[Dostoïevski, Fédor] La logeuse
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[Dostoïevski, Fédor] La logeuse
La logeuse
Fédor Dostoïevski
1847
80 pages
Traduction J. Wladimir Bienstock
Bibebook
Fédor Dostoïevski
1847
80 pages
Traduction J. Wladimir Bienstock
Bibebook
Présentation de couverture :
La Logeuse (Hoziaïka), écrite en 1846-1847, qui a été publiée dans «~Les Annales de la Patrie~», en octobre et décembre 1847. Ordynov est un jeune homme très instruit, détaché de la société, enfermé dans le monde imaginaire de sa pensée et de ses rêves. Il est occupé à écrire une histoire de l'Église. C'est, en outre, un exalté, qui a parfois des crises d'épilepsie (maladie dont Dostoïevski était atteint). Être solitaire, plein de passions refoulées qui n'attendent que le moment de jaillir de son cœur, Ordynov s'éprend de la belle logeuse, dont il ne sait si elle est la fille ou la femme d'un vieillard énigmatique, une espèce de devin qui prédit le sort aux hommes et qui est lui-même sujet à l'épilepsie...
Mon avis :
J'ai apprécié cette relativement longue nouvelle de 80 pages, qui pose un décor et une intrigue à la fois sobre et riche, en tout cas très intense dans le ressenti souvent intériorisé de sentiments amoureux violents, dans une dimension presque christique, de compassion et de sacrifice.
Ordynov, jeune étudiant orphelin, prometteur mais d'un tempérament particulier, très sauvage et solitaire, a jusqu'ici, c'est-à-dire jusqu'à la défection de sa précédente logeuse, repartie dans sa famille, voué sa vie à l'étude. Ordynov est un jeune homme renfermé et extrêmement sensible, qui s'exalte facilement mais a toujours eu du mal à comprendre les autres, à se lier et à trouver sa place ; il vit quasiment reclus. Seulement, il doit retrouver un logement, et se décide à sortir arpenter les rues de Saint-Pétersbourg pour trouver ce qu'il lui faut. C'est chose faite chez un Allemand et sa fille, mais le sort en décide autrement : au hasard de ses pérégrinations, le jeune homme entre dans une église et rencontre une jeune femme, dont la beauté et les larmes l'émeuvent. Elle est accompagnée d'un vieil homme, tous deux formant un couple singulier, même inquiétant. Ordynov les suit et, sur un coup de tête, il demande à se loger chez eux. Ainsi fait-il connaissance avec la belle Catherine, sa logeuse, tout aussi passionnée que lui, mais fantasque et d'humeur changeante. Elle se rapproche de lui, lui conte son histoire, et les prémices d'une relation amoureuse forte se dessinent. Mais c'est sans compter avec Mourine, l'homme avec qui elle vit, ancien brigand qui la maintient sous sa coupe, dans une relation d'emprise tragique pour la jeune femme...
C'est sans conteste déjà la plume de Dostoïevski, ses incursions dans la psyché et les rêves humains, avec cette touche de singularité irréductible, cette passion flamboyante, totale, qu'il met dans ses personnages. Dostoïevski sait à merveille instaurer un climat presque fantastique en ce qui concerne l'amour, à la fois sombre et exalté, terriblement changeant ; on ne sait jamais à quoi s'attendre, et l'on se laisse gagner par le vertige, la fièvre, parfois le délire, qui s'emparent des personnages et les tordent dans leur tourmente. Il est presque impossible de prévoir quel sera le choix de Catherine, en ce moment décisif où elle pourrait enfin rompre la relation toxique qui l'unit depuis sa (très tendre) jeunesse à son ravisseur et concubin. Les relations de ce triangle amoureux involontaire se teintent vite de perversité, que ce soit celle de Mourine ou celle de sa victime trop consentante, qu'on aimerait voir se révolter, au lieu d'exploiter la gentillesse fragile d'Ordynov. Il y a chez les personnages de Dostoïevski un goût amer pour consommer la déchéance, laisser empirer les choses et se détruire, refusant toute aide, plutôt que de nourrir des sentiments positifs et se laisser guider par l'espoir. Toutefois, telle un oiseau dans une cage qui pourrait s'ouvrir et le libérer d'un instant à l'autre, pour reprendre une image de l'auteur, l'âme en souffrance bat des ailes et tente, en dépit de toute adversité, de diriger son vol vers le ciel. L'espoir réside dans l'immense potentiel de l'âme, la souffrance est inhérente à la rédemption.
J'ai malgré tout regretté quelques longueurs, des passages un peu répétitifs de maladie et de soins, des atermoiements sans cesse interrompus et reportés, sans que réellement l'action progresse ; j'ai trouvé la narration un peu chaotique et décousue, et même si Dostoïevski est un des plus grands auteurs pour moi, j'ai été un peu moins captivée par cette première nouvelle que par les grands romans qui viendront plus tard. (4/5)
Citations :
Sa passion [pour la science] le laissait enfant pour tout ce qui était de la vie extérieure, et le rendait incapable à jamais d’écarter les braves gens pour se faire une petite place parmi eux, le cas échéant. La science, entre certaines mains, est un capital ; la passion d’Ordynov était une arme tournée contre lui-même. (page 4)
Derrière l’isba commençaient les champs et les potagers. À l’horizon, la ligne noire de la forêt bordait le bleu du ciel ; du côté opposé s’amoncelaient des nuages neigeux qui semblaient chasser devant eux une bande d’oiseaux migrateurs, fuyant sans cris, sur le ciel. Tout était silencieux et d’une tristesse solennelle, comme en une sorte d’attente... (Page 10)
Tout ce qu’elle lui avait dit résonnait encore à ses oreilles comme une musique ; et son cœur répondait avec amour, par un coup sourd, douloureux, à chaque souvenir, à chacune de ses paroles répétées religieusement... (Page 37)
Assez, assez versé de larmes sur le malheur d’autrui ! Garde-les pour le jour pénible où tu seras seul à souffrir, où il n’y aura personne avec toi. (Page 41)
C’était par une nuit comme celle-ci, commença Catherine, seulement plus orageuse. Le vent soufflait dans la forêt comme je ne l’avais jamais encore entendu souffler... Ou peut-être est-ce parce que, de cette nuit-là, date ma perte !... (Page 46)
Son cœur battait si fort à cette évocation, ses sensations étaient si vives, si fraîches, qu’il semblait que, depuis le départ de Catherine, il s’était écoulé non pas de longues heures, mais une minute. Ses yeux n’étaient pas encore secs, ou peut-être étaient-ce des larmes nouvelles, jaillies comme d’une source de son âme ardente ! Et, chose étonnante, ses souffrances lui étaient même douces, bien qu’il sentît sourdement, par tout son être, qu’il ne supporterait pas un choc pareil. (Page 57)
- Donne la liberté à un homme faible, il la ligotera lui-même et te la rapportera.(Page 76)
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