[Duke, Paul] Sous le sol de coton noir
2 participants
Page 1 sur 1
Votre avis
[Duke, Paul] Sous le sol de coton noir
Titre ; Sous le sol de coton noir
Auteur : Paul Duke
éditeur :édition du Rocher
Nombre de pages : 296 pages
Présentation de l’éditeur :
Après une mission au Soudan du Sud qui tourne mal, le narrateur, ex-salarié d’une ONG humanitaire, se terre en Normandie, traumatisé. Jusqu’au jour où il retrouve le téléphone d’Arthur, un photographe qui l’avait accompagné à Malakal, tué dans des circonstances mystérieuses.
Il se replonge alors dans ce passé trouble qu’il voulait oublier lorsqu’il était au cœur des bombardements, dans une base des Nations Unies, près d’un camp de population shilluk. Trente mille personnes y vivaient dans la peur, la misère, mourant de faim, quand elles n’étaient pas massacrées par les troupes gouvernementales du SPLA (Sudan People’s Liberation Army), occupées à extraire le pétrole de ce sol de coton noir.
Mon avis :
Comme un retour en arrière sur des événements douloureux, sur la terre argileuse surnommée Black Cotton soil à cause de sa texture et de sa couleur.
L’on dit toujours qu’il faut aller de l’avant. Mais là, il ne peut pas. Il a beau séjourner dans sa maison d’enfance, au coeur de la Normandie, les événements qui se sont passés un an plus tôt lui sont restés sur le coeur du narrateur. Arthur, le photographe qui l’accompagnait en mission, a été tué, et non, pour le narrateur, ce n’était pas un accident. Il semble le seul à vouloir faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. Est-ce vraiment souhaitable ? Est-ce vraiment possible ?
Au cours de ce récit, j’ai rencontré des personnes qui ne sont pas ce qu’elles paraissent être, des personnes qui cultivent presque le fait d’avoir deux visages, cloisonnant chaque partie de leur vie, faisant comme si l’une et l’autre ne pouvaient s’influencer, comme si aussi certains actes pouvaient être commis en toute impunité. L’on ne parle quasiment pas du Soudan du Sud, de ce qui s’y passe ou de ce qui s’est passé aux actualités. Parce que c’est trop loin ? Parce que l’on a trop d’intérêts là-bas pour en parler ? Parce que les journaliste ne peuvent pas y faire leur travail ? Ce serait une piste aussi. Les ONG peinent déjà à y mener à bien leurs missions, elles semblent ne pas avoir besoin de journalistes qui cherchent la belle image, le scoop, au détriment des personnes qui tentent de vivre là-bas, et qui seront encore là quand eux seront repartis. C’est un vrai questionnement à avoir – surtout quand les états ferment les yeux sur ce qui se passent.
Oui, ce roman m’a beaucoup questionné, y compris quand j’ai vu tous ces jeunes couples qui mènent une vie « de notre temps », avec des vies sentimentales et sexuelles presque dignes d’une romance contemporaine, et se retrouvent confrontés sur le terrain aux pires horreurs. Clotilde et Mathieu ont eu une fille – après leur retour. La fille de Jacques dit « le Vieux » a voulu un destin à l’opposé de celui de son père – une maison, un mari, des enfants. Quant au narrateur, peut-être trouvera-t-il l’apaisement à la fin. Peut-être. J’en doute.
Auteur : Paul Duke
éditeur :édition du Rocher
Nombre de pages : 296 pages
Présentation de l’éditeur :
Après une mission au Soudan du Sud qui tourne mal, le narrateur, ex-salarié d’une ONG humanitaire, se terre en Normandie, traumatisé. Jusqu’au jour où il retrouve le téléphone d’Arthur, un photographe qui l’avait accompagné à Malakal, tué dans des circonstances mystérieuses.
Il se replonge alors dans ce passé trouble qu’il voulait oublier lorsqu’il était au cœur des bombardements, dans une base des Nations Unies, près d’un camp de population shilluk. Trente mille personnes y vivaient dans la peur, la misère, mourant de faim, quand elles n’étaient pas massacrées par les troupes gouvernementales du SPLA (Sudan People’s Liberation Army), occupées à extraire le pétrole de ce sol de coton noir.
Mon avis :
Comme un retour en arrière sur des événements douloureux, sur la terre argileuse surnommée Black Cotton soil à cause de sa texture et de sa couleur.
L’on dit toujours qu’il faut aller de l’avant. Mais là, il ne peut pas. Il a beau séjourner dans sa maison d’enfance, au coeur de la Normandie, les événements qui se sont passés un an plus tôt lui sont restés sur le coeur du narrateur. Arthur, le photographe qui l’accompagnait en mission, a été tué, et non, pour le narrateur, ce n’était pas un accident. Il semble le seul à vouloir faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. Est-ce vraiment souhaitable ? Est-ce vraiment possible ?
