[Tchekhov, Anton Pavlovitch] La cerisaie
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Votre avis sur "La cerisaie"
[Tchekhov, Anton Pavlovitch] La cerisaie
Genre : Théâtre
Editions : Gallimard
ISBN : 2070305856
208 pages
Quatrième de couverture :
«C'est dans cette chambre que je dormais, d'ici que je regardais le jardin, le bonheur se réveillait en moi tous les matins...» Lioubov Andreevna Raveskaïa revient chez elle après une longue absence, ruinée par l'amant qu'elle a suivi cinq ans auparavant. Elle est dans l'obligation de vendre la Cerisaie, son domaine et, qui plus est, à celui qui auparavant la servait : autres temps, autres classes sociales... C'est dans ces circonstances qu'elle retrouve une dernière fois sa famille et règle les détails de la vente. En quatre actes, on parle, on chante, on rêve, on soupire, on danse jusqu'au matin. Un véritable bal à regarder et à écouter, entre deux cerisiers qui hésitent à fleurir.
Mon avis : Encore une fois, me voilà bien ennuyée pour faire une critique, étant définitivement hermétique au genre théâtral.
Je peux évidemment dire que le style est résolument original. Tchekov mêle volontairement dans les dialogues de ses personnages des réflexions profondes et triviales dans un but avoué de réalisme. Je peux dire également que les notes de lecture sont innombrables. En fait, pour une simple lecture, c’est même un peu trop fourni. Et enfin, je peux dire que les noms des personnages, comme dans toute oeuvre russe qui se respecte, sont à peu près aussi innombrables que les notes de lecture .
Ce n’est pas grand-chose pour une critique, je l’accorde, mais d’autres sur ce forum pourront peut-être la compléter.
Ma note : 5/10Je peux évidemment dire que le style est résolument original. Tchekov mêle volontairement dans les dialogues de ses personnages des réflexions profondes et triviales dans un but avoué de réalisme. Je peux dire également que les notes de lecture sont innombrables. En fait, pour une simple lecture, c’est même un peu trop fourni. Et enfin, je peux dire que les noms des personnages, comme dans toute oeuvre russe qui se respecte, sont à peu près aussi innombrables que les notes de lecture .
Ce n’est pas grand-chose pour une critique, je l’accorde, mais d’autres sur ce forum pourront peut-être la compléter.
Invité- Invité
Re: [Tchekhov, Anton Pavlovitch] La cerisaie
Je clos avec La Cerisaie les quatre pièces de Tchékhov que j'avais sous la main, et comme je prends la suite d'une présentation, je donnerai simplement mon avis sur cette lecture, qui est un coup de cœur durable.
Mon avis sur la pièce :
Cette pièce d’Anton Tchékhov a été créée et représentée en 1904, l’année de la mort de l’auteur. A bien des titres c’est un drame touchant, quoique Tchékhov maintenait qu’il avait écrit une comédie, presque une farce.
La pièce a pour décor une belle et vaste propriété de famille à la campagne, sur laquelle on exploitait autrefois une cerisaie, « le plus beau lieu du monde », selon Lioubov Ranevskaïa et son frère, Léonid Gaev. Le premier acte s’ouvre avec des valises, et la fébrilité de l’installation des personnages, à deux heures du matin : Lioubov revient de Paris avec sa fille Ania, une gouvernante, Charlotta Ivanovna, et Yacha, valet canaille. La mère et la fille sont accueillies avec joie par Gaev, Varia, fille sérieuse et travailleuse, la fille adoptive de Lioubov, les serviteurs, et les personnages qui, une fois de plus, gravitent autour d’eux et profitent de leurs bienfaits ou hospitalité, on ne sait trop.
Ainsi, une galerie de personnages secondaires s’installe, leurs relations se précisent au cours de scènes présentant des successions de duos ou trios, tandis qu’on vit à nouveau à la Cerisaie. La musique anime les journées, on danse, on discourt, on admire les « tours » de Charlotta, l’orpheline solitaire, vraie femme de cirque, qui fait des tours de magie avec un jeu de cartes et joue même les ventriloques.
Mais le jeu, la légèreté, le manque de sérieux, et l’auto-dérision, ne sont qu’un art de vivre pratiqué à l’extrême par les personnages : Gaev gesticule curieusement en mimant des parties de billard, Lioubov donne et dépense sans compter, elle est touchante et fragile, passe du rire aux larmes (il faut dire que cinq ans auparavant, son jeune fils de 7 ans s’est noyé dans la rivière sur ce domaine), soucieuse de ce qu’on pense d’elle, Piotr Pistchik passe son temps à emprunter de l’argent, Semion Epikhodov, le comptable, est extrêmement maladroit et on le surnomme « les 22 malheurs »… Même les choses sérieuses sont tournées en dérision : on plaisante sur une union à venir entre Ermolaï Lopakhine, fils de moujik devenu riche marchand, et Varia, mais celui-ci ne pense qu’à travailler et gagner de l’argent, et ne se déclare jamais à Varia, qui languit dans l’attente.
