[Chevelev, Mikhaïl] Le numéro un
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[Chevelev, Mikhaïl] Le numéro un
Titre : Le numéro un (Ot Pervogo Litsa)
Auteur : Mikhaïl CHEVELEV
Traduction : Christine ZEYTOUNIAN-BELOUS
Parution : en russe en 2018, en français (Gallimard) en 2023
Pages : 176
Présentation de l'éditeur :
En 1984, Vladimir est convoqué dans les bureaux de la police soviétique pour une banale affaire de marché noir. Il pensait en ressortir quelques minutes plus tard, son amende acquittée, mais c’était compter sans les mystérieuses méthodes du KGB. Quelques années plus tard, cette affaire qu’il croit derrière lui le rattrape de façon inattendue, bouleversant sa vie à jamais.
Vladimir n’est pourtant pas au bout de ses surprises. En 2018, il est contacté par un certain David Kapovitch, New-Yorkais d’origine russe. La ressemblance entre les deux hommes est troublante. Pourraient-ils avoir un lien de parenté ? Leurs destins vont en tout cas se mêler, pour le meilleur comme pour le pire.
Empruntant aux codes du thriller, Le numéro un tend un redoutable miroir à la société russe contemporaine qui n’a rien à envier à celle de l’ère soviétique. Le nouveau roman de Mikhaïl Chevelev mêle enquête politique et interrogation sur la filiation, tenant en haleine jusqu’à la toute dernière page.
Un mot sur l'auteur :
Né en 1959, Mikhaïl Shevelev est un journaliste d'opposition connu en Russie. Son premier roman Une suite d'événements est paru en France en 2021.
Avis :
De l’Union Soviétique à la Russie contemporaine, il peut suffire de pas grand-chose pour se retrouver piégé ad vitam aeternam. Arrêté dans les années quatre-vingts pour une banale affaire de marché noir, Vladimir Lvovitch doit signer, en échange de ce qu’il croit sa tranquillité et celle de sa famille, des papiers à première vue inoffensifs, mais qui, l’inféodant au KGB, vont, bien des années plus tard, bouleverser sa vie et le séparer des siens. Puis, prouvant qu’on n’en est jamais quitte avec lui, le passé ressurgira à nouveau brutalement en 2018, cette fois sous les traits étrangement semblables aux siens d’un Américain d’origine russe, David Kapovitch…
Vladimir est encore étudiant quand sombre l’État soviétique, ouvrant frontières et accès à la littérature, mais sapant emplois publics et ressources des citoyens lambda alors que les prix flambent et rendent plus que jamais inaccessibles les biens de consommation pourtant désormais disponibles dans les commerces. Les bonnes vieilles ficelles du marché noir ne suffisant plus, le jeune homme décide de rejoindre les rangs de ces nouveaux hommes d’affaires, sautés à bord du train à grande vitesse de l’enrichissement à tout crin. Le voilà embauché par relation par « la première banque privée du pays à avoir obtenu le droit d’effectuer des opérations en devises », autrement dit par une institution financière rendue très vite florissante par sa spécialité du blanchiment d’argent.
Prompt à s’adapter à son nouveau milieu sans trop se poser de questions, notre homme ne tarde pas à mener grand train lui aussi, le luxe et la façade de respectabilité de son employeur lui permettant bientôt de se croire membre à part entière du très libre establishment du monde international de la finance. C’est alors que le pouvoir politique russe se décide à tirer sur la laisse nouée si longtemps auparavant, qu’à tort Vladimir avait fini par croire aux oubliettes. Le stagiaire du KGB qui, dans une autre vie, lui avait extorqué la signature d’un banal formulaire, est entre-temps devenu le redoutable Numéro Un, bien décidé à tenir dans sa main, par la peur et par tous les moyens s’il le faut, ces oligarques et ces hommes d’affaires que leur fortune si expertement mise à l’abri à l’étranger risquerait de rendre trop indépendants et sûrs d’eux.
Prenant l’allure d’un thriller aux rebondissements échevelés où Vladimir doit défendre sa peau et celle des siens face aux intimidations et aux manigances d’un pouvoir sans limite jouant sur la peur pour asseoir son contrôle, le récit aux phrases sèches et percutantes nous confronte sans ménagement aux réalités d’une société russe contemporaine toute autant construite sur la terreur et la brutalité qu’à l’époque soviétique. C’est efficace et édifiant, pour ne pas dire glaçant, mais aussi terriblement addictif et superbement caustique. (4/5)
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