[Montherlant, Henry (de)] Port-Royal
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[Montherlant, Henry (de)] Port-Royal
Remarque : l'image de ma couverture n'est pas celle-ci, mais ce tableau de Philippe de Champagne, "L'ex-voto de 1662" :
Résumé de l'éditeur :
La «trilogie catholique» commencée avec Le Maître de Santiago, poursuivie avec La Ville dont le prince est un enfant, s'achève avec Port-Royal, le plus authentiquement chrétien des ouvrages de Montherlant. Cet épisode de la persécution des religieuses de Port-Royal par Louis XIV suit de près l'histoire. C'est un des moments les plus pathétiques de la vie spirituelle de la France qui est ici porté à la scène, dans une œuvre simple et puissante, où les larmes n'excluent pas le sourire, ni même le rire.
Mon avis :
La lecture de cette pièce a été une très belle lecture, une bulle de lumière, d'autant plus que les trois textes à la fin de la pièce, ses "Notes sur le théâtre", sont passionnantes et riches en enseignements.
Il n'est a priori pas facile de nous projeter dans ce contexte du XVIIe siècle, et j'ai regretté de ne pas avoir mieux mémorisé ce que j'avais entendu dire du jansénisme durant mes études littéraires. Toutefois, qu'on ne s'inquiète pas : si l'on connaît un peu le contexte de la dispute, on entre facilement dans la compréhension de la situation de ces religieuses, à la veille d'être déclarées hérétiques et sanctionnées, en étant dispersées pour 12 d'entre elles, et dirigées par les religieuses d'un autre ordre pour le restant des sœurs.
Pour comprendre l'orientation qu'a donnée à sa pièce Montherlant, il est bon de savoir qu'il a eu l'idée de cette intrigue dès 1929, en découvrant l'ouvrage de Sainte-Beuve sur Port-Royal, avec cette citation :"Port-Royal ne fut qu'un retour et un redoublement de foi à la divinité de Jésus-Christ". Montherlant nous présente, en une action resserrée en un seul acte sur un seul jour, cette petite communauté où les sœurs se découvrent, se révèlent, face à l'exigence de l'Archevêque qu'elles signent le formulaire de renonciation à leur hérésie, et par-là renient les fondateurs de leur ordre (les Sœurs du Saint-Sacrement). Dans cette première partie, très habilement mise en scène, nous faisons connaissance avec plusieurs caractères bien typés, même si j'ai eu du mal à me dépêtrer dans les noms religieux, qui de plus se ressemblaient les uns avec les autres. Plusieurs d'entre elles ont attiré mon attention : la sœur Angélique bien sûr, nièce de M. Arnault, une forte tête plutôt dure au mal, mais dans l'appréhension d'une nouvelle crise de doutes ; la sœur Flavie, avec son bon sens paysan, la sœur Françoise, mystique qui veut se vouer toute entière à la méditation et à la prière... Autant de façons de vivre leur foi et de réagir à la menace qui pèse sur elles.
Dès qu'arrivent l'Archevêque et sa suite, y compris des gens de police, à midi, avec la lourde chaleur du jour d'août, les tensions explosent, les manifestations physiques de malaise s'expriment, et cependant, ces femmes font preuve d'une belle qualité de fermeté, de résistance. Pourtant, la punition est terrible : elles seront punies de l'interdiction de recevoir les sacrements si elles s'entêtent, et plusieurs des "meneuses" vont être emprisonnées. L'Archevêque lui non plus ne manque pas de caractère, mais on sent qu'il est démuni face au courage et à l'esprit de ces femmes. On retrouve des accents de Créon face à l'entêtement d'Antigone - pièce de Sophocle qu'admirait Montherlant. On se doute que nombre d'entre elles seront poussées à accepter de signer, d'autant plus que la pression de leurs familles était forte, mais on ne peut s'empêcher d'éprouver de la compassion pour ces femmes qui recherchaient la pureté de la foi et ne devaient pas déranger grand-monde, sinon que peut-être elles formaient un reproche vivant sur les dérèglements du temps, une morale qui ne "passait pas", et donnaient l'idée d'un péché d'orgueil. Toujours est-il que j'ai lu sans discontinuer cette pièce à la fois simple, épurée, et profonde. J'en ai trouvé un podcast en 6 enregistrements, et je vais l'écouter à présent avec grand plaisir, toute contente de m'y replonger. 5/5
Citations :
LA SŒUR FRANÇOISE - Et de là que notre vie, qui est supposée tournée toute vers le Ciel, se passe non seulement à rédiger des relations et des mémoires en vue des hommes de l'avenir, mais encore à dresser des procès-verbaux, à faire des requêtes et à signifier des appels pour les hommes du présent. Puisque nous aimons et souhaitons d'être méconnus, pourquoi nous inquiéter de l'opinion des temps futurs ? (page 52)
LA SŒUR FLAVIE - Toujours des miracles dans cette maison, toujours des miracles ! Et toujours qui viennent bien à propos. Chaque fois que nous tremblons un peu, qu'il faut avoir l'opinion pour nous. (page 55)
LA MÈRE AGNÈS - Tout ce que nous faisons de bon est fait avec un esprit en paix. (page 68)
LA MÈRE AGNÈS - (...) - Mais quoi ! puisque vous appréhendez si fort, voulez-vous que nous interrogions la Sainte Écriture ? Il est rare que nous n'en recevions pas un conseil adapté à la circonstance, voire une indication sur l'avenir. (Elle ouvre au hasard la Bible qu'elle tient à la main, pose son doigt sur une page.) (page 74)
L'ARCHEVÊQUE - Toujours des requêtes ! Toujours des paperasses ! C'est le monastère de l'écritoire. (age 103)
Dans le jansénisme je trouvais aussi des solitaires, des rigoureux, des dissidents, et une minorité : cette famille était et ne cessera jamais d'être la mienne. (...) Et puis, m'eût-elle été moins proche, le monde me paraît assez riant pour que j'y reste, mais assez vain pour que je me sente frère de quiconque se retranche de lui, et quelle que soit la raison de ce retranchement à mes yeux elle sera toujours secondaire.
Notes de théâtre - Postface du Maître de Santiago - 1944
Dans cette faiblesse et cette souffrance, la plupart d'entre elles ne fléchirent pas, et, sans le juger, au fond, cela est admirable : "La fermeté n'est pas commune en France", écrit vers le même temps le cardinal de Retz. Et s'il est vrai que Port-Royal aurait pu se dire ROYAL en s'appliquant le mot de Marc-Aurèle :"C'est chose royale que faire le bien, et qu'être calomnié", je pense que, parmi les raisons d'être de ces calomnies, il y avait justement le fait qu'on y eût du caractère, pour quoi l'on est toujours haï de ceux qui n'en ont pas.
Notes de théâtre - Note sur Port-Royal - 1954
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