[Banks, Russell] Continents à la dérive

par Invité Dim 29 Juil 2012 - 1:34

Détails sur le produit
Titre original "Continental Drifts"
Poche: 375 pages
Editeur : Actes Sud (23 mars 2000)
Collection : Babel

Présentation de l'éditeur
Un réparateur de chaudières dans une petite ville du New Hampshire abandonne son quotidien misérable et part en Floride avec sa famille, attiré par un nouvel avatar du rêve américain.

A plusieurs milliers de kilomètres de là, une jeune Haïtienne fuit la violence et la pauvreté de son pays natal pour rejoindre l’Amérique... de ses rêves.

Les deux destins finiront par se croiser dans cet ample roman sur l’errance et l’injustice dont Marc Chénetier (le traducteur) dit que « l’histoire y est, d’entrée, vue de très haut, à l’aune des temps géologiques et des mouvements climatiques ».

Mon opinion:
Voici l'histoire de Bob, un type ordinaire de l’Amérique moyenne des années 80 qui un jour pète un plomb en réalisant qu'il étouffe dans sa petite vie médiocre condamné à travailler, rembourser, consommer, baiser jusqu'à ce que la vieillesse puis la mort l'étouffent sans qu'il ait jamais vécu vraiment.
C'est l'histoire d'un type qui bazarde toute sa vie pour une autre, vivre ses rêves, devenir riche, se sentir enfin "adulte" et qui naviguera de mésaventure en désillusions, et de désillusions en catastrophes.
C'est aussi l'histoire parallèle de Vanise, Haitienne vivant dans une misère extrême qui va elle aussi tout quitter pour tenter une vie meilleure: l'émigration (incertaine) vers l'eldorado Américain
J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce livre. Cela m'a beaucoup troublé de me trouver tant de points communs avec le personnage principal et paradoxalement de le trouver aussi antipathique. Ce sentiment s'estompe au fil de la lecture du livre, le mépris a laissé la place pour ma part à un sentiment d'impuissance et de tristesse pour cet antihéros prisonnier d'un monde qu'il ne peut voir tel qu'il est car il fantasme un monde qui n'existe pas, dont le destin semble se resserrer sur lui de manière inexorable quelle que soit la direction vers laquelle il croit voir de la lumière.
Les chapitres de Vanise fournissent une diversion qui au début du livre semble totalement incongrue tant il y a peu de point commun entre Vanise, noire et femme, mère célibataire en Haïti et Bob. Le contraste est saisissant entre ces deux personnages vivant à des milliers de kilomètres l'un de l'autre. Tandis que l'une a un vie matériellement d'une difficulté extrême, une vie spirituelle riche centrée autour du culte des loas, l'autre ne vis que d'introspection, de nombrilisme, de souvenirs et de fantasmes, peu au prise avec une réalité qui, quand elle se rappelle à lui l'irrite comme un insecte tetu.
Malgré tout, leurs destins se suivront, se croiseront et on assiste au long du livre à cette dérive, imperceptible et imprévisible qui fera se rencontrer Bob et Vanise.
Même si j'ai eu autant de mal à lire ce livre que j'en ai aujourd'hui à en parler, je l'ai énormément apprécié. Il sont rares les livres qui me donnent accès avec autant de talent et de lucidité avec autant de vraisemblance à la voix intérieure d'une homme,mais aussi à la réalité de la condition des migrants haitien. On assiste, impuissants, aux déboires cruels, de Bob et de Vanise, désireux de participer à ce rêve américain mais qui sans cesse se verront nier leur droit d'exister dans cette société idéale, ramenés à leur statut de moins que rien.
Une claque...