premier photographe-ethnologue des Amérindiens. Ce roman au titre doucement nostalgique imagine la naissance de sa vocation, au coeur d’une agonie tristement orchestrée.
1900. Autodidacte d’origine modeste parvenu à la trentaine, Curtis pourrait se contenter de vivre bourgeoisement, auprès de son épouse et de ses enfants, des portraits guindés pour lesquels ses clients aiment à prendre la pose dans son studio de Seattle. Qui sait, la célébrité pourrait même lui sourire, pour peu que l’une ou l’autre de ses plaques de verre finisse par fixer l’image de quelque personnalité influente. Mais notre homme, curieux des photographies en milieu naturel, a la bougeotte. Le voilà qui, après une expédition en Alaska qui lui a permis d’immortaliser les découvertes de son ami l’anthropologue Georges Grinell, récidive pour une nouvelle aventure, ornithologique cette fois, qui doit les mener dans une réserve indienne du nord du Montana, à plusieurs milliers de dangereux kilomètres.
En route pour son lointain rendez-vous, Curtis est dévalisé et laissé pour mort par des bandits de grand chemin. Son destin semble sur le point de tourner court, quand, changeant mystérieusement d’intention à cause d’une image trouvée dans la poche du blessé, l’un de ses assaillants entreprend de le sauver. Leurré par son prénom Henry et par sa tenue de cow-boy, Curtis est alors loin de réaliser que son nouveau compagnon de route est en vérité un Indien métis et que, bientôt liés d’amitié par les péripéties qui les attendent, les deux hommes auront bien d’autres sujets de préoccupation que les vols d’étourneaux dans le Montana.
De fait, c’est vers le Dakota du Sud qu’ils se dirigent désormais, là où, expulsés du Minnesota après la guerre des Sioux et la pendaison collective de trente-huit Dakotas – la plus grande exécution de masse de l’histoire des Etats-Unis – en 1862, les Indiens ont été contraints de se rassembler dans la « Grande Réserve Sioux ». Tandis qu’Henry, ou plus exactement Mika Ohiteka, espère autant qu’il le redoute y retrouver les siens, Curtis y découvre à ses côtés les misérables conditions de vie imposées aux Indiens, ainsi que la politique d’assimilation à toute force qui, entre sédentarisation, christianisation et isolement des enfants dans d’impitoyables pensionnats, si maltraitants que leurs cimetières débordent, entend effacer jusqu’à la mémoire de leur peuple.
A la fois roman historique et récit d’aventure aux accents de western, cette biographie romancée est l’histoire d’une rencontre, celle de deux hommes que tout oppose, mais qui, à mesure qu’insensiblement se tissent entre eux des liens d’estime et d’amitié, va ouvrir les yeux d’un Blanc sur l’entreprise d’effacement de tout un peuple et d’une culture ancestrale. Toujours juste dans son empathie, la sonorité de ses dialogues et sa précision toute cinématographique, l’écrivain scénariste réussit une fresque passionnante, où à la triste impuissance face au désastre répond la détermination de faire savoir et d’interdire l’invisibilisation et l’oubli. Un hommage flamboyant aux Amérindiens et une formidable invitation à découvrir, au-delà de l’image de couverture empruntée à Curtis, une œuvre photographique exceptionnelle, à valeur autant mémorielle qu’artistique. Coup de coeur. (5/5)
1900. Autodidacte d’origine modeste parvenu à la trentaine, Curtis pourrait se contenter de vivre bourgeoisement, auprès de son épouse et de ses enfants, des portraits guindés pour lesquels ses clients aiment à prendre la pose dans son studio de Seattle. Qui sait, la célébrité pourrait même lui sourire, pour peu que l’une ou l’autre de ses plaques de verre finisse par fixer l’image de quelque personnalité influente. Mais notre homme, curieux des photographies en milieu naturel, a la bougeotte. Le voilà qui, après une expédition en Alaska qui lui a permis d’immortaliser les découvertes de son ami l’anthropologue Georges Grinell, récidive pour une nouvelle aventure, ornithologique cette fois, qui doit les mener dans une réserve indienne du nord du Montana, à plusieurs milliers de dangereux kilomètres.
