Seinen : La fin du monde. Avant le lever du jour [Asano, Inio]

Résumé (Fnac) :
Les histoires du recueil ne sont pas toujours roses. Elles nous racontent l’histoire de collégiens, d’un père qui se fait licencier, d’une jeune femme qui retrouve une ancienne lettre qu’elle a écrite elle-même cinq ans auparavant, ...

Ces petits bouts de récits sont un apprentissage de la vie. Ils nous poussent à toujours aller de l’avant malgré les hauts et les bas du quotidien.

Mon avis :
J'ai mis la main par hasard sur ce manga, sans références, sans connaître l'auteur, attirée que j'étais par cette belle couverture aux tons fondus d'aurore orange et bleue. Et puis, bien sûr, le titre, "la Fin du monde", ça me parle...

J'ai mis un temps à comprendre qu'il s'agissait de plusieurs histoires courtes, parce que l'auteur se représente lui-même, donc il est relativement semblable d'un récit à l'autre ; par ailleurs, une des histoires est déclinée selon trois points de vue différents. L'auteur/personnage principal, mangaka qui réussit à gagner sa vie (sans être riche), a un une copine, et donc une vie relativement remplie -sans compter qu'il travaille beaucoup, souvent dans l'urgence. Pourtant, il n'est pas satisfait de sa vie, de ce qu'il est, il a le sentiment d'être passé à côté de quelque chose d'important, sans pouvoir mettre le doigt dessus. Il se pose de nombreuses questions, à commencer par : "suis-je un auteur dépressif ?"

Dans plusieurs histoires, il retisse un lien avec son passé : soit qu'il rencontre d'anciens amis à Tokyo, soit qu'il se rende à son village de campagne pour une réunion d'anciens élèves. D'autres fois, nous sommes plongés directement dans le passé, au milieu de pré-ados pleins de désirs flous. Le rapport avec le passage du temps est doux-amer : personne ne réussit vraiment sa vie, mais tant qu'il ne nous arrive pas de mal, on peut trouver que c'est bien (je résume). Les filles ne sont pas en reste, parfois songeuses, parfois malicieuses, ne sachant pas plus ce qu'elles veulent que les garçons. Certains personnages sont franchement barrés, et les histoires qui prennent Tokyo pour cadre ne sont pas les moins psychédéliques. La mégapole "marchandise" tout, et parfois la consommation de sexe est traitée à la légère : par exemple, le narrateur n'affronte pas son ami vaguement cinéaste qui a largué la jeune actrice porno de 17 ans dans les montagnes pour lui apprendre à respecter ses engagements. Non, pourquoi ce serait mal ? Disons que si l'on s'identifie au trentenaire qui se masturbe sur des films pornos et n'a que peu d'intérêt pour le monde, on peut y trouver du contenu...

Malgré ce bémol, l'humour et l'ironie sont bien présents, et même si le dialogue ou la narration sont en apparence un peu légers, l'image est somptueuse, les décors sont incroyables, et comme ils sont souvent en plans larges, on est gâté. J'ai notamment en tête un bateau pirate décati sur une page entière, ou encore des vues de Tokyo en couleurs... Le temps de quelques histoires, c'est à la fois un voyage urbain et l'exploration d'une conscience et de souvenirs qui est proposée. La fin du monde, ce sera plutôt pour demain, mais soyons désabusés dès aujourd'hui, car on y est quand même un peu déjà...

Citations :
La vie... N'est finalement pas si mal. Un jour ou l'autre, il finit toujours par nous arriver un truc bien. Ce n'est peut-être qu'une maigre consolation. ("Avant le lever du jour")

Comme si j'avais le temps de m'occuper des autres. J'arrive à peine à gérer ma propre personne, alors... ("Dimanche après-midi, 18h30 - 1. Souvenir d'été")

Je pensais qu'en revenant ici, je retrouverais des souvenirs de cette période heureuse de ma vie... Mais en fait, seuls les mauvais souvenirs me reviennent en tête. ("Dimanche après-midi, 18h30 - 3. Retour à la maison")

Si je réfléchis à l'avenir, ça me déprime, alors les jours de congé, je fais des lessives chez moi.
- Je n'ai plus de détergent, il faut que j'aille en acheter. Je vais aussi en profiter pour descendre les poubelles. ("Comment s'occuper les jours de congé")

- On trouve tout en ville mais finalement, rien ne nous appartient vraiment. Je peux sortir mais dehors, il n'y a que des inconnus... Il y a parfois des moments où je suis saisi par un terrible sentiment de solitude. (...)
- Tu es vraiment un mec énervant. Ça ne date pas d'aujourd'hui. ("Tokyo")