[Loubry, Jérôme] De soleil et de sang

Titre : De soleil et de sang
Auteur : Jérôme Loubry
éditeur : Calmann Levy
Nombre de pages : 392 pages

Présentation de l’éditeur :

Dans ce quartier chic de Port-au-Prince s’élèvent de belles demeures de pierre entourées de palmiers, de flamboyants et d’arbres orchidées. C’est là que, pour la deuxième fois en une semaine, un couple est retrouvé assassiné dans sa chambre. Deux corps mutilés gisant au pied du lit conjugal. La presse titre déjà sur une série de « crimes vaudous ».
Pourtant l’inspecteur Simon Bélage refuse de tomber dans la superstition. Sur cette île, la corruption et le trafic d’enfants font plus de ravages que le terrible Baron Samedi, le dieu des morts. Simon sait avec certitude que ces crimes sont l’oeuvre d’un être de chair et de sang. Et tous les indices convergent vers un orphelinat fermé depuis près de vingt ans, surnommé la « Tombe joyeuse ».
Mais Simon devrait prendre garde. En Haïti, ignorer les avertissements des esprits, qu’ils soient vrais ou faux, peut se révéler dangereux…

Mon avis :

Ce roman est tout simplement passionnant, parce qu’il nous plonge dans un abîme, un abîme de douleurs et d’hypocrisie. Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire certaines scènes. Non, je ne parle pas de la découverte des corps mutilés, dont la description est à la fois sobre et réaliste. Je parle du sort réservé aux enfants qui ont vécu dans l’orphelinant « la Tombe joyeuse ». Vous noterez que j’ai parlé d’enfants, et non d’orphelins, parce que les gamins qui sont dans ses institutions sont rarement orphelins. Ils ont été soit ramassés dans la rue, parce que personne ne prenait soit d’eux, soit ils ont été vendus par leurs parents, et se retrouvent promis à l’adoption, ce qui rapportera une très grosse somme d’argent aux propriétaires des orphelinats. Calculer la différence entre les deux sommes est un excellent exercice pour s’initier à ce qu’est une superbe plus-value. J’ajoute (non, je n’ai pas forcément l’esprit mal placé) que les adoptions n’ont pas toujours lieu pour de bonnes raisons : pour certaines familles, il s’agit d’avoir auprès de soi quelqu’un de taillable et corvéable à merci. Et même là, ce n’est pas le pire qui puisse arrive aux pensionnaires de l’orphelinat. Lire la toute dernière page du livre, qui ne fait pas partie de l’intrigue, mais nous rappelle encore une fois la réalité de ce pays. Ne pas oublier non plus que la France a accueilli Baby Doc dans les années 80.

L’intègre inspecteur Simon Bélage enquête. A son âge, il sait qu’il n’a plus grand chose à perdre, et pas sa carrière, aussi protège-t-il son jeune co-équipier, qui a été de plus le compagnon de sa fille unique, Rachelle, membre d’une association qui tente de s’occuper des enfants dans les orphelinats (pas toujours facile, surtout quand on vous met des bâtons dans les roues ou que l’on a des protecteurs). Il enquête, même si on le presse de trouver un coupable, n’importe lequel, cela importe peu – et de citer une enquête où le premier sans domicile fixe a été déclaré coupable, parce qu’il fallait un coupable pour calmer l’opinion publique et les politiques. Quand on enquête véritablement, l’on finit par trouver des choses compromettantes, et par le payer très cher.

Pendant ce temps, en France… Une jeune femme, Méline, perd successivement son père et sa mère. Elle sombre, peu à peu. L’amour et l’attention de son mari Vincent (il était déjà attentif à elle avant les deux tragédies) ne parviennent pas à la sortir de sa torpeur. En revanche, elle décide de s’engager dans une mission humanitaire, comme sa toute nouvelle amie Sybille. En Haïti. Lui ne comprend pas. Elle lui dit qu’elle en a besoin. Il apprend sa mort accidentelle peu après. A son tour, il sombre, jusqu’à ce qu’il reçoive un appel de Rachelle Belage, et qu’elle lui parle elle aussi de la Tombe joyeuse mais aussi d’Orphée et d’Eurydice, ce mythe qui avait rapproché Méline et Vincent.

J’en révèle peut-être beaucoup, mais je pense sincèrement que si vous lisez ce livre, il est des personnages qui vous marqueront, comme Lucien, un être lumineux et courageux, un être qui a fait bouger les choses, et là, je ne vous dirai pas comment. Il y a aussi Damien, qui a tenu les promesses faites dans sa jeunesse. Il en est d’autres qui ne méritent qu’une chose : visiter les Enfers et y rester.