[Shimazaki, Aki] Suisen

[Shimazaki, Aki]
Suisen       
 Actes Sud avril 2017      
ISBN 978 2 330 07212 4           
159 pages    
Quatrième de couverture
À la tête d’une société prospère fondée par son grand-père, Gorô est marié avec une femme de bonne famille et père de deux enfants pour qui il a des ambitions claires. Il entretient deux maîtresses – dont une magnifique actrice –, il s’entoure de clients importants dans les bars et exhibe fièrement des photos de lui auprès de célébrités. Même s’il croit en mériter toujours davantage, Gorô trouve qu’il a bien réussi sa vie. Or, le jour où ses convictions sont une à une ébranlées, il est forcé de se regarder franchement dans le miroir, sans doute pour la première fois.
 Dans ce roman, Aki Shimazaki plonge au cœur des blessures d’enfance qui deviennent parfois des failles à l'âge adulte.

Mon avis
Dans ce petit roman, on suit Gorô, un homme d’affaires, président de la société qu’il a hérité de feu son père. Gorô est un homme arrogant, autoritaire et suffisant,  je n’ai éprouvé aucune sympathie pour ce personnage égoïste et hautain, bien que marié et père de famille, cet homme tient toujours en réserve une ou deux maîtresses allant de l’une à l’autre, s’imaginant que personne ne le sait. C’est un homme méprisable qui ne pense qu’aux apparences jusqu’au jour ou tout s’écroule pour lui et il va pitoyablement être obligé de se voir tel qu’il est (bien fait pour lui). L’auteure de sa belle écriture et avec sa sensibilité nous fait ressentir d’une façon émouvante et précise ce que les blessures d’enfance peuvent engendrer dans la vie. Un très bon roman avec une écriture tellement belle et un titre qui correspond bien à l’image de la couverture et oui j’ai beaucoup apprécié.4,5/5

Une phrase retenue qui décrit bien le personnage 
« Je ne veux pas épouser une fille plus instruite que moi. Je crois toujours que, pour former un couple idéal, l'homme doit être supérieur à sa femme sous tous les rapports ».

Gorô est le président d’une grosse société japonaise. Il a une femme, deux enfants, et des maitresses. Il aime participer à des soirées, alors que ça femme reste à la maison, et rencontrer de nouvelles conquêtes. Gorô est un homme fier, arrogant, autoritaire, prétentieux, dominateur. Il aime contrôler son entourage.
Mais sa vie n’est qu’un fragile château de cartes, elle ne repose sur rien d’autre que son nom hérité de son père fondateur de l’entreprise. Une légère brise suffit à tout faire écrouler.

Aki Shimazaki a le génie de nous faire découvrir un homme détestable, à tout point de vue, puis au fil de ses déboires on comprend comment il en est arrivé là, et l’empathie prend le pas sur la haine.

Suisen est le troisième volet du cycle « L'ombre du chardon ». Une autre histoire de fleur : suisen veut dire narcisse en japonais. Tout au long du roman il y a des apparitions de cette fleur, comme un rappel, jusqu’à l’apothéose où le parallèle se fait avec le conte de la mythologie grecque.
Du très grand génie ! Et tout ça avec la plume fine, douce  et poétique de cette chère Aki Shimazaki.

Un gros coup de cœur

Mon ressenti

Gorô est l’un des personnages du tome 1 : il y était déjà bizarre dans ses attitudes. Dans cet opus, le lecteur le suit de près et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est difficile de ressentir de l’empathie pour lui.

La vie est parfois surprenante. Il va le découvrir lorsqu’il croit que tout ce qu’il a et aura, est acquis et obligatoire. Tout s’effondre et s’écroule du jour au lendemain. Il doit faire face et se faire face, apprendre à voir les choses autrement. Peut-être qu’il est encore temps de changer…

A découvrir

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le personnage de Gorô, alors que je pensais qu'il allait m'insupporter. C'est vrai que, vu de l'extérieur, Shashô (Président, comme il aime à être appelé) est tout sauf aimable ! Ou plutôt, il a un masque social qui le rend aimable et populaire, mais il est narcissique, dur et égocentrique.

Tout change parce qu'il s'agit de son point de vue, et c'est parfois d'une grande drôlerie, parce qu'on voit bien qu'il veut à tout prix interpréter positivement les choses, alors qu'on a envie de lui taper sur l'épaule et de lui dire "euh... non, ce n'est pas si sûr". Il conserve une grande naïveté dans sa façon de voir les gens, en termes de "est-ce qu'ils pourraient me servir ?". Les femmes n'ont qu'à être disponibles pour batifoler sensuellement avec lui (mais attention, à des heures où sa famille ne se doutera de rien), ou lui faire ses plats traditionnels préférés sur commande.

Le moins sympathique de sa personne étant qu'il en est arrivé à choisir ses relations intimes pour qu'elles ne lui fassent pas d'ombre, ou qu'elles soient valorisées de le connaître. Il est volontiers généreux financièrement, mais il induit un sentiment de dette néfaste aux sentiments.

En tout cas, lui se définit comme un homme "traditionnel" : il s'est marié par miai (mariage arrangé), et non seulement il est hors de question de divorcer (la honte !), mais ses enfants feront de même, et choisiront la carrière que leur père envisage pour eux.

Mais même ceux qui l'aiment ou l'ont aimé se lassent, et manifestent la volonté de vivre leur vie comme ils l'entendent, tant pis s'il est tellement rigide qu'il ne veut rien entendre.

On remarque petit à petit, dans les situations quotidiennes, que cet homme est un "enfant blessé", qu'il a peur de la solitude, du silence, du changement. Il a souffert dans son enfance de comparaisons permanentes avec sa demi-soeur plus brillante, tout en s'efforçant d'être le "gentil Gorô" qu'on attendait de lui.

La prise de conscience arrive quand son univers bascule, que la représentation sociale avec laquelle il se sent bien n'est plus au rendez-vous. Il commence à faire le point sur ses souvenirs, et et son premier geste gratuit - sauver un chat accroché dans du fil de fer et l'emmener chez le vétérinaire - sera le signe d'une remise en question salutaire, et peut-être le début d'une nouvelle vie, plus conforme à ce qu'il est vraiment, et on l'espère pour lui.

Extrait :
"Il fait beaucoup plus froid que je ne le prévoyais. Debout sur le trottoir, j'observe les passants. La tête baissée, ils marchent d'un pas pressé. Personne ne me connaît, personne ne m'appelle "Shashô !", personne ne fait attention à moi. Je me sens comme un orphelin soudainement jeté à la rue.
Je suis tout le temps entouré de nombreuses personnes. Les partys me plaisent. Je ne rencontre personne de façon désintéressée. Je me vante de fréquenter des célébrités en montrant leurs photos avec moi. Tout le monde m'envie : "Shashô, vous connaissez tous ces gens ? C'est impressionnant !"
Maintenant, déprimé, je me demande : "Mais qui est fier de me connaître ?" (page 140)

super Elea