[Morrison, Toni] Beloved
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[Morrison, Toni] Beloved
Titre : Beloved
Auteur : Toni MORRISON
Traductrices : Hortense CHABRIER et Sylviane RUE
Parution : en anglais en 1987 (Etats-Unis), en français en 1989 (Christian Bourgois), réédité en 2008 (10/18)
Pages : 378
Présentation de l'éditeur :
Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l'Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures. L'histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l'une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meubles volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s'alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l'empreinte inquiétante d'une petite main de bébé. Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d'amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d'être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n'ont jamais cessé d'être hantés par la petite fille. L'arrivée d'une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d'un infanticide tragique, l'occasion d'exorciser son passé. Inspirée par une histoire vraie, renforcée par ses résonances de tragédie grecque, cette oeuvre au lyrisme flamboyant est l'histoire d'un destin personnel et d'un passé collectif. Hymne à l'amour et à la maternité, roman de la faute, de la difficulté du pardon comme du deuil, de la rédemption par l'oubli, Beloved fut récompensé par le prix Pulitzer en 1988.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Toni Morrison est née en 1931 à Lorain (Ohio) dans une famille ouvrière de quatre enfants. Après des études de lettres et une thèse sur le thème du suicide dans l’œuvre de William Faulkner et de Virginia Woolf, elle fait une carrière de professeur aux universités de Texas Southern, Howard, Yale et Princeton. Après avoir travaillé comme éditrice chez Random House, elle obtient en 1988 le prix Pulitzer avec Beloved. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 1993. Même une fois retraitée de l’université, Toni Morrison a toujours eu le souci de s’entourer d’artistes contemporains – musiciens, plasticiens, metteurs en scène – avec qui elle a régulièrement collaboré. En septembre 2011, elle a ainsi présenté l’adaptation de son Desdemona par Peter Sellars au théâtre des Amandiers de Nanterre. Elle a été l’invitée d’honneur du festival America de Vincennes en 2012. Elle est décédée le 5 août 2019 à l’âge de 88 ans.
Avis :
1873, Cincinnati dans l’Ohio. Sethe vit avec sa fille, Denver, dans une maison habitée par un fantôme malveillant. Cela fait dix-huit ans, l’âge de Denver, que les deux femmes se sont installées en ces lieux, depuis que Sethe, alors enceinte, a réussi à fuir la plantation où elle était esclave. En 1855, elle avait fini par rejoindre sa belle-mère, rachetée par son fils, et ses trois autres enfants, également évadés, dans cette maison située en « zone libre ». Retrouvée par les fermiers blancs, Sethe avait alors commis l’irréparable : pour lui éviter l’asservissement, elle avait égorgé une de ses filles, Denver et ses deux frères échappant de peu au massacre. Un jour, se présente chez Sethe et Denver une jeune fille dont le prénom Beloved correspond à la seule inscription figurant sur la tombe de l’enfant tuée…
Couronné par le prix Pulitzer en 1988, adapté au cinéma, ce roman est considéré comme l’une des meilleures œuvres de fiction américaine. Son histoire est inspirée d’un personnage et de faits réels. A partir de l’acte désespéré d’une femme, devenue infanticide pour épargner l’esclavage à sa fille, Toni Morrison a créé un récit littéralement habité par l’ombre de toutes les victimes de la traite négrière. Au travers du fantôme qui vient hanter Sethe, et tout au long des retours dans le passé éclairant les conditions de vie de cette femme et des siens, se dessine peu à peu la réalité crue de l’esclavage aux Etats-Unis, ainsi que les profonds traumatismes que son abolition n’a pas estompés. Traités comme du bétail juste bon au travail et à la reproduction, privés de vie affective et familiale, ces êtres niés dans leur humanité ne se sont pas retrouvés libres par la simple fin de l’esclavage. Alors que, par ailleurs, la chasse aux noirs, les meurtres et les persécutions n’étaient pas prêts de disparaître, restait encore à tous les anciens esclaves à se réapproprier « la propriété de ce moi libéré », et à parvenir à vivre avec les terribles fantômes d’un passé qui n’en finissait pas de les torturer.
Procédant par de curieux bonds et détours au gré de la résurgence tronquée et déformée des souvenirs de Sethe, laissant au lecteur le soin de reconstituer la réalité présente et passée au travers des perceptions, des croyances et des émotions des personnages, le récit tout en ellipses et non-dits repose sur une construction et un style souvent déconcertants par ce qu’ils semblent comporter de désordre et d’irrationalité. Tourbillon tumultueux où le fantastique gothique reflète l’état de confusion d’une Sethe en train de glisser dans la folie, le texte exige du lecteur qu’il devine lui-même l’au-delà des représentations dans lesquelles les personnages se retrouvent englués.
