[Baum, Vicki] Hôtel Berlin 43

Titre : Hotel Berlin 43
Auteur : Vicki Baum
édition : Métailié
Nombre de pages : 280 pages

Présentation de l’éditeur :

1943, dans un palace à Berlin. Poussés par le rationnement et les bombardements, tout ce que la ville compte de diplomates, de généraux, d’hommes d’affaires ou de héros de retour du champ de bataille se retrouvent dans ce lieu au luxe suranné, comme dans un ultime refuge. Plus personne ne croit à la victoire. Au milieu de tous ces hommes brillent Tilli, une femme facile mais désargentée, et Lisa Dorn, égérie du Führer pour qui la foule envahit encore chaque soir le théâtre.
C’est elle que va rencontrer Martin Richter, l’étudiant révolté, le téméraire opposant au régime, poursuivi par la Gestapo. Guidée par lui, elle va ouvrir les yeux sur la réalité et la barbarie du nazisme. Osera-t-elle l’aider dans sa fuite et sa folle aventure ?
Tandis que les bombes font vaciller les vieux murs, l’étau se resserre autour des protagonistes, en ce lieu où chacun règle ses comptes et s’apprête à acquitter le prix des exactions commises pendant la guerre.
Roman d’anticipation, le livre raconte avec un réalisme surprenant ce que personne en Allemagne n’aurait osé imaginer en 1943.

Mon avis :

Ce livre est étonnant. Ecrit en 1942, paru en 1943, il a été heureusement réédité par les éditions Métaillié voici trois ans et mériterait d’être en bonne place dans toutes les bibliothèques – pour ne pas dire dans toutes les piles à lire. Vicki Baum, l’autrice, est autrichienne. Juive, elle a dû fuir le régime nazi et ce qu’elle écrit dans ce livre décrit ce qui surviendra en Allemagne, tout en s’appuyant sur ce qui s’y passait réellement. Bref, un roman d’anticipation.
L’action est resserrée, sur deux jours, pendant une alerte aérienne. L’hôtel de luxe abrite des dignitaires du régime nazi, des diplomates, mais aussi des héros revenus des combats et qui profitent en ce lieu d’une permission bien méritée, de soins donnés à leurs blessures, bref, de quoi les requinquer. Après tout, tout va bien, l’Allemagne gagne, l’Allemagne est sur le point d’apporter la civilisation à tous les peuples dégénérés d’Europe et du monde entier. Oui, il y a des morts, ils sont même nombreux, mais mourir au combat, ce n’est pas la même chose que mourir de maladie, d’accident, c’est mourir en héros. Chaque officier est près à sacrifier ses fils, ses neveux, pour la victoire, c’est dans l’ordre des choses. J’ai pensé à un poème de Jacques Prévert qui dit à peu près la même chose, côté français, il est « normal » de sacrifier les jeunes générations pendant que ce sont les généraux qui décident.
Il est aussi un fugitif, Martin Richter, qui m’a fait penser, par la nature de ce que lui et sa soeur jumelle ont fait, au réseau de résistance La rose blanche. Martin Richter n’a pas été attrapé, tel est le leitmotiv qui rythmera le début du roman, Martin Richter, qui se retrouvera dans la même chambre que Lisa Dorn, actrice chérie du régime nazi, actrice pour qui tout va pour le mieux dans le plus beau des mondes, actrice qui a grandi dans la pauvreté mais n’a pas véritablement idée de ce qu’est la souffrance. Je dirai même qu’elle vit non dans un rêve mais dans des oeuvres littéraires, qu’elle voit tout, y compris ses liaisons avec des dignitaires nazis, à travers le prisme d’oeuvres littéraires, de rôles qu’elle a appris et joués. Je ne dirai pas que tant de détachement, tant d’inconscience fait froid dans le dos, mais presque. Alors oui, elle changera d’attitude, peu à peu, d’autres choses changeront aussi, parce que certains sont bien conscients que la chute est inéluctable. Mais qu’en sera-t-il après, pour le peuple allemand ? Qu’en sera-t-il pour ceux qui sont déjà en train de souffrir, en train de mourir ? Et surtout, qu’adviendra-t-il de Martin Richter ?