[Murail, Marie-Aude] Le Tueur à la cravate

Grâce à quelques clics et une adresse mail bidon, Ruth Cassel a pu s’inscrire sur le site perdu-de-vue.com et y déposer une vieille photo de classe en noir et blanc trouvée dans les affaires de son père. La manip n’a qu’un seul but : l’aider à différencier les deux blondes aux yeux noisette sur la photo, Marie-Ève et Ève-Marie, respectivement la mère de Ruth et sa soeur jumelle, décédées à vingt ans d’intervalle. Très vite, comme s’ils avaient attendu ce signal, des anciens de la terminale S3 se manifestent. L’ex-beau gosse de la classe, une prof de philo à la retraite, une copine des jumelles et, en prime, un grand-père dont Ruth ne soupçonnait pas l’existence, s’empressent de répondre. Tout pourrait s’arrêter là… Mais la photo de classe a réveillé de terribles souvenirs. Les e-mails évoquent un meurtre commis l’année de la terminale, celui d’Ève-Marie. Ils parlent d’un étrangleur récidiviste, le tueur à la cravate. Bien plus effrayant, ils mettent en cause l’une des personnes que Ruth aime le plus au monde, son propre père, Martin Cassel…

Un roman policier très bien construit ! Il se lit très vite (je l'ai lu en une matinée), on entre dans l'histoire facilement. On s'attache aux personnages, on apprécie Ruth, cette jeune ado si débrouillarde, qui aime sa famille si fort. On tremble en imaginant les soupçons, en craignant qu'ils soient fondés.
Un livre qui dénonce discrètement (ou pas) les nombreux réseaux sociaux qui pullulent sur Internet (Facebook, copainsdavant principalement) et la facilité de prendre l'identité de quelqu'un grâce à ce nouveau moyen.
Un bonus à la fin du livre : le journal de bord de la création d'un livre. Marie Aude Murail livre ici sa façon de faire, comment l'idée lui vient, comment le livre se construit, étape après étape. Un journal de bord très intéressant à la fois pour ceux qui aiment écrire mais aussi pour les autres, ceux qui aiment lire, qui veulent en savoir plus si ces raconteurs d'histoires.

Voilà donc mon avis sur Le tueur à La cravate de Marie-Aude Murail :

Ruth vit avec sa sœur, Besthabée, et son père, Martin. Tous trois doivent faire face à la disparition de leur mère ou épouse chaque jour. Son décès, brutal, laisse un énorme vide dans leur vie. Un jour, Ruth et sa meilleure amie décident qu'elles veulent en savoir plus et publient une photo de classe sur un site internet... Très vite, la vie de Ruth et de sa famille va être confrontée à la suspicion et au crime...
Le tueur à la cravate est un roman qui, s'il n'est pas forcément engageant car il est « un peu » un polar comme un autre ou parce qu'il a une affreuse couverture, fascine pourtant dès que l'on ose l'ouvrir et s'attarder sur ce qu'il a à nous dire. En rien innocent ou gratuit, il va évoquer des sujets plutôt sensibles comme l'usage d'internet, la mort d'une mère, la relation entre un père et sa fille ou encore les préjugés. Dans cette histoire qui n'explose pas forcément d'originalité, l'on apprécie, délicieusement l'expérience de l'écriture qui l'habite de toute part, le fait tenir debout. Cette touche de savoir-faire le rend même, pourquoi pas, très réel. Surtout, le tout qu'est cet ouvrage prend tout son sens lorsqu'après l'avoir lu, l'auteur nous permet de lire son journal d'écriture. Entre dépendance à la rédaction d'un roman et humour du quotidien, ce « guide » vers l'esprit d'une grande auteure est un témoignage précieux pour la compréhension du texte et l'envie de savoir ce que c'est d'écrire. Il est également très touchant et permet encore d'amincir la frontière entre le fiction et le réel.
Relevons tout de même que dans Le tueur à la cravate, le lecteur est face à une très bonne intrigue, de bons personnages dont les destins ont été entremêlés et se croisent à nouveaux pour une dernière fois ou un nouveau départ. Bien mené et prenant des airs de page-turner, il se présente comme un policier sur une enquête précise mais enquête vraiment sur les êtres humains. Vrai et habile!