[Crawford, Matthew B.] Eloge du carburateur
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[Crawford, Matthew B.] Eloge du carburateur
ELOGE DU CARBURATEUR
Quatrième de couverture
« La génération actuelle de révolutionnaires du management s'emploie à inculquer de force la flexibilité aux salariés et considère l'éthos artisanal comme un obstacle à éliminer. On lui préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique. Tout comme le consommateur idéal, le consultant en gestion projette une image de liberté triomphante au regard de laquelle les métiers manuels passent volontiers pour misérables et étriqués. Imaginez à côté le plombier accroupi sous l'évier, la raie des fesses à l'air. »
Matthew B. Crawford était un brillant universitaire, bien payé pour travailler dans un think-tank à Washington. Au bout de quelques mois, déprimé, il démissionne pour ouvrir... un atelier de réparation de motos. À partir du récit de son étonnante reconversion professionnelle, il livre dans cet ouvrage intelligent et drôle l'une des réflexions les plus fines sur le sens et la valeur du travail dans les sociétés occidentales.
Mêlant anecdotes, récit, et réflexions philosophiques et sociologiques, il montre que ce « travail intellectuel », dont on nous rebat les oreilles depuis que nous sommes entrés dans l'« économie du savoir », se révèle pauvre et déresponsabilisant. De manière très fine, à l'inverse, il restitue l'expérience de ceux qui, comme lui, s'emploient à fabriquer ou à réparer des objets - ce qu'on ne fait plus guère dans un monde où l'on ne sait plus rien faire d'autre qu'acheter, jeter et remplacer. Il montre que le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ».
« Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et de mettre les mains dans le cambouis... »
Ma critique
Trouvé par hasard dans un vide grenier, j'ai d'abord pris ce bouquin pour un gentil plaidoyer de la reconversion professionnelle... J'étais bien en dessous de ce que j'allais lire et apprécier. Contrairement à ce qu'énonce la quatrième de couv', notre mécano passionné n'a pas opéré de reconversion, mais est simplement retourné faire quelque chose qu'il faisait déjà depuis son adolescence, démonter et remonter des moteurs, tout en suivant de brillantes études. Diplôme en poche, il n'a effectivement opéré que cinq mois, ne trouvant aucun sens à ce travail "intellectuel" pourtant grassement rémunéré. Et le voilà parti à nous raconter son amour du travail manuel, bien plus censé et loin d'être sans aspect intellectuel puisqu'un mécano doit mobiliser non seulement du savoir faire, du savoir être mais aussi savoir s'adapter à chaque situation nouvelle, ce qui est quasiment le cas à chaque panne. Et au fil des pages, voilà que se dresse devant nous une critique sévère du monde du travail et de ses mutations, du taylorisme au management moderne plus proche de la thérapie de groupe que de la conduite de projet. C'est pertinent et corrosif ! Quant aux anecdotes qu'il nous narre, elles sont non seulement souvent drôles, mais elles servent le propos avec pertinence. Absolument pas réservé aux passionnés de motos, cette analyse convaincante est bien écrite, et a le mérite de réunir dans une même vision du monde matière grise et huile de coude. De la philosophie par un col bleu... Bravo !
Ma note : 8/10
Editions La Découverte, 249 pages
Quatrième de couverture
« La génération actuelle de révolutionnaires du management s'emploie à inculquer de force la flexibilité aux salariés et considère l'éthos artisanal comme un obstacle à éliminer. On lui préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique. Tout comme le consommateur idéal, le consultant en gestion projette une image de liberté triomphante au regard de laquelle les métiers manuels passent volontiers pour misérables et étriqués. Imaginez à côté le plombier accroupi sous l'évier, la raie des fesses à l'air. »
Matthew B. Crawford était un brillant universitaire, bien payé pour travailler dans un think-tank à Washington. Au bout de quelques mois, déprimé, il démissionne pour ouvrir... un atelier de réparation de motos. À partir du récit de son étonnante reconversion professionnelle, il livre dans cet ouvrage intelligent et drôle l'une des réflexions les plus fines sur le sens et la valeur du travail dans les sociétés occidentales.
Mêlant anecdotes, récit, et réflexions philosophiques et sociologiques, il montre que ce « travail intellectuel », dont on nous rebat les oreilles depuis que nous sommes entrés dans l'« économie du savoir », se révèle pauvre et déresponsabilisant. De manière très fine, à l'inverse, il restitue l'expérience de ceux qui, comme lui, s'emploient à fabriquer ou à réparer des objets - ce qu'on ne fait plus guère dans un monde où l'on ne sait plus rien faire d'autre qu'acheter, jeter et remplacer. Il montre que le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ».
« Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et de mettre les mains dans le cambouis... »
Ma critique
Trouvé par hasard dans un vide grenier, j'ai d'abord pris ce bouquin pour un gentil plaidoyer de la reconversion professionnelle... J'étais bien en dessous de ce que j'allais lire et apprécier. Contrairement à ce qu'énonce la quatrième de couv', notre mécano passionné n'a pas opéré de reconversion, mais est simplement retourné faire quelque chose qu'il faisait déjà depuis son adolescence, démonter et remonter des moteurs, tout en suivant de brillantes études. Diplôme en poche, il n'a effectivement opéré que cinq mois, ne trouvant aucun sens à ce travail "intellectuel" pourtant grassement rémunéré. Et le voilà parti à nous raconter son amour du travail manuel, bien plus censé et loin d'être sans aspect intellectuel puisqu'un mécano doit mobiliser non seulement du savoir faire, du savoir être mais aussi savoir s'adapter à chaque situation nouvelle, ce qui est quasiment le cas à chaque panne. Et au fil des pages, voilà que se dresse devant nous une critique sévère du monde du travail et de ses mutations, du taylorisme au management moderne plus proche de la thérapie de groupe que de la conduite de projet. C'est pertinent et corrosif ! Quant aux anecdotes qu'il nous narre, elles sont non seulement souvent drôles, mais elles servent le propos avec pertinence. Absolument pas réservé aux passionnés de motos, cette analyse convaincante est bien écrite, et a le mérite de réunir dans une même vision du monde matière grise et huile de coude. De la philosophie par un col bleu... Bravo !
Ma note : 8/10
Editions La Découverte, 249 pages
Invité- Invité
Re: [Crawford, Matthew B.] Eloge du carburateur
Tiens, il est tombé récemment dans ma PàL celui-ci... Pour être parfaitement exacte, c'est mon chéri qui l'a reçu comme cadeau d'anniversaire, mais c'est presque pareil .
Surtout qu'il est très emballé et qu'il insiste lourdement pour que je le lise dès qu'il aura fini. Ton avis me conforte dans ma décision de lui faire plaisir .
Surtout qu'il est très emballé et qu'il insiste lourdement pour que je le lise dès qu'il aura fini. Ton avis me conforte dans ma décision de lui faire plaisir .
Invité- Invité
Re: [Crawford, Matthew B.] Eloge du carburateur
Un sujet très intéressant et tellement d'actualité...
Invité- Invité
Re: [Crawford, Matthew B.] Eloge du carburateur
Mon avis :
Ma note : 5/10
Quelle est l’intention de ce livre ?
Le titre annonce un «essai sur le sens et la valeur du travail». Soit.
Le premier tiers est une réflexion plutôt verbeuse et confuse sur la valeur sociale et économique du travail «à la chaîne» en opposition au travail «artisanal». Si l’auteur sait visiblement de quoi il parle, ce n’est pas forcément le cas du lecteur (en tout cas, ce ne fut pas mon cas). Des citations plus ou moins claires, plus ou moins pertinentes, de philosophes grecs antiques et de sociologues nord-américains, voisinent avec des réflexions personnelles qui s’enchaînent selon une logique obscure.
Les deux derniers tiers, plus agréables, se concentrent davantage sur l’expérience personnelle de l’auteur, d’abord dans son think tank de Washington, puis en tant que mécanicien moto. Les anecdotes sont souvent amusantes et décrites avec beaucoup de lucidité mais leur apport dans la réflexion globale n’est pas toujours très clair.
Dans l’ensemble, si les constatations sont judicieuses, leur interprétation n’est pas menée à son terme, comme inachevée. Des enfants à qui l’ont promet une récompense dessinent avec moins d’entrain que ceux qui le font pour leur seul plaisir. Son interprétation est que la rémunération implique intrinsèquement une démotivation... Un peu court et, par conséquent, éminemment discutable.
Pour ne rien arranger, la crédibilité de l’auteur m’a parue bancale : présenté sur la quatrième de couverture comme un «brillant universitaire» reconverti en mécano, il s’avère que ce «brillant universitaire» a passé les 15 premières années de sa vie dans une communauté (que je suppose hippie, puisque les précisions manquent sur le sujet). Cela m’a laissée sceptique sur cette image suggérée de petit automate échappant au carcan totalitaire du monde du travail par la porte du garage. Surtout quand il nous assène des phrases du genre «Ce faisant, nous avons eu l’occasion de réfléchir sur la nature de la rationalité, sur les conditions de l’agir individuel, sur la dimension morale de la perception et sur l’idéal fuyant de la communauté».
Et je ne parle pas du fait qu’il semble se complaire dans une idéalisation béate du monde de l’artisanat, depuis son petit bout de lorgnette de mécanicien travaillant seul, dans un domaine hyper spécialisé, peuplé d’une élite de connaisseur. Bien loin, à mon sens, du plombier, du maçon ou du menuisier qui doivent jongler avec d’autres corps de métier, avec des clients totalement indifférents à la beauté de leur art, ou avec la concurrence féroce de marchands de meubles bien connus...
