[Arbol, Victor (del)] Le fils du père

ACTES SUD (06/09/2023)
EAN : 9782330181215
368 pages

Lu en espagnol (El hijo del padre)

Résumé de l’éditeur :
Des soubresauts de la guerre civile dans un village d’Estrémadure aux plaines gelées de Sibérie, de la légion étrangère dans le Sahara oriental aux amphis de la fac de Lettres de Barcelone, trois générations d’hommes maudits traversent le XXème siècle unis par les liens du sang, de l’infamie et de la mort.

Mon avis :
Voici un résumé bien court pour un roman aussi dense.
Diego Martín est un professeur d'université autodidacte respectable. Fils d'émigrés venant d’Extrémadure et d’Andalousie et arrivés à Barcelone dans les années 1950, il estime avoir rompu avec ses racines pour une vie totalement éloignée de celle à laquelle il semblait prédestiné. Mais le passé est toujours là et l'ombre de son père continue à peser de plus en plus lourdement sur ses épaules. Peut-être la malédiction qui pèse sur les hommes de la famille, dont son grand-père lui parlait enfant et l'affrontement ancestral avec les Patriota, grands propriétaires terriens du village d'où ils viennent, sont encore plus vivants qu'il ne le pense et peut-être est-il en train de devenir lui-même ce qu'il déteste tant. Le déclencheur sera Martin Pearce, l'infirmier en charge de sa sœur Liria, résidant dans un centre psychiatrique depuis des années. Martin, derrière son apparence attrayante et son caractère attentionné et affable, cache un côté noir.

Le passé et la mémoire sont les grands thèmes d'un roman intense et déchirant qui retrace l'histoire de la famille Martín sur plusieurs générations, tout en faisant un tour dans l'histoire espagnole du XXe siècle et de ses grands jalons à travers différents fils temporels. Ce sera avec son grand-père Simon que nous vivrons la guerre civile et son passage dans la Division Bleue ayant participé notamment à la campagne de Russie aux côtés des forces allemandes ; avec son père, nous voyagerons au Sahara oriental au sein de la Légion Etrangère pour revenir à Barcelone où nous plongerons dans le phénomène de l'immigration interne des années cinquante-soixante et la vie dans les quartiers périphériques d'une grande ville. Jusqu'à ce que nous arrivions aujourd'hui où Diego Martín représente la réussite sociale de ceux qui ont su profiter des opportunités et se sont fait une place.

À travers deux narrateurs, Diego lui-même à la première personne qui nous raconte sa vision de l'histoire, et un narrateur omniscient qui nous propose cette même histoire à travers des faits objectifs, Victor del Arbol nous sert une intrigue troublante habitée par des personnages brisés et une culpabilité déchirante. Un roman choral avec lequel il dresse un portrait générationnel et où il nous parle du renoncement aux racines qui seront toujours là car, même si l'on essaie de cacher ses traumatismes, on ne peut pas se débarrasser du passé : c'est ce qui nous a faits exactement ce que nous sommes aujourd'hui.
La fiabilité de la mémoire, la vérité et le mensonge sont d'autres thèmes abordés. Dans cet aspect, le recours à des narrateurs qui nous offrent l'un leur vérité subjective et l'autre les faits objectifs joue un rôle important, soulignant comment chacun de nous construit sa propre histoire. En ce sens, l'auteur ne prend pas parti ni ne juge les faits et les personnages, mais offre au lecteur tous les éléments nécessaires pour qu'il puisse lui-même prendre position.

Je pourrais parler encore et encore de ce roman, mais la vérité est que je ne veux pas vous en dire plus, je voudrais que ce soit vous qui le découvriez. Je continue d'affirmer ceci : Victor del Arbol est une référence. Peu comme lui parviennent à allier dans leurs pages la beauté d'une prose sobre, des personnages que l'on sent de chair, d’os et de sang, avec leurs clairs-obscurs et leurs nuances, des intrigues habillées de mystère pour nous emmener dans les coins et recoins de la vie et nous inviter à réfléchir. Et tout cela sans perdre un iota de qualité littéraire ou du dépaysement que nous recherchons tous dans chaque lecture. Ne manquez pas « Le Fils du Père », je vous assure que c'est une lecture qui vous accompagnera longtemps.