Le résultat de cette écriture singulière et exigeante est un puissant cri de douleur, où résonnent toute la violence et l’aliénation à jamais gravées par l’esclavage dans la construction de l’identité noire américaine. Un classique de la littérature, qui mérite largement l’effort d’une lecture souvent désarçonnante. (4/5)
Re: [Morrison, Toni] Beloved
Merci Cannetille pour ta critique bouleversante
louloute- Grand sage du forum
-
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Re: [Morrison, Toni] Beloved
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jakuta Alikavazovic
Éditions : Christian Bourgois (19 Octobre 2023)
Mon avis
Toni Morrison a obtenu le prix Pulitzer avec ce roman. Elle a été prix Nobel de littérature en 1993. Elle est décédée en 2019.
Beloved est paru en 1987. Une nouvelle traduction vient d’être faite par Jakuta Alikavazovic (merci à elle) et lorsqu’on lit la postface qu’elle a rédigée, on sait qu’elle a voulu donner à ce roman, toute sa force, toute sa vitalité, tout ce que Toni Morrison voulait faire vivre. Ce récit est inspiré de l’histoire vraie d’une ancienne esclave : Margaret Garner.
La première fois que j’ai lu Toni Morrison avec « Un don », j’avais écrit : La narration désarçonne, déconcerte, perturbe dans un premier temps et puis l’écriture envoutante de l’auteur nous emporte, nous submerge, nous transporte …. Je réitère car le ressenti à est le même. Il faut prendre le temps de lire, de laisser les personnages, les différentes voix, s’exprimer et les écouter.
Tout se déroule sur une vingtaine d’années, entre 1855 et 1873 dans l’Ohio. Mais rien n’est linéaire, les analepses sont légion. Elles nous éclairent sur le passé, le vécu douloureux de chacun. Rien n’indique ces retours en arrière, c’est au lecteur d’être vigilant pour que tous puissent lui parler, lui murmurer ou lui crier leur douleur, leur peur, leur haine, leurs espoirs …..
Beloved, Bien Aimée, c’est le seul mot qui a été inscrit sur la tombe de la fille de Sethe. Elle a choisi de la tuer pour qu’elle ne subisse pas, comme elle, l’esclavage. Mais la culpabilité ne la quittera pas et rejaillira sur ses autres enfants. Comment vivre avec ce choix atroce ? Dans la maison où elle habite, au 124, un fantôme sembler être présent. « Le 124 était malveillant. ». Et puis, un jour, une jeune femme débarque, elle dit s’appeler Beloved… Cette inconnue est-elle là pour mener Sethe vers la rédemption ?
Le texte parle des esclaves, de ceux qui ont été affranchis ou pas, des difficultés de vivre avec les remords. La maternité et le rôle des parents sont évoqués. Sethe est émouvante. Elle a tué par amour mais son geste la hante, elle pourrait sombrer dans la folie. Il faut resserrer les rangs autour d’elle.
Le style est atypique, parfois des phrases sans verbe, des mots qui se suivent sans ponctuation, des lignes comme un poème. C’est beau et bouleversant, empli de sensibilité. On avance, on recule, on change de protagonistes, ce n’est pas aisé à suivre mais c’est intéressant de combler les blancs, de reconstruire les événements, de se faire une idée globale avant de découvrir la suite et avoir tous les éléments. Il faut faire avec les souvenirs, qui peuvent être déformés …
J’ai eu le sentiment d’un cri tout au long de ma lecture. Toni Morrison s’attache à nous faire comprendre qu’au-delà des faits décrits, il y a aussi ceux qui sont tus, cachés, voire oubliés. Elle réhabilite ces hommes et ces femmes, victimes de l’esclavage, elle leur donne vie, elle leur donne la parole à travers ceux qui peuplent son roman. L’histoire ne s’arrête pas à ce qu’on découvre, elle est sous-jacente, les messages de l’auteur sont forts et nous ouvrent les yeux sur une période de l’histoire des Etats-Unis peu reluisante …
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Cassiopée- Admin
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Re: [Morrison, Toni] Beloved
Vos avis me "rassurent" car j'ai commencé cette lecture en décembre mais impossible pour moi de la lire d'un coup, j'ai le ventre noué à chaque page... J'espère le finir cette année
Elo- Grand sage du forum
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