[Grisham, John] La loi du plus faible
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Votre avis
[Grisham, John] La loi du plus faible
Fiche : La loi du plus faible
Auteur : John Grisham
Traduction : Patrick Berthon
Editeur : Pocket
Date de parution : mars 2005
ISBN : 2266145428
Nombre de pages : 381
Présentation de l'éditeur
Il avait toutes les cartes en main pour devenir l'un de ces riches associés sans états d'âme qui font prospérer les gros cabinets juridiques de Washington. Une prise d'otages commise par un S.D.F désespéré va totalement bouleverser sa vie... Le mettre face à la réalité de ces milliers d'exclus que personne n'écoute. Faire voler en éclats son existence de jeune avocat d'affaires ambitieux et talentueux. Et l'entraîner dans un bras de fer à hauts risques contre son ancien employeur afin que triomphe une certaine idée de la justice : la défense du plus faible.
Mon point de vue :
Incontestablement, John Grisham a le sens du suspense. Tout comme Guy Bedos pour l’humour, il serait capable de nous faire frémir avec un scénario tiré de l’annuaire téléphonique. Car la trame peut paraître mince si l’on se contente de la raconter en occultant ce qui fait la substance, la chair du livre : son écriture.
Michael Brock est un jeune avocat ambitieux qui gagne 120 000 dollars par an en travaillant dans un cabinet d’avocats et va même sans doute, très prochainement, atteindre le million de dollars annuel. Tout va bien pour lui, donc. En apparence seulement : son couple se déglingue, sa femme Claire est tout autant préoccupée par son travail de médecin qu’il l’est par son boulot d’avocats, ils n’ont plus guère de temps pour se parler, à peine pour se voir. Sa vie bascule le jour où un SDF pénètre, bardé de dynamite, dans l’immeuble luxueux du cabinet d’avocats Drake & Sweeney dont il est l’un des fleurons pour y perpétrer une prise d’otages. Que veut-il au juste, ce SDF ? Les avocats pris en otage n’ont pas le temps de la savoir : il est abattu par la police et son sang gicle sur Michael Brock.
C’est suffisant pour que ce dernier, choqué, se décide à prendre contact avec des bénévoles s’occupant des SDF dans la ville de Washington afin de comprendre les raisons qui ont poussé le preneur d’otages à ce geste de désespoir.
C’est sans doute le moins réussi du livre. L’histoire aurait gagné en crédibilité si John Grisham avait insisté sur les raisons qui pouvaient inciter le jeune et brillant avocat à passer « de l’autre côté du miroir » doré de sa société d’opulence, pour entrer dans le monde de la pauvreté extrême. Ce basculement existentiel, point de départ du roman, est trop rapidement expédié pour être convaincant.
Cette faiblesse oubliée, il reste une histoire bien racontée, bien menée, des personnages campés avec talent. Grisham sait, en quelques mots, poser un personnage : « Abraham est entré. Un petit bonhomme tout en nerfs d’une quarantaine d’années ; on reconnaissait d’emblée un avocat ayant à cœur le bien public. Juif, barbe noire et lunettes à monture d’écaille, blazer froissé, pantalon tire-bouchonné et chaussures crasseuses ; il était baigné de l’aura de ceux qui essaient de sauver le monde. »
Le scénario est mince : Michael découvre que sa société est responsable d’expulsions illégales, dont l’une d’elle a provoqué la mort d’une jeune femme et de ses enfants. Il va alors changer de camp, s’opposer à la direction de sa société –devenue très vite son ex-société- pour faire triompher la « loi du plus faible » et obliger Drake & Sweeney, à payer le prix fort ses pratiques criminelles.
Mais la minceur du scénario n’a que peu d’importance. Le cœur du roman, son intérêt principal se situe ailleurs : dans l’opposition entre le monde de la misère et celui de la plus extrême richesse, deux mondes qui se côtoient sans jamais se rencontrer, chacun des deux étant consubstantiel à l’autre, chacun d’eux ne pouvant exister sans l’autre. Le choc éprouvé par Michael, devenu l’avocat des sans-abri, lors de sa découverte de ceux qui n’ont rien, est succulent de justesse et de vérité.
Sans avoir l’air d’y toucher, Grisham aborde aussi la question de la réponse à apporter à la misère : réponse individuelle (charité) ou collective (prise en charge par la société). Sans doute, le point du vue américain sur cette question diffère-t-il sensiblement du nôtre, mais ces questions soulèvent des échos pas si lointains et toujours actuels chez le lecteur français.
Il ne faut pas attendre de ce roman une analyse radicale (politique) des causes de la misère, une remise en cause globale d’une société dont la structure même sécrète de si effarantes disparités. Il ne s’agit que d’un thriller, et il ne prétend à rien d’autre. Mais c’est, incontestablement un bon thriller, dans lequel l’intérêt du lecteur ne faiblit jamais. Malgré la faiblesse évoquée plus haut, vous serez pris par l’écriture et la maîtrise de l’auteur et vous aurez du mal à vous en détacher. Voici donc un roman que je recommande à tous les amateurs de thrillers.
