[Brown, Natasha] Assemblage
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[Brown, Natasha] Assemblage
Titre : Assemblage (Assembly)
Auteur : Natasha BROWN
Traduction : Jakuta ALIKAVAZOVIC
Parution : en anglais en 2021, en français en 2023 (Grasset)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Découvrir l’âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à "Oxbridge", débuter une carrière. Faire tout ce qu’il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des œuvres d’art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n’était.La narratrice d’Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au cœur de la campagne anglaise. C’est l’occasion pour elle d’examiner toutes les facettes de sa personnalité qu’elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?
Le premier roman de Natasha Brown a été une véritable déflagration dans le paysage littéraire britannique. « Virtuose » (the Guardian), « tranchant comme un diamant » (The Observer), Assemblage raconte le destin d’une jeune femme et son combat intime pour la liberté.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Après des études de mathématiques à Cambridge University, Natasha Brown a travaillé pendant une dizaine d’années dans le secteur bancaire. Son premier roman, Assemblage, est encensé dès sa sortie par la critique et les libraires du Royaume-Uni, puis traduit dans le monde entier. Natasha Brown est aujourd’hui considérée comme le grand espoir des lettres britanniques.
Avis :
Sur la lancée de ses études de mathématiques à Cambridge, Natasha Brown a fait carrière dans la finance, avant, la quarantaine approchant, de prendre un congé pour écrire ce livre. On y découvre son manifeste alter ego : une narratrice noire d’origine modeste, elle aussi diplômée de la prestigieuse université britannique, hissée à la force du poignet au rang d’analyste financière gagnant grassement sa vie à la City et de petite amie d’un héritier blanc de la haute bourgeoisie anglaise. Mais voilà que l’annonce d’un cancer agit comme un détonateur dans cette vie jusqu’ici toute entière menée par l’obsession de l’intégration et de la réussite sociale. Elle qui, à force « de labeur et d’huile de coude » et dans un « dépassement sans fin », n’a eu de cesse de se fondre dans les mœurs et les codes de la société britannique, ouvre soudain les yeux : « Je suis tout ce qu’on m’a dit de devenir. Ça ne suffit pas. »
Et, tandis que taisant ses soucis de santé, elle se rend à la garden-party guindée organisée par la famille de son petit ami, celle que l’on présente avec condescendance comme « la nouvelle bonne amie de notre benjamin » se prend intérieurement, dans une colère froide mêlée d’angoisse et de lassitude, à ausculter les fêlures cachées sous son sourire, toutes ces fissures qui rendent si fragile l’assemblage qu’elle est devenue pour se faire accepter – « Sois la meilleure. Travaille plus, travaille mieux. Dépasse toutes les attentes. Mais aussi, sois invisible, imperceptible. Ne mets personne mal à l’aise. Ne gêne personne. N’existe qu’au négatif, dans l’espace alentour. Ne t’insère pas dans le courant de l’Histoire. Ne te fais pas remarquer. Deviens de l’air » – et qui, en fin de compte, n’a jamais servi qu’à la rendre « plus tolérable », irrémédiablement en butte à un racisme diffus et pernicieux la faisant se sentir illégitime et étrangère, comme si elle n’était pas britannique à part entière.
Au travail, elle est d’abord synonyme de diversité, de cette diversité bien comme il faut qui assied la « crédibilité progressiste » de son entourage et dont elle doit contribuer à la promotion par des conférences dans les écoles tout en supportant les réflexions : « C’est tellement plus facile pour vous les Noirs et les Latinos. » Ravies d’un tel alibi, les bonnes consciences se félicitent d’y voir la grandeur si magnanime de l’Angleterre, surtout que – pour une Noire ? – elle « parle si bien ! » Dans le même temps, la rue lui crache du « putain de n***sse » et le personnel d’Heathrow la renvoie d’office au check-in classe éco. Alors, soudain fatiguée, elle résume ainsi sa situation : « Née ici, de parents nés ici, jamais vécu ailleurs – pourtant, jamais d’ici. »
Entre observation clinique et introspection fiévreuse, la narration abrupte et morcelée s’assemble autour de cette femme noire que son quasi anonymat – d’elle, on ne connaîtra rien de personnel, même pas un prénom – transforme en figure emblématique pour dénoncer l’indécrottable hypocrisie d’une société britannique terriblement fermée malgré les beaux discours : « Toujours, cette pression, pile à cet endroit. Assimilez-vous, assimilez-vous… Dissolvez-vous dans le melting-pot. Puis coulez-vous dans le moule. Pliez vos os jusqu’à ce qu’ils craquent, se fendent, jusqu’à ce que ça rentre. Forcez-vous à épouser leur forme. (…) Et toujours, en ligne de basse, sous le vocabulaire insistant de la tolérance et de la convivialité – disparaissez ! Fondez-vous dans la soupe multiculturelle de Londres. »
La lucidité dure et désabusée de ce texte douche tout espoir du revers de ses phrases implacables : ce sont désormais d’invisibles – mais tout aussi infranchissables – parois de verre que, de façon insidieuse et très politiquement correcte, le racisme use aujourd’hui en Angleterre. Un livre qui fait mal, tant il paraît désespéré. (4/5)
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