[Oates, Joyce Carol] Zarbie les yeux verts
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[Oates, Joyce Carol] Zarbie les yeux verts
Traduit de l'américain par Diane MENARD
Editeur : Folio
1ère édition française : Editions Gallimard jeunesse, 2005
Nombre de pages : 296
Quatrième de couverture :
Francesca est appelée Frankie par ses amies mais se surnomme Zarbie les yeux verts, lorsque l’adolescente rebelle l’emporte sur la jeune fille sage. Elle habite à Seattle avec sa sœur Samantha et leur demi-frère Todd. Elle a tout pour être heureuse : une somptueuse maison, une mère artiste et attentive, un père riche et surtout célèbre, Reid Pierson, à qui elle voue une véritable vénération.
Mais les apparences sont parfois trompeuses. Franky sent bien que quelque chose ne va pas. De là à imaginer le drame qui se prépare sous son toit… Il faudra beaucoup de courage à Franky pour laisser Zarbie lui ouvrir les yeux sur la vérité.
Mon avis :
Joyce Carol Oates s’immisce dans l’intimité des foyers. Avec une grande acuité, elle fait tomber les masques, montre chacun sous son vrai jour, loin des sourires de façade et des faux-semblants. Le portrait du père, Reid Pierson, est particulièrement réussi. Ancienne gloire du football reconverti en commentateur sportif, devant les caméras, c’est un homme charmant, souriant, toujours le mot pour rire et à l’écoute de ses interlocuteurs. En privé, tantôt cajoleur, tantôt désapprobateur et blessant, avec lui on ne sait jamais sur quel pied danser. Il est d’humeur changeante, pouvant passer du calme plat à la colère la plus noire en moins d’une seconde. Ses enfants le craignent autant qu’ils l’admirent. Il ne supporte pas la contradiction. C’est lui qui prend les décisions, les autres doivent se plier à son bon vouloir, sous peine de représailles. C’est compter sans Krista, sa femme, qui en a assez de vivre dans son ombre. Elle souhaite désormais avoir plus d’indépendance, se réaliser en tant que femme et artiste et ne plus se contenter de n’être que la « femme du grand Reid Pierson ». Elle a des envies de liberté qui ne seront pas du goût de son mari. Et au milieu des disputes, des cris et des larmes, leurs deux filles, Samantha, la plus jeune et Franky, la narratrice. Elles prennent très vite fait et cause pour leur père, lequel les manipule et les monte contre leur mère. Pourtant, on voit bien que Franky n’est pas dupe mais elle fait l’autruche, n’a pas envie de voir la réalité en face et c’est parfois agaçant, on lui en veut mais on la comprend aussi : comment remettre en doute la parole de son père, comment le faire descendre de son piédestal ? Après tout, c’est son père et elle lui fait donc confiance. Heureusement, Zarbie veille dans l’ombre, note tout ce que Franky voudrait ignorer et va finalement lui ouvrir les yeux, faire tomber ses œillères. Le lecteur voit le drame se profiler à l’horizon, il le sent venir de loin, de très très loin mais ne peut rien faire pour l’empêcher. C’est frustrant, douloureux et révoltant. La tension monte et ne se relâche jamais, même une fois la dernière page tournée : une menace plane encore sur la tête des personnages et on termine notre lecture tout en sachant cela, on sait donc qu’ils ne sont pas tirés d’affaire et notre angoisse ne s’envole pas avec la fin du livre. On en ressort totalement éreinté, presque assommé et avec l’impression d’être passé au rouleau compresseur. Car tout comme Franky, l’auteur nous oblige à regarder une réalité bien noire, presque sans espoir, à affronter une vérité que l’on n’a pas forcément envie d’apprendre. Le sujet est grave et traité sans complaisance, sans aucune concession par l’auteur, comme dans tous ses livres mais celui-ci m’a touchée encore davantage que les précédents. De plus, l’ayant trouvé au rayon jeunesse, je m’attendais à une lecture plus facile, à quelque chose qui soit plus dans la veine d’Un endroit où se cacher, par exemple et pas à un sujet aussi dur. D’ailleurs pour moi, il n’a pas sa place dans un tel rayon ! Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé mais ça remue, ça bouscule, ça dérange et ça met mal à l’aise. C’est une lecture qui va me poursuivre et me travailler pendant longtemps encore...
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