[Boley, Guy] À ma soeur et unique
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[Boley, Guy] À ma soeur et unique
Titre : A ma soeur et unique
Auteur : Guy BOLEY
Parution : 2023 (Grasset)
Pages : 480
Présentation de l'éditeur :
Elisabeth Förster fut l’unique sœur de Friedrich Nietzsche, écrivain, philologue, philosophe, être perpétuellement souffrant, vivant dans une solitude totale. De deux ans sa cadette, elle fut sa première lectrice, compagne, admiratrice. Tôt, elle se promet de tout faire pour que brille l'œuvre de son frère à laquelle elle n'entend rien. En effet, elle fera tout. Le soignera, l’assistera, le portera. Et ira jusqu’à vendre ses écrits à Adolf Hitler, homme que Friedrich eut haï s'il l'avait connu.
Dans ce roman écrit d’un souffle, Guy Boley retrace chaque épisode de leurs vies : leur enfance complice à Naumburg, leur vie conjugale à Bâle où Fritz est professeur et où Lisbeth l’assiste, les week-ends chez les Wagner puis la rupture ; l’affaire Lou-Salomé, le mariage d’Elisabeth avec Bernhard Förster, antisémite déclaré avec lequel elle part en 1886 au Paraguay, fonder la colonie Nueva Germania. Pour revenir trois ans après, au chevet de son frère tombé dans la folie, inconscient, alité, qu’elle dit soigner mais qu'elle va trahir et spolier.
Amour, solitude, vengeance, trahison ; ambition dévorante, génie, haine, héritage, cruauté. Tout y est. Même les dieux qui Là-Haut jouent aux dés. L’équivalent en prose d’un drame shakespearien.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Guy Boley est né en 1952. Il a été maçon, ouvrier d’usine, chanteur des rues, cracheur de feu, acrobate, saltimbanque, directeur de cirque, funambule à grande hauteur, machiniste, scénariste, chauffeur de bus, garde du corps, père Noël et cascadeur, animateur d’ateliers d’écriture en milieu carcéral, prof de guitare et de cinéma, avant de devenir dramaturge pour des compagnies de danses et de théâtre. Il compte à son actif une centaine de spectacles joués en Europe, au Japon, en Afrique ou aux Etats-Unis. Il a publié trois ouvrages aux éditions Grasset : Fils du feu (2016), lauréat de six prix littéraires (Grand Prix SGDL du premier roman, Prix Georges Brassens, Prix Millepages, Prix Alain-Fournier, Prix Françoise Sagan…), Quand Dieu boxait en amateur (2018), lauréat de sept prix, et Funambule majuscule (2021)
Avis :
Après deux romans très remarqués, Guy Boley met l’envoûtante magie de sa plume au service d’une biographie passionnante qui retrace le terrible lien qui unit Friedrich Nietzsche, le philosophe devenu fou, à sa machiavélique et manipulatrice sœur Elisabeth.
En cette seconde moitié du XIXe siècle en Prusse, Friedrich est un génie enfermé dans un corps débile. Alors, pour lui permettre d’écrire et d’accéder à la gloire, sa sœur, longtemps célibataire, lui sert d’infirmière, de secrétaire, presque de moitié tant leur relation est fusionnelle. Mais, à près de quarante ans, rompant violemment avec son frère, Elisabeth épouse un agitateur antisémite d’extrême droite et le suit au Paraguay, où le couple entend fonder une colonie de « pure race aryenne ». L’expérience est un désastre dont Elisabeth revient veuve et transformée. Puisque son frère, entre-temps victime d’un effondrement psychique, n’est plus qu’une ombre bavante et délirante, c’est désormais elle qui prendra les rênes de la maison Nietzsche, manoeuvrant pour récupérer la tutelle de l’aliéné et, tout en l’abrutissant de calmants, s’activant à détourner à son profit les bénéfices de sa célébrité montante.
Rien ne l’arrêtera dans sa campagne de promotion à tout crin, pas même, entre autres opérations mercantiles, la vente de billets permettant, comme au zoo, d’observer le fou sédaté dans son lit, ou encore la dénaturation d’une œuvre à laquelle elle n’entend goutte mais qu’elle « élague, taille et tranche, tel Boileau dans son Art poétique : Ajoutez quelquefois et souvent effacez », allant jusqu’à en inciter les récupérations antisémites dans une manipulation destinée à flatter les idéologues conservateurs, puis nazis. La « sœur et unique », autrefois dévouée et adorée, s’avère une gorgone sans vergogne, prête à toutes les manipulations et compromissions pour s’assurer grand train et s’ouvrir la fréquentation des puissants, fussent-ils jusqu’à Hitler lui-même. Heureusement, des copies de textes et de lettres resurgiront après sa mort, qui permettront de rétablir des vérités. Le mal est pourtant fait : si Nietzsche est aujourd’hui « l’un des auteurs les plus étudiés, commentés, analysés, disséqués », il reste « aussi l’un des plus controversés », maudit ou sanctifié, affublé de bien des traits qu’il n’eut jamais, lui qui s’en doutait puisqu’il écrivit « Malheur à moi qui suis une nuance. »
Soigneusement documenté, ce roman historique autour d’un duo hors norme est absolument étonnant et captivant. Il chatoie aussi du lyrisme volontiers grandiloquent, âprement ironique, d’une plume ciselée, aux tournures somptueuses, que l’on savoure en un de ces plaisirs de langue rares et infinis qui, lorsqu’ils vous ont enchantés, vous laissent impatients de parcourir toute l’oeuvre, passée et à venir, de l’auteur. Immense coup de coeur pour ce livre couronné du Prix des Deux Magots 2023. (5/5)
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