Au cours de ce récit, j’ai rencontré des personnes qui ne sont pas ce qu’elles paraissent être, des personnes qui cultivent presque le fait d’avoir deux visages, cloisonnant chaque partie de leur vie, faisant comme si l’une et l’autre ne pouvaient s’influencer, comme si aussi certains actes pouvaient être commis en toute impunité. L’on ne parle quasiment pas du Soudan du Sud, de ce qui s’y passe ou de ce qui s’est passé aux actualités. Parce que c’est trop loin ? Parce que l’on a trop d’intérêts là-bas pour en parler ? Parce que les journaliste ne peuvent pas y faire leur travail ? Ce serait une piste aussi. Les ONG peinent déjà à y mener à bien leurs missions, elles semblent ne pas avoir besoin de journalistes qui cherchent la belle image, le scoop, au détriment des personnes qui tentent de vivre là-bas, et qui seront encore là quand eux seront repartis. C’est un vrai questionnement à avoir – surtout quand les états ferment les yeux sur ce qui se passent.
Oui, ce roman m’a beaucoup questionné, y compris quand j’ai vu tous ces jeunes couples qui mènent une vie « de notre temps », avec des vies sentimentales et sexuelles presque dignes d’une romance contemporaine, et se retrouvent confrontés sur le terrain aux pires horreurs. Clotilde et Mathieu ont eu une fille – après leur retour. La fille de Jacques dit « le Vieux » a voulu un destin à l’opposé de celui de son père – une maison, un mari, des enfants. Quant au narrateur, peut-être trouvera-t-il l’apaisement à la fin. Peut-être. J’en doute.
Sharon- Modérateur
-
Nombre de messages : 13263
Age : 46
Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Duke, Paul] Sous le sol de coton noir
Cela fait un an que, traumatisé par une mission au Soudan du Sud qui a viré au drame, le narrateur a démissionné de l’ONG humanitaire qui l’employait. Déterminé à comprendre enfin la vérité sur ce qu’on avait alors fait passer pour un accident, il entreprend de réexaminer à la loupe le déroulement des événements qui ont conduit à la mort, dans de troubles circonstances, du photographe de presse qui travaillait là-bas à ses côtés.
Après un demi-siècle de guerre civile quasi continue depuis l’indépendance du pays en 1956, le Soudan se divisait en deux états en 2011, coupant le Nord et ses raffineries, de l’essentiel des réserves pétrolières localisées dans le Sud sécessionniste. Aux dissensions ethniques s’ajoutait ainsi une déchirure économique, impactant drastiquement les revenus du Nord et de son ethnie majoritaire des Dinkas : autant d’huile jetée sur un brasier qui ne demandait qu’à repartir, pendant qu'au Sud, Président et Vice-président commençaient à s’empoigner par coup d’État interposé.… Les combats reprenaient dès 2013, l’armée sud-soudanaise bien décidée à sécuriser les champs de pétrole contre les forces rebelles, au passage prétexte tout trouvé, ni vu ni connu, pour une épuration ethnique. Rapidement dénoncés par les observateurs de l’ONU, des massacres de civils touchaient particulièrement la ville stratégique de Malakal et l’ethnie des Shilluk. C’est là que l’on retrouve notre narrateur, envoyé au secours d’un camp de réfugiés encadré par différentes ONG. Ce camp n’est que l’un de ceux où s’entassent aujourd’hui un total de plusieurs centaines de milliers de déplacés sud-soudanais, plus de deux millions d’entre eux ayant dû fuir la guerre civile et ce qui a été qualifié de crimes contre l’humanité.
Fort de ses dix ans d’expérience sur le terrain de l’humanitaire au service de différentes ONG, notamment au Soudan du Sud, l’auteur sait de quoi il parle. Ses personnages se retrouvent confrontés, tout comme lui l’a manifestement été, à une situation catastrophique dont ils essaient de pallier comme ils peuvent les conséquences : peur, misère, famine et épidémies, mais aussi bombardements, continuent à décimer des réfugiés entassés dans les pires conditions, matérialisées de manière frappante par la poussière et la boue, spectaculairement noires et envahissantes, évoquées par le titre. Mais l’insupportable ne se limite pas pour eux au terrible drame humain auquel leurs équipes tentent tant bien que mal d’apporter quelque soulagement. Pour travailler, les organisations humanitaires ne peuvent se passer de la caution des gouvernements locaux, responsables ou pas des exactions commises. Les compromis nécessaires les amènent ainsi à collaborer d’une main, pour pouvoir secourir de l’autre. Tenues, sous peine d’expulsion, à une certaine discrétion et donc à une forme de complicité pouvant inclure divers arrangements, notamment financiers, elles se retrouvent à panser les effets sans pouvoir traiter les causes, louvoyant en haut lieu dans de troubles eaux politiques pour mieux s’incruster sur le terrain opérationnel. Vues de leur fenêtre, la presse et les flambées médiatiques, suscitées par quelques images choc, ne font le plus souvent que les placer en porte-à-faux…
C’est avec une sombre lucidité que l’auteur nous expose ce qui fait le véritable propos de ce roman : la schizophrénie des ONG humanitaires, prisonnières d’une ambiguïté qui touche d’ailleurs jusqu’à leur raison d’être. Car, si pour elles, dénoncer comporte le risque de se faire éjecter du terrain, résoudre signifie aussi, à l’extrême limite, perdre à terme toute finalité. La réflexion amèrement menée par le narrateur lui fait prendre conscience de maints conflits d’intérêts, potentiellement à l’origine du drame qui l’a tant touché. D’abord envahi par la colère et la révolte, il évolue peu à peu vers une compréhension désabusée d’enjeux rien moins que simples.