Pourtant, la légèreté n’aura qu’un temps, car la Cerisaie va mal : la famille est criblée de dettes, Lioubov a été dépouillée par un amant qui l’a abandonnée, son frère n’a pas les pieds sur terre et ne sait pas travailler. Attendri par ses souvenirs d’enfance, Ermolaï Lopakhine essaie de leur faire entendre raison – mais son conseil étant de lotir la propriété pour la louer à des vacanciers, en modernisant la gestion des sols, et surtout, en abattant les arbres, il n’en est pas question. On sent bien qu’il n’existe pas de solution viable entre les deux, qu’ici deux mondes s’affrontent, que l’un appartient déjà au passé, quand l’autre représente l’appétit du gain qui ne respecte rien du patrimoine.
Les trois premiers actes ne sont qu’une fuite en avant pour retrouver les jours du passé, profiter du soleil de mai, s’étourdir, sans se poser de questions ; pourtant, l’inéluctable décision, qui va du reste se jouer hors de la volonté des intéressés, se rapproche, et au quatrième acte, tout en se préparant à partir, en rassemblant les bagages, on attend encore des nouvelles de la vente. On fait les adieux quand le sort d’aucun n’est fixé.
C’est peut-être le couple des jeunes qui aura l’énergie de se lancer dans l’activité, Ania et Piotr Trofimov, l’éternel étudiant, dont on se moque parce qu’il est pauvre, mais qui prend une stature différente dans les derniers actes, et se révèle caustique observateur de l’agitation stérile des maîtres :
« Qu’est-ce que cela peut bien faire que la propriété soit vendue aujourd’hui, ou pas ? De toute façon, c’est une affaire réglée, sans retour, l’herbe a envahi le sentier. Calmez-vous, mon amie, cessez de vous leurrer. Pour une fois dans votre vie, regardez la vérité en face. »
Par ailleurs, Ania prend le relais en consolant sa mère, et en lui dépeignant l’avenir sous un jour radieux ; on se prend à espérer que l’avenir est effectivement entre les mains de ces jeunes-là. Il est du moins évident que ceux-ci ont pris des décisions, ils savent où ils vont, alors que Lioubov et Gaev n’ont rien décidé pour la suite…
J’ai lu cette pièce très vite, avec un grand intérêt, et une impression poignante : tout d’abord, « la Cerisaie » est un si beau titre, on a immédiatement sous les yeux la vue des pétales blancs, éphémère beauté, qui symbolise si bien l’atmosphère de la pièce – fragilité de la vie, mais retour opiniâtre des saisons, année après année. La vie d’avant a ainsi duré mais se perd, en raison de l’inconséquence et de l’oisiveté des maîtres.
La pièce se suit très bien, avec ces détails de la vie courante, qui font qu’on y porte de l’intérêt sans même se rendre compte qu’on lit. J’ai eu seulement un peu plus de mal à suivre les intrigues secondaires – c’est une pièce qui demande à être relue, mais elle restera dans mes impressions de lecture marquantes, elle est très prenante et mélancolique, et peut-être que les aspects drôles ou légers de certains personnages sont là pour masquer le drame qui se joue dès le début. Il y a en tout cas une grande humanité dans la façon qu’a Tchékhov d’aborder leur personnalité, de saisir les détails qui donnent sens, et, en même temps, de considérer avec une grande indulgence que chacun a ses raisons, et de tenter de les exprimer dans leur complexité. La pièce continue dans nos têtes et nos cœurs bien après que le rideau retombe.
Mon avis sur la pièce :
Cette pièce d’Anton Tchékhov a été créée et représentée en 1904, l’année de la mort de l’auteur. A bien des titres c’est un drame touchant, quoique Tchékhov maintenait qu’il avait écrit une comédie, presque une farce.
La pièce a pour décor une belle et vaste propriété de famille à la campagne, sur laquelle on exploitait autrefois une cerisaie, « le plus beau lieu du monde », selon Lioubov Ranevskaïa et son frère, Léonid Gaev. Le premier acte s’ouvre avec des valises, et la fébrilité de l’installation des personnages, à deux heures du matin : Lioubov revient de Paris avec sa fille Ania, une gouvernante, Charlotta Ivanovna, et Yacha, valet canaille. La mère et la fille sont accueillies avec joie par Gaev, Varia, fille sérieuse et travailleuse, la fille adoptive de Lioubov, les serviteurs, et les personnages qui, une fois de plus, gravitent autour d’eux et profitent de leurs bienfaits ou hospitalité, on ne sait trop.