En route pour son lointain rendez-vous, Curtis est dévalisé et laissé pour mort par des bandits de grand chemin. Son destin semble sur le point de tourner court, quand, changeant mystérieusement d’intention à cause d’une image trouvée dans la poche du blessé, l’un de ses assaillants entreprend de le sauver. Leurré par son prénom Henry et par sa tenue de cow-boy, Curtis est alors loin de réaliser que son nouveau compagnon de route est en vérité un Indien métis et que, bientôt liés d’amitié par les péripéties qui les attendent, les deux hommes auront bien d’autres sujets de préoccupation que les vols d’étourneaux dans le Montana.
De fait, c’est vers le Dakota du Sud qu’ils se dirigent désormais, là où, expulsés du Minnesota après la guerre des Sioux et la pendaison collective de trente-huit Dakotas – la plus grande exécution de masse de l’histoire des Etats-Unis – en 1862, les Indiens ont été contraints de se rassembler dans la « Grande Réserve Sioux ». Tandis qu’Henry, ou plus exactement Mika Ohiteka, espère autant qu’il le redoute y retrouver les siens, Curtis y découvre à ses côtés les misérables conditions de vie imposées aux Indiens, ainsi que la politique d’assimilation à toute force qui, entre sédentarisation, christianisation et isolement des enfants dans d’impitoyables pensionnats, si maltraitants que leurs cimetières débordent, entend effacer jusqu’à la mémoire de leur peuple.
A la fois roman historique et récit d’aventure aux accents de western, cette biographie romancée est l’histoire d’une rencontre, celle de deux hommes que tout oppose, mais qui, à mesure qu’insensiblement se tissent entre eux des liens d’estime et d’amitié, va ouvrir les yeux d’un Blanc sur l’entreprise d’effacement de tout un peuple et d’une culture ancestrale. Toujours juste dans son empathie, la sonorité de ses dialogues et sa précision toute cinématographique, l’écrivain scénariste réussit une fresque passionnante, où à la triste impuissance face au désastre répond la détermination de faire savoir et d’interdire l’invisibilisation et l’oubli. Un hommage flamboyant aux Amérindiens et une formidable invitation à découvrir, au-delà de l’image de couverture empruntée à Curtis, une œuvre photographique exceptionnelle, à valeur autant mémorielle qu’artistique. Coup de coeur. (5/5)
Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
C'est noté. Merci! XX
Moulin-à-Vent- Grand sage du forum
-
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Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Coucou moulin !Moulin-à-Vent a écrit:C'est noté. Merci! XX
J’ai tout de suite pensé à toi quand j’ai vu ce roman, c’est vrai qu’il a l’air très intéressant, merci à Cassiopée et Cannetille de nous l’avoir présenté !
marie do- Grand sage du forum
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Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Salut marie do, une de mes Corses préférées! Vous ne savez quel bien ça me fait que vous pensiez à moi! J'espère avoir le temps de lire cet ouvrage avant le grand voyage qui, heureusement ou malheureusement, se rapproche de plus en plus. Je suis plutôt... optimiste! XX
Moulin-à-Vent- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 07/01/2012
Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Je me joins à marie-do pour remercier Cassiopée et Canetille de m'avoir fait découvrir ce très beau roman et ce photographe dont l'oeuvre est superbe.
Rien à ajouter à leurs critiques qui sont très complètes.
Je vais juste me permettre de poster deux photos.
Curtis, autoportrait vers 1889, il a 21 ans.
Photo, prise en 1908, d'un indien ayant capturé un aigle.
Rien à ajouter à leurs critiques qui sont très complètes.
Je vais juste me permettre de poster deux photos.
Curtis, autoportrait vers 1889, il a 21 ans.
Photo, prise en 1908, d'un indien ayant capturé un aigle.
Dulcie- Grand expert du forum
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Re: [Milesi, Jean-Louis] Au loin, quelques chevaux, deux plumes…
Merci Dulcie. Ravie que tu aies aimé.
Cassiopée- Admin
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