[Sakharov, Andreï] Mémoires

Mémoires (памяти)
Auteur : Andreï Sakharov
Traduit du russe par Alexis et Wladimir Berelowitch
avec la collaboration de Dominique Legrand pour les passages scientifiques
Éditions : Seuil (28 Mai 1990)
ISBN : 978-2020109222
820 pages

Quatrième de couverture

Dans ces Mémoires, Sakharov raconte en détail, après l'enfance, le temps des études et de la guerre, ce que fut la vie de «L'Installation», cette unité de recherche ultra-secrète mise en place par Staline et Beria pour mettre au point la bombe thermonucléaire. Du succès sont nés les premiers doutes, puis, malgré les honneurs, la contestation des méthodes et des buts de ses employeurs du Soviet suprême. Sakharov décrit l'entrée progressive dans la défense sans faille des dissidents, malgré les innombrables avanies matérielles et morales que le KGB lui fait subir. Il souligne aussi le rôle essentiel dans cette résistance d'Elena Bonner, sa seconde épouse. Arrêtés après leur critique de l'invasion en Afghanistan, puis assignés à résidence à Gorki, ils sont humiliés, malmenés, et ne retrouvent la liberté qu'en décembre 1986.

Mon avis

Andreï Sakharov a écrit ses Mémoires sur plusieurs années, notamment lorsqu’il était en exil à Gorki. Il a fait passer ses textes, « sous le manteau », en cachette. Parfois, le KGB lui a volé les feuilles sur lesquelles il avait écrit et il a dû tout recommencer, sans jamais se décourager. Ce livre est un témoignage fort sur les pressions subies, sur sa prise de conscience face à la bombe atomique. On dit de lui que c’était « Un juste », un militant pour l’humanisme, le respect de l’autre, pour le partage, un homme qui n’a jamais baissé les bras, qui a combattu jusqu’au bout, ne serait-ce que pour nous transmettre ce livre (ce qui n’était pas gagné comme expliqué dans la préface).

Il y raconte sa famille, son couple, il fait son mea culpa. Il a cru que Staline voulait la paix, il a compris son erreur et a tout fait pour que les choses changent. Le fil est linéaire, le style plutôt fluide et l’écriture plaisante comme quelqu’un qui raconte. Les passages scientifiques n’intéresseront pas tout le monde mais ils avaient sans doute leur raison d’être pour lui. Quelques photos en noir et blanc complètent l’ouvrage. Il y a de nombreuses annexes et une préface explicative très intéressante. Des dialogues rendent le propos plus vivant.

On peut se demander face à la souffrance, face à la barberie où les hommes puisent les ressources nécessaires pour ne pas s’effondrer, pour continuer à vivre, pour espérer encore et encore un mieux, une solution, voire un semblant de compréhension. Andreï Sakharov était soutenu par Elena Bonner et par d’autres dans l’ombre. Même s’il ne pouvait pas les rencontrer, ils savaient qu’ils étaient là. Peut-être que ça l’a aidé.

Heureusement qu’il y a des personnes, comme lui, qui se sont exprimées, qui ont osé malgré la prise de risque, malgré le danger …

Ce recueil est profond, édifiant, inspirant. Il est écrit en petits caractères serrés donc pas forcément aisé à lire mais le contenu est tellement puissant (la traduction doit être de qualité car je n’ai pas senti de lourdeurs) qu’on ne peut qu’être captivé. Un ouvrage à lire … à transmettre et à ne pas oublier ….