[Makine, Andreï] La Musique d'une vie
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[Makine, Andreï] La Musique d'une vie
La Musique d'une vie
Andreï Makine
Le Club
121 pages
ISBN : 2-7028-4412-X
(couverture autre que celle de mon édition)
Résumé de couverture :
Le premier concert du jeune pianiste Alexeï Berg est annoncé pour le 24 mai 1941. Fin du long purgatoire que sa famille a vécu durant les années de terreur. Promesse d'oubli, de célébrité future, de nouvelles rencontres parmi la jeunesse dorée de la capitale... Or, ce concert n'aura pas lieu. La vie d'Alexeï se jouera sur une partition différente, marquée par l'amour sans nom, par la familiarité avec la mort, par la découverte de la dignité des vaincus. Car ce " roman-destin " est d'abord un éloge de l'indomptable force de l'esprit, de la résistance intérieure. Et c'est aussi une histoire pleine d'un charme profond, qu'on lira et qu'on relira, un vrai joyau.
Mon avis :
Un vrai coup de coeur pour ce bref roman, extrêmement maîtrisé dans sa composition et ses motifs entêtants, qui prennent des sens différents et plus riches à chaque fois qu'ils se présentent, pour le style épuré et d'une grande élégance, j'ai envie de dire perfection, parce que même les descriptions sont remarquables de profondeur et d'intérêt, de sens pour l'intrigue et l'atmosphère. Rien n'est perdu. En outre, le destin du personnage qui confie au narrateur le récit de sa vie, est poignant et absolument vrai, il est nôtre.
Le narrateur, intellectuel moscovite, revient de l'Oural par un temps de tempête de neige, et se trouve bloqué dans une petite gare, la nuit, au milieu d'hommes et de femmes modestes, qui se contentent de peu, dorment sur des journaux, restent en tout points résignés. Le narrateur s'en vient à s'interroger amèrement sur la notion d'"homo sovieticus" que l'écrivain Alexandre Zinoviev a fait connaître. Des soldats, une prostituée, et encore l'attente... Il essaie de rester bienveillant, mais finit par voir ces êtres avilis comme un troupeau, gagné lui-même par la fatigue.
Toutefois, il est amené par hasard, dans cette même gare, à faire une curieuse rencontre, celle d'un pianiste secret, un homme assez âgé, qui pleure sur les touches du piano - est-ce à cause de ses mains maladroites, barrées de cicatrices ?
Le narrateur, gêné, doit feindre de n'avoir pas surpris les larmes de l'homme, qui le prend en sympathie et le guide lorsque le train entre enfin en gare, pour réussir à monter dans un vieux wagon, rajouté tout au bout du convoi.
Dans la cabine du train qui file dans la nuit enneigée, allongés sur des couchettes au bois dur, mais enfin partis pour Moscou, l'un écoute et l'autre raconte, d'une voix sourde, son étrange destin...
Il est important de découvrir par soi-même les étapes et aléas de cette vie, qui passe par la guerre et par un changement d'identité ; je dirai simplement que l'histoire personnelle d'un jeune homme est prise, engluée dans l'histoire de son pays, comme en une toile d'araignée, et que la tournure des événements ne facilitera pas sa recherche presqu'inconsciente d'un sens, d'une clé musicale, pour assembler tous ces motifs épars, leur rendre une unité. L'amour aura sa place, à travers plusieurs figures, et ce n'est pas la moindre qualité que le respect ému des femmes dont il témoigne, et la douceur des évocations de l'amour, qu'il soit timide, emprunté, ou concubin, physique.
C'est bel et bien "la musique d'une vie", musique qui atteindra un point culminant tragique, bien qu'il s'agisse d'un moment absolument, purement beau, et remplira son existence au détriment de tout, dans une solitude poignante, par-delà les immensités froides du nord du pays...
L'enchantement est durable, il m'est aussi difficile de sortir de la magie des mots qui m'ont transportée que de choisir un (seul) passage pour témoigner de ce sentiment. En fait, c'est tout le livre que je devrais recopier !
Extrait :
"Une femme de ménage, âgée, silencieuse, installa Alexeï dans une petite pièce à côté de l'entrée, lui apporta un verre de thé. La pièce, mi-vestiaire mi-débarras, avait une étroite fenêtre, derrière laquelle planaient les flocons de la première neige. Il se sentit tout de suite très bien dans ce réduit, comme si ce lieu marquait enfin un retour. Distraitement, il suivait le glissement des flocons qui semblaient voltiger dans une journée très ancienne, sur une ville oubliée. le thé avait aussi ce goût d'autrefois. Comme le silence du grand appartement dans la chute du jour. Comme la présence invisible de la femme de ménage qu'il entendit soupirer dans la cuisine. Et soudain, assourdies par le couloir, hésitantes, ces quelques notes. Puis toute une phrase sonore. Puis cette musique." (page 94)
Andreï Makine
Le Club
121 pages
ISBN : 2-7028-4412-X
(couverture autre que celle de mon édition)
Résumé de couverture :
Le premier concert du jeune pianiste Alexeï Berg est annoncé pour le 24 mai 1941. Fin du long purgatoire que sa famille a vécu durant les années de terreur. Promesse d'oubli, de célébrité future, de nouvelles rencontres parmi la jeunesse dorée de la capitale... Or, ce concert n'aura pas lieu. La vie d'Alexeï se jouera sur une partition différente, marquée par l'amour sans nom, par la familiarité avec la mort, par la découverte de la dignité des vaincus. Car ce " roman-destin " est d'abord un éloge de l'indomptable force de l'esprit, de la résistance intérieure. Et c'est aussi une histoire pleine d'un charme profond, qu'on lira et qu'on relira, un vrai joyau.
