[Slimani, Leila] Sexe et mensonge - La vie sexuelle au Maroc
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[Slimani, Leila] Sexe et mensonge - La vie sexuelle au Maroc
Titre : Sexe et mensonge : La vie sexuelle au Maroc
Auteur : Leila Slimani
éditeur : éditions Les Arènes
Nombre de pages : 200 pages
Présentation de l’éditeur :
Dans le livre Dans le jardin de l’ogre (Gallimard, 2014), Adèle, jeune épouse et mère de famille, sombrait dans l’addiction sexuelle. Un roman cru et audacieux sous la plume d’une jeune musulmane partie ensuite à la rencontre de ses lectrices marocaines.
De ville en ville, Leïla Slimani a écouté les déchirements d’une société où la femme ne peut être que vierge ou épouse. Où tout ce qui est hors la loi ou hors mariage est nié : prostitution, homosexualité, business de la nuit, protection des riches touristes sexuels et pédophiles, corruption de la police, etc.
Début 2016, le lynchage de deux homosexuels puis l’agression de l’actrice du film Much Loved ont illustré le profond malaise d’une société écartelée entre sexe et mensonges.
Mon avis :
Ce livre est un recueil de témoignages que Leila Slimani a recueillis. L’un des éléments déclencheurs a été le succès de son livre Dans le jardin de l’ogre, et l’étonnement qu’il a suscité auprès de certains critiques : comment une jeune femme de confession musulmane et d’origine marocaine pouvait-elle parler de sexualité ? Et pourquoi n’aurait-elle pas pu en parler ? Leila Slimani le dit, le répète : elle a eu la chance de grandir dans une famille ouverte d’esprit, cultivée. Au fur et à mesure de ces rencontres, le lecteur se rend compte que rares sont les jeunes femmes qui ont eu cette chance et que tout est à faire, ou presque, en matière d’éducation. Oui, Leila Slimani met les pieds dans le plat, en montrant qu’en éduquant différemment filles et garçons, l’on sème les graines des futures inégalités. Les mères, brimées par leurs époux, valorisent démesurément leurs fils. Je cite à cet égard , parce que ces mots valent mieux que de longues explications : « Désolée de vous l’annoncer ainsi, à vous les mères, mais si vos fils deviennent des harceleurs, des violeurs, des violents, des pourris, des mauvais maris, des machos, ce n’est pas uniquement de la faute de la société et de la culture : vous en êtes également responsables. Au lieu de répéter à votre fille qu’elle est une proie, cessez de dire à votre fils qu’il est un chasseur. Au lieu d’apprendre à votre fille à se taire, essayer d’apprendre à votre fils à écouter. Au lieu d’interdire à votre fille de porter une jupe, essayer de faire comprendre à votre fils qu’une jupe n’est pas une invitation au sexe. Au lieu de forcer votre fille à se couvrir, essayer d’expliquer à votre fils qu’une femme est autre chose qu’un corps. »
Parce que la fille, la femme, est réduite à être un corps. Parce qu’une valeur démesurée est donnée à la virginité, sans laquelle un mariage est impossible. Pour celles qui auraient des relations sexuelles avant de se marier, le mariage devient quasiment impossible. Pourtant, tous les jeunes, garçons, filles, ont une sexualité. Plus le sexe est réprimé, plus cela engendre de frustration, plus l’on cherche des moyens de passer à l’acte. Mais quand ? Mais où ? Chez les parents ? Impossible. Dans la chambre de la cité universitaire (à condition de faire des études) ? Risqué. Dans un hôtel ? Seuls les couples mariés peuvent s’y rendre. Reste la voiture, garée dans des lieux bien connus, dans lesquels la police fait souvent des rondes, et ferment parfois les yeux – avec un petit billet.
Revenons au mariage. Même s’il a lieu, ce n’est pas la porte ouverte au bonheur, loin de là. Rares, dans ce livre, seront les témoignages de mariages heureux, de mariages dans lequel le corps de la femme ne sera pas totalement asservi. Si elle est battue, elle ne pourra que rarement compter sur le soutien de sa famille, c’est son « sort ». (Note : en France aussi, cela existe. Voir le magnifique roman de Pascaline Nolot Gris comme le coeur des indifférents). Si elle divorce et se remarie, elle perd automatiquement la garde des enfants qu’elle a eu de son premier mariage. Quant à avoir un enfant hors mariage, c’est quasiment impossible. Il aura, inscrit à l’état civil, une particule liée à son nom qui indique son statut de « bâtard ». Les chiffres des infanticides, des abandons, des avortements clandestins sont effrayants. Selon l’Amlac (Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin) 600 avortements clandestins ont lieu chaque jour, je vous laisse imaginer dans quelles conditions.
L’espoir ? Ce sont les femmes qu’il vient – des femmes, et de quelques hommes. Elles veulent prendre leur destin en main, elles veulent s’émanciper, ne plus faire attention au regard des autres. Elles savent que ce n’est pas facile, que le chemin est long – mais elles luttent, pour elles, pour les générations à venir.
Je terminerai en disant que l’engagement de Leila Slimani, sa volonté de faire évoluer les lois au Maroc ne se sont pas terminés avec la parution de ce livre. Elle a signé, en 2019, une pétition pour demander la libération d’une journaliste emprisonnée pour « avortement illégal » et « relations sexuelles hors mariage ». Elle milite pour l’abrogation de l’article 490 du Code pénal marocain, qui pénalise les relations sexuelles hors mariage (source : Paris-Match, février 2022). Les combats féministes ont rarement une fin.
Sharon- Modérateur
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