[Dostoïevski, Fedor] Krotkaïa - la Douce
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[Dostoïevski, Fedor] Krotkaïa - la Douce
Krotkaïa
(La Douce)
Fiodor Dostoïevski
55 pages
Bibebook
Initialement publié dans « Le Journal d'un écrivain » en novembre 1876
Traduction Pauline Halpérine
ISBN : 978-2-8247-1355-7
(La Douce)
Fiodor Dostoïevski
55 pages
Bibebook
Initialement publié dans « Le Journal d'un écrivain » en novembre 1876
Traduction Pauline Halpérine
ISBN : 978-2-8247-1355-7
Résumé de couverture :
" Figurez-vous un mari dont la femme, une suicidée qui s'est jetée par la fenêtre il y a quelques heures, gît devant lui sur une table. Il est bouleversé et n'a pas encore eu le temps de rassembler ses pensées. Il marche de pièce en pièce et tente de donner un sens à ce qui vient de se produire. " Dostoïevski lui-même définit ainsi ce conte dont la violence imprécatoire est emblématique de son œuvre.
Les interrogations et les tergiversations du mari, ancien officier congédié de l'armée, usurier hypocondriaque, retrouvent ici (...) une force peu commune.
Mon avis :
Dans cette nouvelle d'une cinquantaine de pages, l'auteur fait preuve d'un choix d'écriture particulier : c'est un récit subjectif qu'il nous donne, comme si les pensées, ou paroles, de cet homme qui vient d'assister au désastre de son couple, à la perte irrémédiable de celle qu'il aimait, étaient enregistrées au fur et à mesure, en direct, suivant l'ordre chaotique de ses idées.
Le narrateur, dont je n'ai pas relevé le prénom, puisqu'il s'exprime à la première personne (pas plus que je n'ai retenu celui de sa femme, s'il lui en est donné un), a rencontré, dans le cadre de son métier - il est prêteur sur gages - une jeune femme, pleine de courage, mais peu à peu désespérée, au fur et à mesure qu'elle vend tous les objets qui lui tiennent à cœur pour placer des annonces dans les journaux afin de trouver une place de gouvernante, en vain. Elle a 16 ans, lui 41, mais il jette son dévolu sur elle, à la fois pour l'aider, la prendre en charge, et aussi parce qu'il a calculé qu'elle entrait dans l'idée qu'il se fait de la vie idéale. En plus, ses tantes allaient lui faire épouser par intérêt un gros épicier de village, il ne fallait plus hésiter.
Les premiers temps, ils semblent proches du bonheur, en voie de se familiariser l'un avec l'autre, de s'entendre ; mais le mari est un homme sérieux, pétri de principes, et veut contenir ses sentiments, garder l'ascendant sur elle, ne pas s'exposer. Seulement, le silence s'installe... La jeune femme est à la fois douce, presque soumise, ne demande pas grand-chose, bien que leurs règles de vie soient strictes (peu de dépenses, et elle ne doit pas sortir seule). Peut-être son tempérament secrètement passionné, sauvage, se révolte-t-il contre le silence et la distance qu'il maintient entre eux, alors qu'elle a cherché la tendresse et la confiance ; toujours est-il qu'elle commence à changer d'attitude envers lui, d'autant plus qu'elle apprend par hasard qu'il était officier dans l'armée, mais a dû quitter son poste pour avoir refusé un duel. On apprendra par la suite qu'il s'agissait d'accusations injustes, que son honneur n'était pas en cause, mais le mal est fait, il croit même qu'elle va le tromper, jusqu'au paroxysme, lorsqu'une nuit elle s'empare de son revolver et le dirige contre lui.
À travers ce récit d'abord décousu, fébrile, puis de plus en plus cohérent, le mari s'interroge, s'accuse : devant un interlocuteur imaginaire, qui pourrait bien représenter le juge de sa conscience, il déroule les faits qui ont mené à cette tragédie, il explique, comme il n'a pas pu le faire auprès d'elle. Le thème de la culpabilité hante ses propos, il ne peut plus revenir en arrière, à ces moments où, coupable peut-être d'un orgueil déplacé, il voulait qu'elle comprenne d'elle-même, revienne vers lui de son plein gré, lui donne son amour en toute connaissance de cause. Ainsi a-t-il attendu, pendant qu'elle se minait et n'y croyait plus. Je n'ai pas le sentiment qu'il ait voulu exercer une violence psychologique envers elle, il me paraît aussi avoir été victime des circonstances, abîmé par la vie (il a passé trois ans à la rue), et n'a pas su reprendre le cours d'une vie normale, s'est isolé, oubliant de communiquer. Ne dit-on pas également qu'on ne fait jamais plus de mal qu'à ceux dont on veut le bien, surtout quand on n'entend pas ce que la personne aimée désire ? Ne va-t-elle d'ailleurs pas se tuer avec l'icône de la Vierge qu'il lui avait rachetée au tout début de leur rencontre en la payant ostensiblement plus cher, ce qui l'avait blessée, montrant par trop la différence entre eux ?
Dostoïevski nous livre ici un récit dense, prenant, dans lequel est en germe un personnage de femme ambivalente, agitée et douce en même temps, qui réagit mal à la générosité, et se laisse déborder par un caractère fier et sauvage, alors même que l'innocence et la candeur forment le fond de son caractère. La référence qu'il avance est Le Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, sa source d'inspiration quant à la technique de narration adoptée. Le châtiment est certes moral et affectif, mais nous ne pouvons douter que l'homme est fondamentalement condamné - si la justice peut faillir, sa conscience ne lui pardonnera jamais. Une fois de plus, Dostoïevski nous met face à l'abîme d'une infinie complexité de la nature humaine, car nous sommes à même de comprendre les choix des deux protagonistes, et de nous interroger sur la fatalité.
Citations :
Ce n’est point un conte ; ce ne sont point non plus de simples notes. Imaginez un mari en présence du cadavre de sa femme étendu sur une table. C’est quelques heures après le suicide de cette femme, qui s’est jetée par la fenêtre. Le mari est dans un trouble extrême et n’a pu encore rassembler ses pensées. Il marche à travers l’appartement et s’efforce d’élucider cet événement, « de concentrer ses pensées sur un point unique ». (Avant-Propos, page 161)
J’ai compris à cette époque qu’elle était bonne et douce. Les bons et les doux ne résistent pas longtemps, et, quoiqu’ils n’ouvrent pas volontiers leur cœur devant vous, il leur est impossible d’éviter une conversation. Ils sont sobres de réponses, mais ils répondent quand même, et plus vous allez, plus vous obtenez, si vous ne vous fatiguez pas. (Chapitre 1, page 166)
Car vous admettez que si je lui avais fourni des explications, si je les lui avais soufflées, si j’avais pris des détours, si je lui avais réclamé son estime, ç’aurait été comme lui demander l’aumône... (Chapitre 3, page 177)
Ce n’est pas que la chanson fût trop triste, c’était une romance quelconque, mais il y avait dans sa voix quelque chose de brisé, de cassé ; on eût dit qu’elle ne pouvait surmonter ce qui l’empêchait de sortir, on eût dit que c’était la chanson qui était malade. (Chapitre VIII, page 200)
elea2020- Grand sage du forum
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