Aussi sombre que la boue noire où s’engluent ses personnages, ce récit aux allures de thriller est, au travers de la situation méconnue du Soudan du Sud, une occasion particulièrement éclairante de découvrir, avec acuité et nuances, les dessous et les enjeux, bien plus complexes qu’ils n’en ont l’air, des organisations humanitaires. Une lecture mémorable et un premier roman très réussi. (4/5)
Après un demi-siècle de guerre civile quasi continue depuis l’indépendance du pays en 1956, le Soudan se divisait en deux états en 2011, coupant le Nord et ses raffineries, de l’essentiel des réserves pétrolières localisées dans le Sud sécessionniste. Aux dissensions ethniques s’ajoutait ainsi une déchirure économique, impactant drastiquement les revenus du Nord et de son ethnie majoritaire des Dinkas : autant d’huile jetée sur un brasier qui ne demandait qu’à repartir, pendant qu'au Sud, Président et Vice-président commençaient à s’empoigner par coup d’État interposé.… Les combats reprenaient dès 2013, l’armée sud-soudanaise bien décidée à sécuriser les champs de pétrole contre les forces rebelles, au passage prétexte tout trouvé, ni vu ni connu, pour une épuration ethnique. Rapidement dénoncés par les observateurs de l’ONU, des massacres de civils touchaient particulièrement la ville stratégique de Malakal et l’ethnie des Shilluk. C’est là que l’on retrouve notre narrateur, envoyé au secours d’un camp de réfugiés encadré par différentes ONG. Ce camp n’est que l’un de ceux où s’entassent aujourd’hui un total de plusieurs centaines de milliers de déplacés sud-soudanais, plus de deux millions d’entre eux ayant dû fuir la guerre civile et ce qui a été qualifié de crimes contre l’humanité.
Fort de ses dix ans d’expérience sur le terrain de l’humanitaire au service de différentes ONG, notamment au Soudan du Sud, l’auteur sait de quoi il parle. Ses personnages se retrouvent confrontés, tout comme lui l’a manifestement été, à une situation catastrophique dont ils essaient de pallier comme ils peuvent les conséquences : peur, misère, famine et épidémies, mais aussi bombardements, continuent à décimer des réfugiés entassés dans les pires conditions, matérialisées de manière frappante par la poussière et la boue, spectaculairement noires et envahissantes, évoquées par le titre. Mais l’insupportable ne se limite pas pour eux au terrible drame humain auquel leurs équipes tentent tant bien que mal d’apporter quelque soulagement. Pour travailler, les organisations humanitaires ne peuvent se passer de la caution des gouvernements locaux, responsables ou pas des exactions commises. Les compromis nécessaires les amènent ainsi à collaborer d’une main, pour pouvoir secourir de l’autre. Tenues, sous peine d’expulsion, à une certaine discrétion et donc à une forme de complicité pouvant inclure divers arrangements, notamment financiers, elles se retrouvent à panser les effets sans pouvoir traiter les causes, louvoyant en haut lieu dans de troubles eaux politiques pour mieux s’incruster sur le terrain opérationnel. Vues de leur fenêtre, la presse et les flambées médiatiques, suscitées par quelques images choc, ne font le plus souvent que les placer en porte-à-faux…
C’est avec une sombre lucidité que l’auteur nous expose ce qui fait le véritable propos de ce roman : la schizophrénie des ONG humanitaires, prisonnières d’une ambiguïté qui touche d’ailleurs jusqu’à leur raison d’être. Car, si pour elles, dénoncer comporte le risque de se faire éjecter du terrain, résoudre signifie aussi, à l’extrême limite, perdre à terme toute finalité. La réflexion amèrement menée par le narrateur lui fait prendre conscience de maints conflits d’intérêts, potentiellement à l’origine du drame qui l’a tant touché. D’abord envahi par la colère et la révolte, il évolue peu à peu vers une compréhension désabusée d’enjeux rien moins que simples.
Aussi sombre que la boue noire où s’engluent ses personnages, ce récit aux allures de thriller est, au travers de la situation méconnue du Soudan du Sud, une occasion particulièrement éclairante de découvrir, avec acuité et nuances, les dessous et les enjeux, bien plus complexes qu’ils n’en ont l’air, des organisations humanitaires. Une lecture mémorable et un premier roman très réussi. (4/5)
Sujets similaires
» [Epperson, Tom] L.A. Noir
» [Joséphine, Régine] Coton blues
» [Orsenna, Erik] Petit précis de mondialisation - Tome 1: Voyage aux pays du coton
» [Koz] Noir
» [Rankin, Ian] Le carnet noir
» [Joséphine, Régine] Coton blues
» [Orsenna, Erik] Petit précis de mondialisation - Tome 1: Voyage aux pays du coton
» [Koz] Noir
» [Rankin, Ian] Le carnet noir
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum