[De Luca, Erri] Les règles du mikado
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[De Luca, Erri] Les règles du mikado
Titre : Les règles du mikado (Le regole dello Shangai)
Auteur : Erri DE LUCA
Traduction : Danièle VALIN
Parution : en italien en 2023, en français en 2024 (Gallimard)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Dans les montagnes près de la frontière entre l’Italie et la Slovénie, un vieil horloger a pour habitude de camper en solitaire. Une nuit d’hiver, une jeune tsigane entre dans sa tente et lui demande de l’abriter. Elle a fui sa famille et le mariage forcé qu’on lui imposait de l’autre côté des montagnes. Cette rencontre inaugure une entente faite de dialogues nocturnes sur les hommes et la vie, un échange de connaissances et de visions — elle qui croit au destin, aux signes, qui sait lire les lignes de la main, elle qui dresse un ours et l’aime comme le meilleur des amis ; lui qui se sent tel un rouage de la machine du monde et qui interprète ce monde selon les règles du Mikado, comme si le jeu était une façon de mettre de l’ordre dans le chaos. Dans ce roman dense et délicat, où chaque mot ouvre sur des significations plus profondes, où chaque phrase est un chemin vers soi-même, Erri De Luca nous invite à un jeu calme, patient et lucide, dans lequel un mouvement imperceptible peut changer le cours de la partie.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Erri De Luca, né à Naples en 1950, est écrivain, poète et traducteur. Il est l’auteur d’une œuvre abondante, publiée en France par les Éditions Gallimard, dont les romans Montedidio (2002, prix Femina étranger) et plus récemment Impossible (2020, prix André Malraux)
Avis :
« Lui, c’est un vieux campeur solitaire. Il passe de longues périodes en montagne, même en hiver. Elle, c’est une jeune gitane qui a fui sa famille et son campement. » Ajoutant que l’histoire « se passe à une époque récente, si le XXe siècle l’est encore », l’auteur s’efface aussitôt du récit qui, sans plus d’intervention extérieure, ni même de noms pour lui et elle, laisse le dialogue, puis un échange de lettres, et enfin un cahier, nous faire comprendre le fil des événements, au gré de ce que les personnages voudront bien se dire. Au bout du compte, comme l’un et l’autre auront longtemps gardé leur part de secret, le dévoilement final sera aussi inattendu pour eux que pour le lecteur.
De lui, l’on pensera tout savoir quand il racontera distraire sa vieille solitude bien réglée d’horloger réparateur de montres anciennes en venant souvent camper sauvagement sur la frontière italo-slovaque et en s’investissant dans une fondation humanitaire, nommée Mikado en référence à sa passion pour ce jeu très ancien. Il ne paraîtra donc pas étonnant qu’il vienne en aide à une adolescente fuyant d’abord un mariage arrangé, puis la police des migrants. Entre elle qui lit dans les lignes de la main et lui qui tente d’ordonner le chaos du monde en lui opposant les règles du Mikado – rester patient, anticiper et, ni vu ni connu, enlever impassiblement le bâton noir –, se noue une histoire d’amitié que rien ne viendra plus rompre, commencée par une nuit de hasard au gré d'une conversation entre deux solitudes et poursuivie de façon épistolaire sans que l’un ni l’autre ne réalisent à quel point leur échange est devenu une affaire de transmission. Car, si lui, pour la protéger, n’a pas tout dit sur ses motivations humanitaires, elle ne lui révèlera pas non plus ce que, pour l’épargner à son tour, elle finira par endosser à sa place. Conformément aux règles du Mikado, chacun jouera sa vie en veillant à pas toucher à celle de l’autre.
D’une richesse métaphorique aussi remarquable que la sobriété de son écriture, le texte travaillé jusqu’à l’épure s’avère un conte philosophique qui, l’air de rien, au détour de petites phrases s’imposant comme autant d’aphorismes, déploie une réflexion toute de bienveillance et de poésie douce-amère sur l’amitié, la solitude et la vieillesse, ménageant ses effets de surprise jusqu’au retournement final. Pourtant, est-ce de trop chercher à tout doter d’un double sens ? L’ensemble si bien léché finit par prendre un éclat artificiel, ses joliesses et son indéniable tour de main ne rendant que plus frustrant un sentiment de creux et d’agacement. A défaut de paraître tout à fait sentencieuse, une telle surenchère allégorique sape l’émotion et désincarne les personnages auxquels l’on ne croit plus. Reste un bel objet de virtuosité formelle, une fable suffisamment dotée en charme et en suspense pour se lire sans déplaisir. (3,5/5)
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