[Cohn, Marthe] Derrière les lignes ennemies

Mon bilan sur ce livre est en demi-teinte.

Tout d’abord, à la lecture du titre et de la quatrième de couverture, je m’attendais à une histoire d’espionnage, à la biographie haletante d’une sorte de Mata-Hari dans l’Allemagne nazie. En fait, l’essentiel du récit traite de l’occupation et de ses conséquences sur la vie et le destin de Marthe et de sa famille. Son engagement dans les services secrets français y est traitée comme l’une de ces conséquences, ni plus ni moins.
Ceci dit, j’ai déjà été surprise par le contenu d’un livre, plus souvent pour le meilleur que pour le pire. Ce n’est donc pas ce qui a mitigé mon appréciation.

En fait, le problème est que le style du récit m’a laissée parfaitement froide. Si les situations décrites sont réellement dangereuses, que ce soit en France sous l’occupation ou en Allemagne en tant qu’espionne, ce danger ne transparaît pas dans la narration. De même, malgré des détails qui les rendent parfaitement crédibles, beaucoup de scènes très chargées émotionnellement (la confrontation avec Hipp, le comportement des paysans français à leur entrée en zone libre...), n’ont trouvé en moi aucun écho, n’ont déclenché en moi ni colère, ni soulagement, ni appréhension.
La précision scientifique des faits, le détachement de l’auteur ont fait écran à mon émotion, à mon indignation, à mon empathie.
Bonne chose ou mauvaise chose ? Difficile à dire.

Prendre du recul permet en effet d’analyser avec plus de justesse les mécanismes en œuvre sous l’occupation : soumission consentie ou forcée des petits et des grands fonctionnaires, antisémitisme larvé dans la société de l’époque, confiance en une République qui «ne laisserait jamais les Allemands faire la loi en France», au milieu d’authentiques sursauts de petite et de grande bravoure.

Toutefois, après des lectures aussi fortes et poignantes que Le journal d’Anne Franck ou Un sac de billes, de Joseph Joffo, ce récit à la troisième personne dégage pour moi une froideur incroyable.

Je recommande néanmoins cette lecture, qui reste un témoignage remarquable sur l'occupation, et dont le seul tort a été de toucher ma tête mais pas mon cœur.