[Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
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Quel est votre avis sur ce recueil de poèmes ?
[Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
Présentation de l'éditeur :
"Qu'est-ce que la poésie ?... Qu'est-ce que l'âme ?...
Lorsqu'un poème, ou simplement un vers provoque chez le lecteur une sorte de choc, le tire hors de lui-même, le jetant dans le rêve, ou au contraire le contraint à descendre en lui plus profondément jusqu'à le confronter avec l'être et le destin, à ces signes se reconnaît la réussite poétique. "Telle est, bien sûr, l'ambition secrète et démesurée de tout auteur d'anthologie. S'il la commence pour lui-même, c'est pour d'autres qu'il la termine et la publie. Choisir tout ce qui lui paraît digne et capable de provoquer chez le lecteur le choc de la beauté, voilà l'objet de son effort. C'est dire qu'il se trahit lui-même puisqu'il livre le secret de ce qui le touche. Mon ambition est bien de donner ici l'essentiel de notre poésie, c'est-à-dire les plus beaux vers de la langue française, ceux que je trouve tels, sans doute, mais avec l'espoir qu'ils le sont vraiment."
Mon avis :
Que dire d'une telle traversée des époques à travers les poèmes choisis par Georges Pompidou ? Tout d'abord, qu'on peut faire confiance à son goût et à sa culture pour se forger une représentation intime de siècles de poésie, et que de toute façon, présenter des poèmes ne sert qu'à faire naître l'envie d'en découvrir et en lire d'autres. Il s'en explique dans une introduction des plus intéressantes, notamment dans la partie "les poètes", où il présente les auteurs et les différents courants, ce qu'il a repris d'eux et pourquoi. L'ordre de présentation est le plus simple possible, chronologique.
On arrive fatalement avec une telle collection de textes immortels à revenir en boucle à la question : qu'est-ce que la poésie ? Est-elle bateau ivre, frêle esquif à la dérive, sur des flots de sensations brûlantes, d'émotions violentes ? Est-elle nef courageuse qui nous porte en ses flancs et nous amène à bon port ? J'ai choisi pour ma part de commencer chaque matin un voyage en parallèle de la journée que j'allais passer - réveil, café, poésie, qui m'accompagne aujourd'hui ? Je me suis laissé prendre la main par un poète à la fois, j'ai marché le long de ses pas. Chaque matin, avant la route réelle, j'ai remonté la pente du temps, notre meilleur ennemi de la naissance à la mort.
S'il fallait tenter d'énoncer une raison d'être des mots de nos poètes, c'est à la fois de nous protéger des effets inexorables du temps, de cultiver la mémoire vivante des amours, de la geste humaine, du vif de notre condition, mais aussi, c'est parfois exigé pour aller plus loin, de nous mettre à nu dans le torrent, de plonger, lame fumante dans le fil de l'eau, pour se durcir et s'effiler, afin de mieux tailler dans l'étoffe de nos jours à venir. Bien sûr, chacun aura ses poètes préférés, pourra découvrir des vers ignorés, et constater qu'aucun ne manque, de François Villon à Paul Eluard, en passant par Jean Racine, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, et mon préféré entre tous, Guillaume Apollinaire, jusqu'à Paul Valéry... Existe-t-il des images françaises de la vie et de la mort, une façon particulière à un pays de les évoquer, d'en rêver ou de les conjurer ?
Finir cette anthologie, c'est avoir gagné le pied marin pour continuer sa vie, ne plus craindre les sols mouvants, les arrêts et les départs, faire un avec le temps et les éléments, les épouser pour, le temps venu, espérer savoir ce qu'on a vécu, et surtout, se dire que ça valait la peine. À tout moment, être homme parmi les hommes, mais aussi savoir être seul, regarder autour de soi, enfin se rendre compte qu'à chacun de nos pas correspondent des chemins tracés par les vers d'autres hommes, qui peuvent nous aider, car ils sont des frères qui nous tendent la main, par-delà les âges, et que toute continuité de la vie est universelle. Il faut passer, jouer son rôle le mieux possible, et imprimer une marque quelconque dans le tissu du monde, non pour notre postérité, mais pour les autres. Pour nous c'est simple : la poésie sublime le vécu, nous fait passer des caps selon notre maturité du moment, nous garde éveillés en nous rappelant que, d'une manière ou d'une autre, autre chose est possible, un ailleurs ou un devant se dessinent et nous font signe. Il n'est que de rassembler nos forces pour continuer... 5/5
Citations :
En la forêt d'Ennuyeuse Tristesse,
Un jour m'advint qu'à part moi cheminoye,
Et rencontrai l'Amoureuse Déesse
Qui m'appela, demandant où j'alloye.
(...)
Or me déplaît qu'à présent je te voye
L'homme égaré qui ne sait où il va. (Ballades, Charles d'Orléans, page 47)
Hé ! Dieu, si j'eusse étudié,
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes mœurs dédié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoi ? Je fuyoie l'école,
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole
A peu que le cœur ne me fend... (Le Testament, François Villon, page 56)
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame,
Las, le temps ! non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame (...). (Sonnet des Amours de Marie, Pierre de Ronsard, page 87)
La moisson de nos champs lassera les faucilles,
Et les fruits passeront la promesse des fleurs... ("Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin, François de Malherbe, page 119)
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un don Quichotte en sa morne folie. ("Le Paresseux", Saint-Amant, page 146)
La Mort avait raison. Je voudrais qu'à cet âge
On sortît de la vie ainsi que d'un banquet,
Remerciant son hôte, et qu'on fît son paquet ;
Car de combien peut-on retarder le voyage ? ("La Mort et le Mourant", Jean de La Fontaine, page 189)
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour.
Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière. ("Iambes", André Chénier, page 245)
Car personne ici-bas ne termine et n'achève ;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs. ("Tristesse d'Olympio", Victor Hugo, page 285)
Un soir, nous étions seuls, j'étais assis près d'elle ;
Elle penchait la tête, et sur son clavecin
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main.
Ce n'était qu'un murmure : on eût dit les coups d'aile
D'un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux
Et craignant en passant d'éveiller les oiseaux. ("Élégies", Alfred de Musset, page 333)
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour, nage sur ton parfum. ("La Chevelure", Charles Baudelaire, page 356)
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir. ("Ophélie", Arthur Rimbaud, page 439)
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine ("Marie", Guillaume Apollinaire, page 508)
Plutôt que de mourir j'efface
Ce que j'ai mis de temps à vivre ("Je suis la bête", Paul Eluard, page 520)
elea2020- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 02/01/2020
Re: [Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
Merci Elea, je suis fan de poésie et ton avis me comble.
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Cassiopée- Admin
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Re: [Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
Merci @Cassiopée !
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
Merci pour cette critique.
C’est un recueil que je possède, édition de 1978 (France loisir), et que je consulte régulièrement.
C’est un recueil que je possède, édition de 1978 (France loisir), et que je consulte régulièrement.
joëlle- Modérateur
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Date d'inscription : 30/09/2013
Re: [Pompidou, Georges] Anthologie de la poésie française
Merci Joëlle : je le garde et je continuerai à y revenir aussi.
elea2020- Grand sage du forum
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