[Thùy, Kim] Em
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[Thùy, Kim] Em
Titre : Em
Auteur : Kim THUY
Parution : 2020 (Québec), 2021 (Liana Levi)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
La vérité de cette histoire est morcelée, incomplète, inachevée dans le temps et dans l’espace. Elle passe par les colons implantés en Indochine pour y exploiter les terres et les forêts. Par les hévéas transplantés et incisés afin de produire l’indispensable caoutchouc. Par le sang et les larmes versés par les coolies qui saignaient les troncs. Par la guerre appelée «du Vietnam» par les uns et «américaine» par les autres. Par les enfants métis arrachés à Saigon par un aigle volant avant d’être adoptés sur un autre continent. C’est une histoire d’amour qui débute entre deux êtres que tout sépare et se termine entre deux êtres que tout réunit ; une histoire de solidarité aussi, qui voit des enfants abandonnés dormir dans des cartons et des salons de manucure fleurir dans le monde entier, tenus par d’anciens boat people.
Avec ce livre, Kim Thúy nous découvre, au-delà des déchirements, l’inoubliable pays en forme de S qu’elle a quitté en 1975 sur un bateau.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Kim Thúy est née en 1968 à Saigon en pleine guerre du Vietnam. À l’âge de dix ans, elle fait partie des centaines de milliers de boat people fuyant le régime communiste. Installée à Montréal, elle exerce différents métiers – couturière, interprète, avocate ou encore restauratrice – avant de se consacrer à l’écriture. En 2010, Ru devient un best-seller en France et au Québec. Traduit dans plus de vingt pays, il obtient le Prix du Gouverneur général et le Grand Prix RTL-Lire. Avec Mãn (2013), Vi (2016) et Em (mars 2021), Kim Thúy poursuit l’exploration de son identité double, liant avec force et légèreté le passé et le présent, la mémoire et l’intime. Elle a reçu plusieurs prix, dont le Prix littéraire du Gouverneur général 2010, et a été l’une des quatre finalistes du Nobel alternatif en 2018.
Avis :
En 1973, le photographe Chick Harrity émut l’Amérique avec une image prise pendant la guerre du Viêt Nam : une toute petite fille endormie dans une boîte en carton, donnant la main à son frère couché à ses côtés dans une rue de Saigon. Ces deux orphelins ont inspiré à Kim Thuy les personnages de cette histoire : Em Hong, bébé abandonné recueilli par Louis, lui aussi enfant des rues de Saigon, évacués de la capitale au cours de l’opération Babylift qui, en 1975, envoya aux Etats-Unis trois mille enfants vietnamiens, orphelins de guerre ou nés de GI‘s.
L’histoire d’Em et de Louis, adoptés puis devenus adultes en Amérique, est l’occasion de nous plonger dans la guerre du Viêt Nam, en une série de flashes où resurgissent tour à tour l’exploitation des coolies dans les plantations d’hévéas de l’Indochine française, le massacre de My Lai jugé plus tard comme « l'épisode le plus choquant de la guerre du Viêt Nam », les épandages d’agent orange - ce défoliant qui empoisonna durablement les populations locales -, et enfin le sauve-qui-peut et l’évacuation d’enfants lors de la prise de Saigon par les communistes.
Chaque scène est marquante et comporte son lot d’émotions. Les mots de Kim Thùy alignent une série d’images fortes qui n’ont rien à envier à la photographie à l'origine de ce livre. Pourtant, le ton est calme, presque apaisé, sans rancune ni colère. Car ce qui l’emporte dans ces pages est au final l’affection tendre contenue dans le mot em : « petit frère » ou « petite sœur », homonyme du mot « aime ». Du carton de la photographie à la boîte pleine de fils de la couverture illustrée par l’artiste canadien Louis Boudreault, l'accent est mis sur les liens d’amour entre deux enfants qui, par delà la guerre et les continents, tissent peu à peu la toile de leur résilience.
Cette lecture m’a ramené à l’esprit la vaste fresque quasi documentaire Sud lointain d’Erwan Bergot, mais aussi le terrifiant Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, qui débouche sur l’infinie culpabilité de faire partie des survivants. Kim Thùy a, elle, choisi de s’attacher à la part d’humanité sauvée de l’enfer, dans une narration éclair, ciselée jusqu’à l’épure, d’une rare et bouleversante intensité. (4/5)
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