Le livre ne prétend pas proposer des solutions, je n’en attendais donc pas. Mais il prétend donner une image revalorisée du travail d’artisan (du «plombier accroupi sous l’évier, la raie des fesses à l’air»). Et il prétend le faire en mettant en avant son effort intellectuel, en prise avec la réalité, en opposition à la réflexion virtuelle, creuse, des bureaucrates. Pourtant, alors même que je suis intimement persuadée qu’il faut autant d’intelligence à un menuisier qu’à un ingénieur pour mener sa tâche à bien, je n’ai pas été convaincue...
J’aimerais dire, après les critiques élogieuses que j’en ai entendues, que j’ai beaucoup apprécié ce livre. Malheureusement, je lui ai trouvé le même défaut que le monde du travail dépersonnalisé et virtualisé qu'il dénonce : cantonné dans une réflexion stérile sans prise avec la réalité physique du monde.
Je ne nie pas à l’auteur une grande lucidité dans l’analyse de son expérience professionnelle, mais il aurait dû se cantonner à sa seule expérience, sans aller tripatouiller concepts et grands principes qui ne font qu’assombrir le débat au lieu de l’éclairer.
A lire, sans plus en ce qui me concerne.
Le titre annonce un «essai sur le sens et la valeur du travail». Soit.
Le premier tiers est une réflexion plutôt verbeuse et confuse sur la valeur sociale et économique du travail «à la chaîne» en opposition au travail «artisanal». Si l’auteur sait visiblement de quoi il parle, ce n’est pas forcément le cas du lecteur (en tout cas, ce ne fut pas mon cas). Des citations plus ou moins claires, plus ou moins pertinentes, de philosophes grecs antiques et de sociologues nord-américains, voisinent avec des réflexions personnelles qui s’enchaînent selon une logique obscure.
Les deux derniers tiers, plus agréables, se concentrent davantage sur l’expérience personnelle de l’auteur, d’abord dans son think tank de Washington, puis en tant que mécanicien moto. Les anecdotes sont souvent amusantes et décrites avec beaucoup de lucidité mais leur apport dans la réflexion globale n’est pas toujours très clair.
Dans l’ensemble, si les constatations sont judicieuses, leur interprétation n’est pas menée à son terme, comme inachevée. Des enfants à qui l’ont promet une récompense dessinent avec moins d’entrain que ceux qui le font pour leur seul plaisir. Son interprétation est que la rémunération implique intrinsèquement une démotivation... Un peu court et, par conséquent, éminemment discutable.
Pour ne rien arranger, la crédibilité de l’auteur m’a parue bancale : présenté sur la quatrième de couverture comme un «brillant universitaire» reconverti en mécano, il s’avère que ce «brillant universitaire» a passé les 15 premières années de sa vie dans une communauté (que je suppose hippie, puisque les précisions manquent sur le sujet). Cela m’a laissée sceptique sur cette image suggérée de petit automate échappant au carcan totalitaire du monde du travail par la porte du garage. Surtout quand il nous assène des phrases du genre «Ce faisant, nous avons eu l’occasion de réfléchir sur la nature de la rationalité, sur les conditions de l’agir individuel, sur la dimension morale de la perception et sur l’idéal fuyant de la communauté».
Et je ne parle pas du fait qu’il semble se complaire dans une idéalisation béate du monde de l’artisanat, depuis son petit bout de lorgnette de mécanicien travaillant seul, dans un domaine hyper spécialisé, peuplé d’une élite de connaisseur. Bien loin, à mon sens, du plombier, du maçon ou du menuisier qui doivent jongler avec d’autres corps de métier, avec des clients totalement indifférents à la beauté de leur art, ou avec la concurrence féroce de marchands de meubles bien connus...
Le livre ne prétend pas proposer des solutions, je n’en attendais donc pas. Mais il prétend donner une image revalorisée du travail d’artisan (du «plombier accroupi sous l’évier, la raie des fesses à l’air»). Et il prétend le faire en mettant en avant son effort intellectuel, en prise avec la réalité, en opposition à la réflexion virtuelle, creuse, des bureaucrates. Pourtant, alors même que je suis intimement persuadée qu’il faut autant d’intelligence à un menuisier qu’à un ingénieur pour mener sa tâche à bien, je n’ai pas été convaincue...
J’aimerais dire, après les critiques élogieuses que j’en ai entendues, que j’ai beaucoup apprécié ce livre. Malheureusement, je lui ai trouvé le même défaut que le monde du travail dépersonnalisé et virtualisé qu'il dénonce : cantonné dans une réflexion stérile sans prise avec la réalité physique du monde.
Je ne nie pas à l’auteur une grande lucidité dans l’analyse de son expérience professionnelle, mais il aurait dû se cantonner à sa seule expérience, sans aller tripatouiller concepts et grands principes qui ne font qu’assombrir le débat au lieu de l’éclairer.
A lire, sans plus en ce qui me concerne.
Ma note : 5/10
Invité- Invité
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