[Coe, Jonathan] Le coeur de l'Angleterre

[Coe, Jonathan]
Le coeur de l’Angleterre
Editions Gallimard 22 août 2019
548 pages
Quatrième de couverture
Comment en est-on arrivé là ? C'est la question que se pose Jonathan Coe dans ce roman brillant qui chronique avec une ironie mordante l'histoire politique de l'Angleterre des années 2010. Du premier gouvernement de coalition en Grande-Bretagne aux émeutes de Londres en 2011, de la fièvre joyeuse et collective des jeux Olympiques de 2012 au couperet du référendum sur le Brexit, Le coeur de l'Angleterre explore avec humour et mélancolie les désillusions publiques et privées d'une nation en crise. Dans cette période trouble où les destins individuels et collectifs basculent, les membres de la famille Trotter reprennent du service. Benjamin a maintenant cinquante ans et s'engage dans une improbable carrière littéraire, sa soeur Lois voit ses anciens démons revenir la hanter, son vieux père Colin n'aspire qu'à voter en faveur d'une sortie de l'Europe et sa nièce Sophie se demande si le Brexit est une cause valable de divorce. Au fil de cette méditation douce-amère sur les relations humaines, la perte et le passage inexorable du temps, le chantre incontesté de l'Angleterre questionne avec malice les grandes sources de crispation contemporaines : le nationalisme, l'austérité, le politiquement correct et les identités. Dans la lignée de Bienvenue au club et du Cercle fermé, Le coeur de l'Angleterre est le remède tout trouvé à notre époque tourmentée.

Mon avis
Voici, de nouveau la famille Trotter au coeur des tourments d’une nation en pleine phase de rupture, Benjamin et sa sœur Lois se jurent d’entourer leur père Colin, car Sheila (mère et épouse) qui vient de décéder. Benjamin après avoir fantasmé un temps avec Cicely, vit maintenant seul dans un moulin à proximité du pays de Galles ou il s’imagine d’être enfin écrivain avec la sortie de son premier roman (Rose sans épine), il y a Chris qui continue à penser à son premier amour malgré le dévouement de son mari, leur fille Sophie est historienne, elle s’interroge sur la pertinence de son mariage avec Ian, si éloigné d’elle politiquement. Comme on peut le constater, tous, à l’instar de Benjamin qui s’interroge face à ce pays ou la xénophobie monte en flèche, ou les vétérans des clubs de golf se plaignent désormais du politiquement correct, ou David Cameron, en décidant d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Europe, a littéralement ouvert une boîte de Pandore, on croise Boris Johnson et d’autres. Jonathan Coe, parvient à convoquer le meilleur des deux mondes, car dans ce roman, l’intime est bien entendu politique mais aussi sacrément caustique, il faut dire que le romancier préfère toutefois imaginer les Trotter heureux. Car pourrait-il en être de même pour le Royaume-Uni à long terme, pourrait-on y croire alors que quelques années après le vote, l’idée du Brexit ne rend pas tout le monde heureux alors que si Boris Johson cherche à se positionner en sauveur de situation, la dernière page de l’Europe n’est toujours pas tournée. Ce roman bien écrit mais est aride à lire, bien que plonger au coeur de l’Angleterre des années 2010 est une aventure très instructive et riche en rappels précis de la vie politique de ce pays….

Editions Folio
608 pages
EAN 9782072922664

Présentation de l'éditeur

« L’Angleterre lui faisait l’effet d’un territoire calme et stable. D’un pays en bonne intelligence avec lui-même. Tout allait pour le mieux. »

En dix ans, l’Angleterre est passée de la liesse des jeux Olympiques au couperet du référendum sur le Brexit. Comment en est-on arrivé là ? Dans cette période trouble qui fait basculer les destins individuels et collectifs, la famille Trotter reprend du service. Benjamin a maintenant cinquante ans et s’engage dans une improbable carrière littéraire, sa sœur Lois voit ses anciens démons revenir la hanter, tandis que sa nièce Sophie s’interroge sur son mariage. La politique peut-elle être une cause valable de séparation ?
Après Bienvenue au club et Le Cercle fermé, Le cœur de l’Angleterre questionne avec une ironie mordante les grandes sources de crispation contemporaines.


Mon avis

Une réjouissante surprise ! Je voulais lire en version originale un auteur anglophone et suis tombée un peu par hasard sur Middle England qui m'a comblée. Heureusement pour moi, l'éditeur anglais ne mentionnait pas sur la quatrième de couverture que ce roman était le troisième tome d'une sorte de saga (j'aurais probablement renoncé à la commencer par le milieu). J'ai juste compris que cela parlerait du Brexit et de la façon dont il a pu être espéré et accueilli dans "l'Angleterre profonde".

Jonathan Coe, que je n'avais jamais lu, a un talent certain pour élaborer une galerie de personnages variés dont on suit les péripéties avec gourmandise. J'ai lu une critique qui l'accusait d'être biaisé et de réserver ses critiques les plus acerbes aux personnages ayant voté Leave plutôt que Remain (les pro-Brexit plutôt que les anti, donc), mais je ne suis pas tout à fait d'accord. Déjà, un certain nombre de personnages oscillent entre les deux camps plutôt que de défendre mordicus une position. Pour moi, seuls deux personnages sont quasi-indéfendables dans ce livre, deux femmes, dont l'une se revendique de droite pro-Brexit et l'autre de gauche progressiste. Tous les autres sont décrits avec beaucoup d'humour et de tendresse, même dans leurs pires travers, et c'est ce qui m'a beaucoup plu.

Le livre s'ouvre au début de la décennie précédente. Alors que les préparatifs pour les JO de Londres battent leur plein, la police londonienne abat en août 2011 un homme noir non armé. S'ensuivent plusieurs jours d'émeutes lors desquels de jeunes gens, principalement racisés et issus de quartiers défavorisés, s'en prennent au mobilier urbain, pillent des boutiques et menacent de saboter les Jeux Olympiques si leurs revendications ne sont pas entendues. Lire ce passage en France en 2023 était une aubaine, tant le contexte est similaire : les émeutes et les JO bien sûr, mais aussi les paniques morales relayées et exploitées à leurs fins par les propriétaires extrémistes de journaux sensationnalistes. Je pense que c'est vraiment le moment rêvé de lire ou relire ce livre et de réaliser dans quels rouages nous sommes engagés, ici et maintenant, comme les personnages de Jonathan Coe il y a douze ans. Ne vous laissez pas intimider par la longueur du roman : c'est un feuilleton dans le bon sens du terme, il se lit tout seul !