[Wei-Wei] La couleur du bonheur

Tout d’abord, petit conseil aux futurs lecteurs : si, comme moi, vous avez entre les mains l'édition Denoël de ce livre, ne lisez pas la quatrième de couverture. Je suis atterrée qu’un éditeur qui se respecte puisse ainsi y dévoiler la presque totalité de l’intrigue, et je suis bien contente de m’être plongée directement dans le vif du sujet.
Maintenant que ce détail est réglé, passons aux choses sérieuses.

J’ai été très agréablement surprise par le ton optimiste de ce récit.
Compte tenu du contexte (la Chine du vingtième siècle, avec son lot de guerres, de révolutions, de régimes autoritaires et de catastrophes), du titre (quand on annonce «La couleur du bonheur», c’est en général pour nous tirer des larmes du corps), et de l’histoire en tant que telle (mariage arrangé, emprisonnement politique), je m’attendais à quelque chose de plutôt déprimant, désespérément noir.
En fait, ce livre est rouge (pas du même rouge, heureusement, que le fameux «petit livre», plus tristement célèbre).

Rouge. La couleur du communisme. La couleur du sang. Mais également la couleur du bonheur. Ou plutôt des bonheurs. Petits ou grands, publics ou secrets, faciles ou douloureux, simples le plus souvent.

Mei-Li, personnage central de ce roman, n’attend pas le bonheur, ne l’espère pas. Elle se contente de saisir chaque petit bonheur qui passe à sa portée, sans regret ni culpabilité. Lorsque le malheur frappe, elle se réconforte, et réconforte les siens, à la chaleur de ses souvenirs heureux. Et autour d’elle, comme elle, chacun s’efforce de trouver son propre bonheur, et d'aider l'être aimé à trouver le sien.
Les thèmes du sacrifice et de l’absence sont très présents dans le récit, mais là encore, l’auteur s’attache davantage à la joie des retrouvailles, ou à celle de savoir l’autre en vie et en bonne santé, qu’à la douleur de la séparation.

Chaque personnage est touchant, attachant, admirablement vivant.
L’écriture est légère, j’oserais dire joyeuse, presque insouciante. Le choix du présent, sous forme d’une confidence de grand-mère à petite-fille, pour relater les événements les plus anciens, et d’une narration plus classique pour les plus récents, est original et pertinent. Ainsi, tous les éléments sont placés sur un pied d’égalité, ce qui donne une cohérence au récit.

Ce livre a été pour moi un moment de lecture très agréable, et je le recommande à quiconque veux voir entrer chez lui un peu d'optimisme et de joie de vivre.