Ainsi, une galerie de personnages secondaires s’installe, leurs relations se précisent au cours de scènes présentant des successions de duos ou trios, tandis qu’on vit à nouveau à la Cerisaie. La musique anime les journées, on danse, on discourt, on admire les « tours » de Charlotta, l’orpheline solitaire, vraie femme de cirque, qui fait des tours de magie avec un jeu de cartes et joue même les ventriloques.
Mais le jeu, la légèreté, le manque de sérieux, et l’auto-dérision, ne sont qu’un art de vivre pratiqué à l’extrême par les personnages : Gaev gesticule curieusement en mimant des parties de billard, Lioubov donne et dépense sans compter, elle est touchante et fragile, passe du rire aux larmes (il faut dire que cinq ans auparavant, son jeune fils de 7 ans s’est noyé dans la rivière sur ce domaine), soucieuse de ce qu’on pense d’elle, Piotr Pistchik passe son temps à emprunter de l’argent, Semion Epikhodov, le comptable, est extrêmement maladroit et on le surnomme « les 22 malheurs »… Même les choses sérieuses sont tournées en dérision : on plaisante sur une union à venir entre Ermolaï Lopakhine, fils de moujik devenu riche marchand, et Varia, mais celui-ci ne pense qu’à travailler et gagner de l’argent, et ne se déclare jamais à Varia, qui languit dans l’attente.
Pourtant, la légèreté n’aura qu’un temps, car la Cerisaie va mal : la famille est criblée de dettes, Lioubov a été dépouillée par un amant qui l’a abandonnée, son frère n’a pas les pieds sur terre et ne sait pas travailler. Attendri par ses souvenirs d’enfance, Ermolaï Lopakhine essaie de leur faire entendre raison – mais son conseil étant de lotir la propriété pour la louer à des vacanciers, en modernisant la gestion des sols, et surtout, en abattant les arbres, il n’en est pas question. On sent bien qu’il n’existe pas de solution viable entre les deux, qu’ici deux mondes s’affrontent, que l’un appartient déjà au passé, quand l’autre représente l’appétit du gain qui ne respecte rien du patrimoine.
Les trois premiers actes ne sont qu’une fuite en avant pour retrouver les jours du passé, profiter du soleil de mai, s’étourdir, sans se poser de questions ; pourtant, l’inéluctable décision, qui va du reste se jouer hors de la volonté des intéressés, se rapproche, et au quatrième acte, tout en se préparant à partir, en rassemblant les bagages, on attend encore des nouvelles de la vente. On fait les adieux quand le sort d’aucun n’est fixé.
C’est peut-être le couple des jeunes qui aura l’énergie de se lancer dans l’activité, Ania et Piotr Trofimov, l’éternel étudiant, dont on se moque parce qu’il est pauvre, mais qui prend une stature différente dans les derniers actes, et se révèle caustique observateur de l’agitation stérile des maîtres :
« Qu’est-ce que cela peut bien faire que la propriété soit vendue aujourd’hui, ou pas ? De toute façon, c’est une affaire réglée, sans retour, l’herbe a envahi le sentier. Calmez-vous, mon amie, cessez de vous leurrer. Pour une fois dans votre vie, regardez la vérité en face. »
Par ailleurs, Ania prend le relais en consolant sa mère, et en lui dépeignant l’avenir sous un jour radieux ; on se prend à espérer que l’avenir est effectivement entre les mains de ces jeunes-là. Il est du moins évident que ceux-ci ont pris des décisions, ils savent où ils vont, alors que Lioubov et Gaev n’ont rien décidé pour la suite…
J’ai lu cette pièce très vite, avec un grand intérêt, et une impression poignante : tout d’abord, « la Cerisaie » est un si beau titre, on a immédiatement sous les yeux la vue des pétales blancs, éphémère beauté, qui symbolise si bien l’atmosphère de la pièce – fragilité de la vie, mais retour opiniâtre des saisons, année après année. La vie d’avant a ainsi duré mais se perd, en raison de l’inconséquence et de l’oisiveté des maîtres.
La pièce se suit très bien, avec ces détails de la vie courante, qui font qu’on y porte de l’intérêt sans même se rendre compte qu’on lit. J’ai eu seulement un peu plus de mal à suivre les intrigues secondaires – c’est une pièce qui demande à être relue, mais elle restera dans mes impressions de lecture marquantes, elle est très prenante et mélancolique, et peut-être que les aspects drôles ou légers de certains personnages sont là pour masquer le drame qui se joue dès le début. Il y a en tout cas une grande humanité dans la façon qu’a Tchékhov d’aborder leur personnalité, de saisir les détails qui donnent sens, et, en même temps, de considérer avec une grande indulgence que chacun a ses raisons, et de tenter de les exprimer dans leur complexité. La pièce continue dans nos têtes et nos cœurs bien après que le rideau retombe.
elea2020- Grand sage du forum
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