[Franzobel] Toute une expédition : La vie héroïque du conquistador qui rêvait de gloire et de Califo
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[Franzobel] Toute une expédition : La vie héroïque du conquistador qui rêvait de gloire et de Califo
Titre : Toute une expédition (Die Eroberung Amerikas)
Auteur : FRANZOBEL
Traduction : Olivier MANNONI
Parution : en allemand (Autriche) en 2021, en français (Flammarion) en 2022
Pages : 560
Présentation de l'éditeur :
1537. Le conquistador Ferdinand Desoto obtient la direction de la prochaine expédition en Amérique, qui lui apportera, comme à ses guerriers, richesse et gloire. Mais rien n’est joué !
Las, nos cupides chasseurs d’or et de perles, tout droit sortis d’un tableau de Goya, sont attendus par des Indiens dont les habitudes carnassières ne feront pas toujours leur affaire…
De sa plume soigneusement aiguisée, Franzobel raconte la colonisation espagnole du xvie siècle dans une traversée de l’Amérique aussi pathétique qu’hilarante. Frayant hors des sentiers politiquement corrects et jouant avec la conscience troublée de l’homme occidental, il livre une réflexion morale sur notre époque dans un roman d’aventures inoubliable.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Franzobel, de son vrai nom Stefan Griebl, né en 1967, est l'un des écrivains les plus populaires et controversés d'Autriche. Dramaturge, poète et plasticien, il est l'auteur en français de la pièce Kafka, comédie (publiée aux solitaires intempestifs). Couronné du prix Nicolas Born, son roman sur le naufrage de La Méduse fut l'un des trois derniers ouvrages en lice pour le Deutscher Buchpreis (Prix du livre allemand) 2017.
Avis :
En 1537, le conquistador Ferdinand Desoto prend la tête de la plus importante des premières expéditions coloniales espagnoles. Persuadé d’y trouver un eldorado, il débarque en Floride et poursuit toujours plus loin à travers le Sud-Est des Etats-Unis actuels, obstinément en quête d’or et de perles.
Cinq ans plus tard ne reviendront même pas la moitié des quelque huit cents expéditionnaires, exténués, sans or ni richesses, et sans avoir établi la moindre colonie. Désastre à leurs propres yeux, leur aventure conservera à l’époque une réputation donquichottesque. Personne n’en mesure alors les principaux impacts : quelques chevaux et porcs restés sur place qui prolifèreront, les premiers à l'origine des mustangs de l’ouest de l’Amérique du Nord, les seconds d'épidémies qui décimeront les peuples autochtones ; l’amélioration des connaissances géographiques, ethniques et naturalistes des Européens, avec notamment les premières mentions à l’existence du Mississippi ; la montée en puissance des revendications espagnoles sur de larges territoires en Amérique du Nord, essentiellement en Floride et sur la côte du Pacifique : l’inégale bataille entre colons et Amérindiens est déjà irrémédiablement enclenchée.
Construit sur une documentation solide, ce livre ne se résume pas à un seul roman historique. Exploitant à outrance l’image de Don Quichotte laissée par Desoto, l’auteur a choisi le parti-pris de l’ironie pour souligner l’absurde et délétère cupidité qui gouverne le rapport au monde de l’homme occidental. Sous sa plume goguenarde, les aventures conquérantes de ces troupes expéditionnaires tournent sans mal à la bouffonnerie, lorsque la narration met l’accent sur la stupide obsession d’enrichissement facile d’un ramassis de réprouvés, de bandits et de laissés-pour-compte, croyant dur comme fer au pays de cocagne et à leur bon droit de saccage, d’appropriation et de réduction en esclavage, au nom grotesquement brandi du Christ et de leur supériorité civilisée. Si cette pantalonnade résonne sinistrement, ce n’est pas seulement parce qu’elle s’assortit d’une vague d’agressions meurtrières, mais aussi parce qu’en superposant cette amorce de colonisation et les traits les plus piteusement caractéristiques du mode de vie américain moderne, le récit opère une mise en perspective débouchant sur un terrible constat : la généralisation d’une absurdité prédatrice, qui, non contente d’avoir très sauvagement détruit les autres formes de rapport au monde, poursuit imperturbablement sur sa lancée la destruction de la planète entière.
Récit historique donc, mais aussi satire et diatribe morale menant à la question de la réparation aux peuples amérindiens, ce livre, que, de l’aveu de l’auteur, l’intervention de son éditeur a empêché de devenir fleuve, pourra pourtant encore sembler trop long et fastidieux. Solidement construit et étayé, mais volontiers provocateur au gré de ses débordements loufoques et de son humour grinçant, nul doute qu’il a de quoi entretenir le clivage autour de cet écrivain célèbre et controversé qu’est Franzobel en Autriche. (2,5/5)
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