Pour les autres : tentez le coup, vous m’en direz des nouvelles !
Dernière édition par Elyuna le Dim 27 Oct 2013 - 11:13, édité 3 fois (Raison : Correction du titre et ajout du sondage)
Invité- Invité
Re: [Grisham, John] La loi du plus faible
Merci pour cette jolie critique ! J'ai rajouté le sondage, n'oublie pas de voter
Invité- Invité
Re: [Grisham, John] La loi du plus faible
La loi du plus faible
Présentation et photo par Shamash, ci-dessus.
Mon avis :
Thriller humaniste (Robert Laffont dixit)
Washington, époque contemporaine
Hiver
La nuit la température descend jusque moins 17° C. Des gens crèvent, qui dans des voitures, qui sous des ponts, dans la rue. Le gouvernement s'en moque comme d'une guigne. Qui sont ces SDF ? Des noirs des quartiers pauvres de Washington. Des pauvres diables virés de leur logement pour un oui, pour un non, sans raison. Sans travail ou lorsqu'ils en possèdent un, la moindre faute, le moindre pet de travers, ils sont jetés, allez voir dehors si j'y suis.
Des bénévoles un peu partout, la soupe populaire, des fonds privés, quelques assosses qui se battent contre des moulins à vent, courbent l'échine, font fi de leur dignité, de leur humanité, de leur vie, de tout...
Drake & Sweeney, cabinet huppé, droit pénal, civil, contentieux et immobilier. Avocats à la pelle, propres sur eux, costards, liquettes, pompes sur mesure. Et en plus il pue le ravisseur, faites désinfecter l'ascenseur. C'est vrai, mince, si demain le gouverneur ou un ponte venaient, quelle honte, ça rejaillirait sur le père Jacobs au 8éme, le saint des saints, le Naos égyptien, le boss, tu penses, 750 millions de bénefs dans l'année, ça pose son homme, faut ce qui faut !
Seulement il ne sait pas tout le grand homme, il ne sait pas qu'un certain dans sa boite à fait virer des pauvres, des paumés qui se sont crus locataires, sans bail, une parole de blanc, pas de reçu du loyer, payé en espèces, ou alors sur le recto d'un ticket de pressing, cent dollars pour un taudis, toilettes communes, cloisons en contreplaqué, mais un toit quand même, un peu de soleil dans le coeur, un chez soi, du chauffage et des gosses qui ne mourront pas dans le froid, l'espoir...J't'en fiche, promoteur oblige, dehors tout le monde, comment ? locataires, pourquoi pas propriétaires pendant que vous y êtes, hein ? Dehors vous squattez, tout de suite, sans délais, relogement, et puis quoi encore ? Du cirage et une brosse peut-être ?
Résultat une prise d'otages, un mort et une femme et ses quatre enfants en bas âge morts dans une bagnole. Silence, rideau, pas d'applaudissements, du respect, la messe est dite (ite missa est pour les lettrés).
Michael plaque tout, le cabinet et ses 120.000 dollars annuels, pour aller défendre les pauvres. Il rejoint Mordecai, un avocat noir, immense, voix de stentor, chantre de ceux qui n'ont pas voix au chapitre, défenseurs des indigents, des paumés, des SDF, des drogués, des battus, des virés de tous bords, bref des gens de la rue, des petites gens, de ceux qui n'ont rien ni pour vivre, ni pour survivre et, surtout, plus d'espoir.
Claire, la femme de Michael demande le divorce, tu penses de cent vingt mille, le salaire passe à vingt-cinq mille, c'est pas pareil. Et mon train de vie ? Tu as pensé à mon train de vie, hein ? Oui, oui, mais j'étouffe, on y arrivera. On y arrivera mes genoux oui, tchao mon pote, j't'enverrai mon avocate, bye et bonjour chez toi !
Le centre d'assistance judiciaire va intenter un procès pour faute professionnelle au cabinet Drake et Sweeney.
On fait appel à la presse, Washington Post, par le truchement d'un journaleux qui n'aime pas particulièrement les avocats des gros cabinets. Le père Jacobs retrouve sa photo entre deux repris de justice, telle une parabole biblique, mais il n'apprécie pas, mais alors pas du tout. C'est fait, règlement de comptes à O.K. Washington, on a dégainé et on tire sur tout ce qui bouge.
Michael dérobera le dossier de l'expulsion, se fera prendre pour vol, fera un passage en garde à vue, se fera tabasser, serrera les dents, continuera et un compromis financier sera trouvé, ce qui ne ramènera pas à la vie les petits mômes innocents...
Ce n'est pas le meilleur Grisham mais c'est peut-être le plus poignant, le plus dur, le plus véridique. Une nouvelle fois, l'auteur, dans sa quête de la dénonciation des exactions commises par son pays, le pays le plus riche au monde, le plus capitaliste mais le plus incapable de défendre la veuve et l'orphelin, balance le système et donne des solutions, notamment au niveau de la justice.
Sinon le style, l'écriture, la prosodie, les mots, la couleur, l'odeur et l'ambiance, c'est du Grisham. Rien à dire de plus, suivez mon regard...
4/5
B
Présentation et photo par Shamash, ci-dessus.
Mon avis :
Thriller humaniste (Robert Laffont dixit)
Washington, époque contemporaine
Hiver
La nuit la température descend jusque moins 17° C. Des gens crèvent, qui dans des voitures, qui sous des ponts, dans la rue. Le gouvernement s'en moque comme d'une guigne. Qui sont ces SDF ? Des noirs des quartiers pauvres de Washington. Des pauvres diables virés de leur logement pour un oui, pour un non, sans raison. Sans travail ou lorsqu'ils en possèdent un, la moindre faute, le moindre pet de travers, ils sont jetés, allez voir dehors si j'y suis.
Des bénévoles un peu partout, la soupe populaire, des fonds privés, quelques assosses qui se battent contre des moulins à vent, courbent l'échine, font fi de leur dignité, de leur humanité, de leur vie, de tout...
Drake & Sweeney, cabinet huppé, droit pénal, civil, contentieux et immobilier. Avocats à la pelle, propres sur eux, costards, liquettes, pompes sur mesure. Et en plus il pue le ravisseur, faites désinfecter l'ascenseur. C'est vrai, mince, si demain le gouverneur ou un ponte venaient, quelle honte, ça rejaillirait sur le père Jacobs au 8éme, le saint des saints, le Naos égyptien, le boss, tu penses, 750 millions de bénefs dans l'année, ça pose son homme, faut ce qui faut !
Seulement il ne sait pas tout le grand homme, il ne sait pas qu'un certain dans sa boite à fait virer des pauvres, des paumés qui se sont crus locataires, sans bail, une parole de blanc, pas de reçu du loyer, payé en espèces, ou alors sur le recto d'un ticket de pressing, cent dollars pour un taudis, toilettes communes, cloisons en contreplaqué, mais un toit quand même, un peu de soleil dans le coeur, un chez soi, du chauffage et des gosses qui ne mourront pas dans le froid, l'espoir...J't'en fiche, promoteur oblige, dehors tout le monde, comment ? locataires, pourquoi pas propriétaires pendant que vous y êtes, hein ? Dehors vous squattez, tout de suite, sans délais, relogement, et puis quoi encore ? Du cirage et une brosse peut-être ?
Résultat une prise d'otages, un mort et une femme et ses quatre enfants en bas âge morts dans une bagnole. Silence, rideau, pas d'applaudissements, du respect, la messe est dite (ite missa est pour les lettrés).
Michael plaque tout, le cabinet et ses 120.000 dollars annuels, pour aller défendre les pauvres. Il rejoint Mordecai, un avocat noir, immense, voix de stentor, chantre de ceux qui n'ont pas voix au chapitre, défenseurs des indigents, des paumés, des SDF, des drogués, des battus, des virés de tous bords, bref des gens de la rue, des petites gens, de ceux qui n'ont rien ni pour vivre, ni pour survivre et, surtout, plus d'espoir.
Claire, la femme de Michael demande le divorce, tu penses de cent vingt mille, le salaire passe à vingt-cinq mille, c'est pas pareil. Et mon train de vie ? Tu as pensé à mon train de vie, hein ? Oui, oui, mais j'étouffe, on y arrivera. On y arrivera mes genoux oui, tchao mon pote, j't'enverrai mon avocate, bye et bonjour chez toi !
Le centre d'assistance judiciaire va intenter un procès pour faute professionnelle au cabinet Drake et Sweeney.
On fait appel à la presse, Washington Post, par le truchement d'un journaleux qui n'aime pas particulièrement les avocats des gros cabinets. Le père Jacobs retrouve sa photo entre deux repris de justice, telle une parabole biblique, mais il n'apprécie pas, mais alors pas du tout. C'est fait, règlement de comptes à O.K. Washington, on a dégainé et on tire sur tout ce qui bouge.
Michael dérobera le dossier de l'expulsion, se fera prendre pour vol, fera un passage en garde à vue, se fera tabasser, serrera les dents, continuera et un compromis financier sera trouvé, ce qui ne ramènera pas à la vie les petits mômes innocents...
Ce n'est pas le meilleur Grisham mais c'est peut-être le plus poignant, le plus dur, le plus véridique. Une nouvelle fois, l'auteur, dans sa quête de la dénonciation des exactions commises par son pays, le pays le plus riche au monde, le plus capitaliste mais le plus incapable de défendre la veuve et l'orphelin, balance le système et donne des solutions, notamment au niveau de la justice.
Sinon le style, l'écriture, la prosodie, les mots, la couleur, l'odeur et l'ambiance, c'est du Grisham. Rien à dire de plus, suivez mon regard...
4/5
B
Invité- Invité
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