Mon avis :
Un vrai coup de coeur pour ce bref roman, extrêmement maîtrisé dans sa composition et ses motifs entêtants, qui prennent des sens différents et plus riches à chaque fois qu'ils se présentent, pour le style épuré et d'une grande élégance, j'ai envie de dire perfection, parce que même les descriptions sont remarquables de profondeur et d'intérêt, de sens pour l'intrigue et l'atmosphère. Rien n'est perdu. En outre, le destin du personnage qui confie au narrateur le récit de sa vie, est poignant et absolument vrai, il est nôtre.
Le narrateur, intellectuel moscovite, revient de l'Oural par un temps de tempête de neige, et se trouve bloqué dans une petite gare, la nuit, au milieu d'hommes et de femmes modestes, qui se contentent de peu, dorment sur des journaux, restent en tout points résignés. Le narrateur s'en vient à s'interroger amèrement sur la notion d'"homo sovieticus" que l'écrivain Alexandre Zinoviev a fait connaître. Des soldats, une prostituée, et encore l'attente... Il essaie de rester bienveillant, mais finit par voir ces êtres avilis comme un troupeau, gagné lui-même par la fatigue.
Toutefois, il est amené par hasard, dans cette même gare, à faire une curieuse rencontre, celle d'un pianiste secret, un homme assez âgé, qui pleure sur les touches du piano - est-ce à cause de ses mains maladroites, barrées de cicatrices ?
Le narrateur, gêné, doit feindre de n'avoir pas surpris les larmes de l'homme, qui le prend en sympathie et le guide lorsque le train entre enfin en gare, pour réussir à monter dans un vieux wagon, rajouté tout au bout du convoi.
Dans la cabine du train qui file dans la nuit enneigée, allongés sur des couchettes au bois dur, mais enfin partis pour Moscou, l'un écoute et l'autre raconte, d'une voix sourde, son étrange destin...
Il est important de découvrir par soi-même les étapes et aléas de cette vie, qui passe par la guerre et par un changement d'identité ; je dirai simplement que l'histoire personnelle d'un jeune homme est prise, engluée dans l'histoire de son pays, comme en une toile d'araignée, et que la tournure des événements ne facilitera pas sa recherche presqu'inconsciente d'un sens, d'une clé musicale, pour assembler tous ces motifs épars, leur rendre une unité. L'amour aura sa place, à travers plusieurs figures, et ce n'est pas la moindre qualité que le respect ému des femmes dont il témoigne, et la douceur des évocations de l'amour, qu'il soit timide, emprunté, ou concubin, physique.
C'est bel et bien "la musique d'une vie", musique qui atteindra un point culminant tragique, bien qu'il s'agisse d'un moment absolument, purement beau, et remplira son existence au détriment de tout, dans une solitude poignante, par-delà les immensités froides du nord du pays...
L'enchantement est durable, il m'est aussi difficile de sortir de la magie des mots qui m'ont transportée que de choisir un (seul) passage pour témoigner de ce sentiment. En fait, c'est tout le livre que je devrais recopier !
Extrait :
"Une femme de ménage, âgée, silencieuse, installa Alexeï dans une petite pièce à côté de l'entrée, lui apporta un verre de thé. La pièce, mi-vestiaire mi-débarras, avait une étroite fenêtre, derrière laquelle planaient les flocons de la première neige. Il se sentit tout de suite très bien dans ce réduit, comme si ce lieu marquait enfin un retour. Distraitement, il suivait le glissement des flocons qui semblaient voltiger dans une journée très ancienne, sur une ville oubliée. le thé avait aussi ce goût d'autrefois. Comme le silence du grand appartement dans la chute du jour. Comme la présence invisible de la femme de ménage qu'il entendit soupirer dans la cuisine. Et soudain, assourdies par le couloir, hésitantes, ces quelques notes. Puis toute une phrase sonore. Puis cette musique." (page 94)
elea2020- Grand sage du forum
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Nombre de messages : 5875
Age : 56
Localisation : 44
Emploi/loisirs : enseignante en reconversion
Genre littéraire préféré : dystopies et classiques, littérature russe
Date d'inscription : 02/01/2020
Re: [Makine, Andreï] La Musique d'une vie
C'est noté elea2020. Merci!
Moulin-à-Vent- Grand sage du forum
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Age : 72
Localisation : Québec
Emploi/loisirs : Retraité
Genre littéraire préféré : Roman historique
Date d'inscription : 07/01/2012
Re: [Makine, Andreï] La Musique d'une vie
Merci à toi @Moulin-à-vent.
elea2020- Grand sage du forum
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Nombre de messages : 5875
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Emploi/loisirs : enseignante en reconversion
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Date d'inscription : 02/01/2020
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