[Gaudé, Laurent] Ouragan

Beaucoup de belles choses - que dis-je ? - de magnifiques choses, dans ce livre.

L’écriture d’abord, roulante et syncopée, prière, chanson, ronde aux allures d’incantations scandées par des personnages livrés à eux-mêmes, à leurs peurs, à leurs désirs, à leurs courages. Un texte aussi mélodieux qu’un blues, qu’un envoûtant negro spiritual.
Les personnages ensuite, complexes, parfois torturés, ambigus, ou au contraire inébranlables, monolithiques, mais toujours d’une profonde humanité, d’un réalisme troublant.
L’histoire, enfin, tellement vraie, tellement révoltante, et pourtant si facile à oublier lorsque les caméras s’en détournent au profit d’autre drames, plus proches, plus récents. Le martyre d’une ville entière, de ses habitants les plus pauvres entraînés dans sa chute, victimes de l’arrogance des puissants bien à l’abri sur les hauteurs, de toute façon certains de leur toute puissance face à la nature déchaînée.

Dans des passages splendides, pleins de compassion et de pudeur, de grandeur et de simplicité, l’auteur est parvenu à me faire ressentir la peine, le courage, la fierté de ces populations noires et pauvres, malmenées, oubliées, mais toujours debout.
Ma gorge s’est serrée, et plus d’une fois, je l’avoue volontiers. A la lecture de Laissez passer la Louisiane, image vibrante d’une Joséphine Lincoln Steelson drapée dans la bannière étoilée d’une nation qui les a, encore, abandonnés. Egalement pour Le chant négresse, mélopée sauvage exprimant la détresse et la force d’une ville meurtrie. Et enfin pour Ô le long baiser, et la mort, hymne au courage, à l’abnégation, à l’amour véritable, charnel autant que spirituel, dans lequel Keanu va retrouver sa raison de vivre.

Un vrai coup de cœur, à déguster sans aucune modération.