[Dostoïevski, Fiodor] Prohartchine
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[Dostoïevski, Fiodor] Prohartchine
Prohartchine
Fiodor Dostoïevski
La Logeuse et autres nouvelles
Bibebook
Traduction J.W. Bienstock
1846
28 pages
978-2-8247-1355-7
Fiodor Dostoïevski
La Logeuse et autres nouvelles
Bibebook
Traduction J.W. Bienstock
1846
28 pages
978-2-8247-1355-7
Résumé de l’éditeur :
M. Prohartchine est un «pauvre-riche». Cette nouvelle est tirée de l'histoire véridique d'un avare lue dans les journaux de la capitale, un «nouvel Harpagon mort en pauvreté sur des monceaux d'or. C'était un conseiller titulaire en retraite. Il ne payait que trois roubles par mois pour loger dans un coin derrière le paravent. Il se plaignait toujours de sa pauvreté et la dernière année avant sa mort il ne paya pas son loyer. Il se refusait des mets chauds même aux derniers jours de sa maladie. Après sa mort, on trouva dans ses effets cent soixante-neuf mille vingt-deux roubles en argent et en billets de banque». La lecture de ce fait divers impressionna Dostoïevski.
Mon avis :
J’ai moyennement apprécié cette nouvelle, qui m’a paru assez décousue, et, par certains moments même, peu compréhensible, lorsque les pensionnaires se disputent autour d’histoires de bureau.
Sémione Ivanovitch Prohartchine est, de l’avis de tous chez sa logeuse Oustinia Féodorovna et les autres locataires qu’elle héberge, un brave homme, quoique timide et peu imaginatif. Il vit dans la même chambre, ou plutôt le même coin derrière un paravent, pour cinq roubles, depuis vingt ans, et à part son travail de modeste employé de bureau, on ne lui connaît aucune activité : il est très sage de mœurs, ne boit pas et ne sort pas. Il aime à reposer, allongé sur son lit, dans le plus complet silence. On ne lui connaît pour tout bien qu’un coffre plein de vieilles affaires, son oreiller et son matelas, et il a mentionné une belle-sœur à qui il doit envoyer de l’argent, ce qui explique peut-être aux yeux de tous qu’il ne fait strictement aucune dépense superflue, et s’accorde à peine l’essentiel. Ses co-locataires, plutôt jeunes et bruyants, employés dans le même bureau, l’ont un peu pris en grippe et aiment à lui jouer des tours et à l’inquiéter en faisant courir de faux bruits. Si bien que Prohartchine tombe vraiment malade, et sombre dans le délire, victime d’étranges frayeurs qui surprennent ceux qui le veillent…
Ce personnage, qui vit dans une totale solitude, mystérieux et taciturne, mais que sa logeuse a pris en affection jusqu’à l’élever au rang de favori, fait somme toute plutôt pitié : il essaie un temps de s’intégrer auprès des autres locataires et de vérifier les rumeurs, mais bien vite il abandonne, et disparaît même plusieurs jours, pour revenir dans un état dont il ne se remettra pas. Certes, il est avare, mais cela ne nuit qu’à sa personne, puisqu’il n’a pas de famille directe : il semble bien plutôt à plaindre parce qu’il ne s’offre aucun confort, ne s’accorde aucune attention (par exemple, il ne donne jamais de linge à blanchir et se débrouille avec ses vieux habits). Un homme dans cette situation est-il seulement atteint d’avarice crasse ou n’a-t-il tout simplement pas appris à prendre soin de lui-même ? Je m’interroge sur cette tendance marquée dans la littérature du XIXème siècle à réprouver farouchement l’avarice, voire l’économie, en ce siècle marqué par l’essor du capitalisme… comme s’il était moralement répréhensible de ne pas s’adonner frénétiquement à la consommation. Il est vrai qu’ici, cette avarice prend un caractère extrême et n’a aucune utilité pour personne, mais il me semble que c’est du ressort de la personne concernée – j’ai du mal à comprendre ce jugement moral péremptoire.
Enfin, les rapports entre Prohartchine et les autres locataires de la demeure restent bien nébuleux : ces derniers oscillent entre moquerie, hostilité, rancœur et pitié. Après l’avoir harcelé, ils se mettent à sa recherche et le soignent avec dévouement, tout en l’accusant d’être fou. De son côté, Prohartchine a une attitude peu claire et semble s’être remis entre les mains d’un ivrogne sans scrupules, autrefois chassé de la même pension. J’avoue avoir un peu renoncé à comprendre les liens entre les personnages dans cette ambivalence et ce manque de logique, et avoir terminé la nouvelle en roue libre, sans intérêt réel pour les personnages et l’intrigue. C’est peut-être une curiosité, mais je ne pense pas que j’aurais eu de l’intérêt pour l’auteur sur la seule base de cette nouvelle. (3/5)
Citations :
« Personne, certes, ne lui voulait de mal, d’autant que, dès les premiers jours, chacun lui avait rendu justice, l’estimant bon et doux, sans grande habitude du monde, mais de rapports très sûrs. Sans doute, il avait ses défauts, mais on pensait que le seul dont il pût éventuellement avoir à souffrir était son manque complet d’imagination. » (page 283)
« Des heures s’écoulaient ainsi, heures de paresse et de somnolence, heures monotones, telles les gouttes d’eau qu’on entendait tomber dans le baquet de la cuisine. » (page 293)
« Encore, s’il eût occupé quelque importante situation et qu’il eût eu femme et enfants ; s’il se fût vu traîné devant un tribunal, mais il ne valait pas tripette, n’ayant pour tout bien qu’un vieux coffre avec un cadenas allemand ; il était resté pendant vingt ans couché derrière un paravent, ignorant tout du monde, de la vie et de ses peines. Et voilà tout à coup, pour une vaine et sotte plaisanterie, qu’il se mettait la tête à l’envers et s’épouvantait à cette découverte que la vie est dure… Mais ne l’est-elle pas pour tout le monde ? » (page 303)
« Le paravent brisé gisait à terre dévoilant la solitude de celui qu’il avait recelé si longtemps et symbolisant cette vérité que la mort arrache tous les voiles, démasque tous les secrets, découvre toutes les intrigues. » (page 310)
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