[Montherlant, Henry de] Les lépreuses - Les jeunes filles, tome 4
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[Montherlant, Henry de] Les lépreuses - Les jeunes filles, tome 4
Les lépreuses
Série des jeunes filles, tome 4
Henry de Montherlant
Folio
18/09/1972 (première publication 1939)
256 pages
EAN : 9782070361991
Série des jeunes filles, tome 4
Henry de Montherlant
Folio
18/09/1972 (première publication 1939)
256 pages
EAN : 9782070361991
Résumé de couverture :
«- ... Il y a trois cents lépreux dans Paris, dont vingt seulement sont hospitalisés, et dans la salle commune, encore. Les autres se promènent la canne à la main. Peut-être le garçon qui nous a servis... Il y a des femmes qui ont vécu trente ans avec un mari lépreux et n'ont pas été contaminées. Tout ce que je vous dis, ce ne sont pas des boniments qu'on m'a racontés pour me rassurer. On me l'a dit, mais je l'ai lu aussi dans un livre de médecine. Vous n'avez qu'à en acheter un.- Mais comment avez-vous attrapé cela ? Si vous l'avez attrapé, car je ne peux pas y croire.- Avec une femme.»
Mon avis :
J'ai fini ce cycle de quatre romans toujours avec intérêt, pour un opus qui se distingue un peu des précédents, en ce que Costals se rend au Maroc, où il retrouve une de ses amantes, Rhadidja, peut-être sa préférée, car elle parle peu et reste assez distante, bien qu'ils aient un accord physique auquel tous les deux tiennent. On dira plutôt "tenaient", car c'est là que Costals apprend qu'elle est porteuse de la lèpre, très peu déclarée, et qu'il pourrait l'avoir attrapée aussi. Pendant ce temps d'incertitude, il mène une vie itinérante dans les montagnes de l'Atlas, et s'interroge sur le sens de la vie, sur ce qu'il peut encore faire s'il est atteint de cette maladie...
Pendant ce temps, Solange, qui ne s'est pas remise de leur rupture, se morfond et, alors que la perspective du mariage la rendait peu amène et autoritaire, elle cherche à regagner son amour. Costals, lui, médite sur ce que les femmes font des hommes qui ont le malheur de tomber amoureux, et, surtout, sur un mode de vie libre comme il l'entend, qui lui permette de se consacrer à son œuvre et de prendre le repos du guerrier dans les intermèdes où il ne travaille pas ou ne voyage pas. Bref, Costals sera toujours Costals, un personnage masculin qui érige la philosophie de Nietzsche en véritable mode de vie, et s'en réfère aux Anciens pour ce qui est des valeurs et vertus masculines. Bref, un univers où la femme a peu de place.
Je n'ai pas été affectée par ce ton misogyne et provocateur, davantage par une vision coloniale du Maroc et par le fait que notre Français avait "conquis" Khadidja à un âge vraiment très jeune, de 13 ou de 14 ans. On peut se conduire comme une don Juan et en avoir l'affectivité limitée, mais de là à devenir un prédateur sexuel, le glissement est tout de même regrettable. En revanche, je n'ai pas eu de peine pour Solange ou Renée, car après tout, quand on n'est pas ou plus aimée, quelle dignité y a-t-il à s'accrocher ? On ne peut pas lui reprocher de manquer de franchise ; parfois ce sont les femmes qui ne veulent pas voir, et s'entêtent dans leur rêve de mariage. Il est vrai qu'à cette époque, même si elle l'avait voulu, une femme pouvait difficilement être en relation maritale sans mariage, du moins aux yeux de certains milieux. C'est sans doute la principale injustice de la disparité décriée par l'auteur, ainsi que l'éducation que l'on donnait aux filles. D'ailleurs, certains comportements pourraient tout à fait aujourd'hui être autant masculins que féminins. C'est davantage une question de personnalité que de sexe que d'être influençable, vain(e) de sa personne, de changer de comportement une fois que l'on croit l'autre acquis, de faire du chantage affectif...
J'aimerais pour conclure citer l'avis d'Amélie Nothomb sur cette série, je me sens moins seule : Je lus pour la première fois le roman que j'allais le plus relire - plus de cent fois -, la série Les Jeunes filles de Montherlant. Cette lecture jubilatoire me confirma dans l'idée qu'il fallait tout devenir sauf une femme. [...] Le terrible, dans les portraits de femmes de Montherlant, c’est qu’elles existent. On a beaucoup dit que Montherlant était un auteur anti-féministe. Il y a quelque chose de très salubre dans cette misogynie. Toute femme devrait avoir lu ces livres justement pour se dire : “Attention, tu pourrais te changer en cet être geignard." (Le Monde, 2004) 4/5
Citations :
Elle avait peut-être fini par l'estimer, de ne pouvoir faire de lui ce qu'elle voulait. (page 44)
Quoi qu'ils fussent en train de faire, et quelle qu'en fût l'importance, il fallait tout planter là pour aller prendre le thé, comme ces chats qui s'arrêtent pile au plus fort d'une galopade en apparence pleine de détermination, pour se lécher le derrière. Prendre le thé s'étendait sur une heure : il ne s'agissait probablement que de tuer le temps. (page 57)
Son fils, précisément, était la pierre de touche qui lui servait à discerner, dans ce qu'il croyait bon, ce qui était bon pour tous, ou du moins pour ceux qu'il aimait ; il était pour lui la cause d'une mise au point constante dans ses jugements de valeur, et d'une réflexion renouvelée sur eux (par exemple : "À moi, la connaissance du latin est indispensable. Mais à Brunet ? Et si oui, pourquoi ?") (page 126)
En revanche, il est toujours très laborieux de faire réaliser à une femme qu'on ne l'aime pas ou qu'on ne l'aime plus, que sa présence n'est pour vous qu'accablement et temps perdu, et que tout ce qu'on attend d'elle est qu'elle fasse place nette. Vouloir noyer doucement une femme, c'est comme vouloir noyer un chat : on rencontre une terrible vitalité. C'est pourquoi il n'y a de liaisons vraiment agréables que celles où l'on est plaqué. (page 203)
Lutter contre les réflexes artificiels de la "galanterie", en se répétant à chacun d'eux : "Si l'être humain a droit au respect, la femme a droit à ce respect, sans plus. Elle n'a pas droit à un respect PARTICULIER. Il n'y a pas de raison valable pour qu'une femme soit traitée autrement qu'un homme." (Appendice, page 247)
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